Sousa Botelho Mourão e Vasconcellos, Adélaïde Marie OEUVRES DE MADAME DE SOUZA NOUVELLE ÉDITION Précédée d'une Notice sur l'Auteur et ses Ouvrages PAR M. SAINTE-BEUVE Adèle de Sénange Charles et Marie Eugène de Rothelin PARIS CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR 29, RUE DE SEINE 1843 NOTICE SUR MADAME DE SOUZA ET SES OUVRAGES. Un ami qui, après avoir beaucoup connu le monde, s'en est presque entièrement retiré et qui juge de loin, et comme du rivage, ce rapide tourbillon où l'on s'agite ici, m'écrivait récemment à propos de quelques aperçus sur le caractère des œuvres contemporaines : « Tout ce que vous me dites de nos sublimes m'intéresse au dernier point. Vraiment, ils le sont ! Ce qui manque, c'est du calme et de la fraicheur, c'est quelque belle eau pure qui guérisse nos palais échauffés. » Cette qualité de fraicheur et de délicatesse, cette limpidité dans l'émotion, cette sobriété dans la parole, ces nuances adoucies et reposées, en disparaissant presque partout de la vie actuelle et des œuvres d'imagination qui s'y produisent, deviennent d'autant plus précieuses là où on les rencontre en arrière, et dans les ouvrages aimables qui en sont les derniers reflets. On aurait tort de croire qu'il y a faiblesse et perte d'esprit à regretter ces agrémens envolés, ces fleurs qui n'ont pu naitre, ce semble, qu'à l'extrême saison d'une société aujourd'hui détruite. Les peintures nuancées dont nous parlons supposent un goût et une culture d'ame que la civilisation démocratique n'aurait pas abolis sans incon a 135378 vénient pour elle-même, s'il ne devait renaitre dans les mœurs nouvelles quelque chose d'analogue un jour. La société moderne, lorsqu'elle sera un peu mieux assise et débrouillée, devra avoir aussi son calme, ses coins de fraicheur et de mystère, ses abris propices aux sentimens perfectionnés, quelques forêts un peu antiques, quelques sources ignorées encore. Elle permettra, dans son cadre en apparence uniforme, mille distinctions de pensées et bien des formes rares d'existences intérieures; sans quoi elle serait sur un point très au dessous de la civilisation précédente et ne satisferait que médiocrement toute une famille d'ames. Dans les momens de marche ou d'installation incohérente et confuse, comme le sont les temps présens, il est simple qu'on aille au plus important, qu'on s'occupe du gros de la manœuvre, et que de toutes parts, même en littérature, ce soit l'habitude de frapper fort, de viser haut et de s'écrier par des trompettes ou des portevoix. Les grâces discrètes reviendront peut-être à la longue, et avec une physionomie qui sera appropriée à leurs nouveaux alentours; je le veux croire; mais, tout en espérant au mieux, ce ne sera pas demain sans doute que se recomposeront leurs sentimens et leur langage. En attendant, l'on sent ce qui manque, et parfois l'on en souffre; on se reprend, dans certaines heures d'ennui, à quelques parfums du passé, d'un passé d'hier encore, mais qui ne se retrouvera plus; et voilà comment je me suis remis l'autre matinée à relire Eugène de Rothelin, Adèle de Sénange, et pourquoi j'en parle aujourd'hui. Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance, un beau lord élégant et sentimental, comme il s'en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparait d'abord comme un sauveur, un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n'épouse la jeune fille que pour l'affranchir d'une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir; tous les événemens les plus |