son arrêt prononcé par une voix trop véridique, et s'était sentie frappée au cœur. Ourika mourut peu de temps après. La duchesse de Duras pleura sa mort, et quand le temps eut adouci ses regrets, elle prit son histoire pour texte de la touchante nouvelle qui porte son nom. Ce salon de la duchesse de Duras, transporté pendant l'été dans la charmante maison que cette grande dame possédait à Saint-Germain, au niveau de la belle terrasse qui regarde la Seine fuir à regret le paysage que ses eaux côtoient, était un asile ouvert aux lettres, aux arts, à la politique, à la diplomatie, comme à la charité. Un critique célèbre a récemment raconté, avec toute la fraîcheur des souvenirs de la jeunesse, comment, dans la nuit qui précéda la destitution de M. de Chateaubriand, il entendit Mlle Gay, la jeune muse, dans tout l'éclat de son talent et de sa beauté, réciter, sous ces grands ombrages, les vers harmonieux que le tableau d'Horace Vernet sur Velleda, la druidesse, lui avait inspirés. Pendant que ces stances, animées par un accent doux et sonore, tombaient de ces lèvres éloquentes, la duchesse de Duras, lord Stuart, l'habile et opiniâtre diplomate, qui voulut en vain arrêter la France sur la route d'Alger, M. Capo d'Istria, dont la destinée devait être fatale, l'illustre Humboldt, Abel Rémusat, cet orientaliste qui avait assez d'esprit pour se faire pardonner sa science, et enfin M. Villemain qui a gardé ce souvenir, faisaient cercle autour de la jeune druidesse, et applaudissaient à son talent, à sa jeunesse, à ses vers et à sa beauté, en confondant dans leur admiration et leur enthousiasme Velleda et Delphine Gay. Chez Mme la princesse de la Trémouille, on rencontrait les hommes et les idées de la droite la plus avancée : là dominait M. de Bonald, dont l'aspect comme le talent avait quelque chose d'austère et d'un peu rude. Dédaigneux des discussions, il conversait peu, sous prétexte qu'il avait écrit tout ce qu'il avait à dire; seulement, quand il se trouvait au milieu d'auditeurs bienveillants et respectueux, il enseignait. M. Bergasse, dont la vieille réputation avait dévancé la première Révolution, et qui était sorti triomphant d'un duel judiciaire avec Beaumarchais, était, avec M. Ferrand, auteur d'un panégyrique de Mme Élisabeth, et dont la réputation littéraire et politique avait été surfaite, un des hôtes les plus assidus de ce salon, visité quelquefois par M. de Lamartine, et où M. le comte Joseph de Maistre vint toucher barre, dans sa rapide apparition à Paris, sauf à y rencontrer son bienveillant critique, M. de Féletz, esprit charmant, qui causait encore mieux dans un salon que dans un journal. La jeune duchesse de Broglie, continuant la tradition de sa mère, Mme de Staël, et Mme de Saint-Aulaire, deux amies, ouvraient leurs salons surtout aux écrivains de l'école intermédiaire : là commencèrent à briller MM. le duc de Broglie, de Barante, Guizot, Villemain, de Forbin, Cousin, Sismondi, de Rémusat, les yeux attachés sur un horizon littéraire et philosophique qui s'agrandissait sous leur regard. Mme de Montcalm, la digne sœur de Richelieu, celle à laquelle il écrivit le patriotique billet dans lequel il annonçait la signature du traité qui affranchissait le sol national, attirant les écrivains et les orateurs du centre droit, ralliés à son frère, les réunissait dans un salon plus politique que littéraire, où se taillaient les plu mes et où s'essayaient les voix qui défendaient la politique du ministère Richelieu. Il fallait aller chercher sur la rive droite de la Seine les salons de M. Casimir Périer, et plus encore de M. Laffitte, pour y trouver la politique, la philosophie, la littérature, la morale de la troisième école, mélangée de l'école intermédiaire, dans la personne du général Foy, de Benjamin Constant, de Paul-Louis Courier, de Manuel, de Viennet, de Béranger et de Casimir Delavigne, derrière lesquels MM. Étienne, Jay, Jouy, le père de la nombreuse famille des Ermites', Arnault, ces survivants de la littérature impériale, s'essayaient à un rôle nouveau, et, recrues inattendues, apportaient aux idées libérales un concours puissant, mais inespéré. 1 Les Ermites, écrits de compte à demi par MM. Jouy et Jay, furent un des pamphlets les plus répandus de la Restauration. C'est une de ces publications courantes qui ne survivent pas aux circonstances auxquelles elles répondent. FIN DU TOME PREMIER. PRÉFACE. TABLE DES MATIÈRES ORIGINES LITTÉRAIRES. Réaction des idées. LIVRE PREMIER. Chateaubriand : le Génie du Christianisme. Joseph de Maistre : Considérations sur la France. Pages. V 1 10 12 27 44 Lutte des deux écoles constatée dans l'histoire d'un journal. Enseignement. . . Fontanes. Son influence. 106 École catholique et monarchique : ses prosateurs, ses poëtes. Pages. École du spiritualisme rationaliste et monarchique : ses prosateurs, 206 Influences morales et politiques; leur action sur la littérature. 214 226 Les hommes, les idées, les circonstances, au début de la Restau- Briffaut; 361 Béranger : Chansons. Résumé MM. Alfred de Vigny, Soumet, Guiraud, Mmes Delphine Gay, Tastu, etc. POLITIQUE.. LIVRE CINQUIÈME. 366 Écrivains polémiques des deux écoles monarchiques : Chateau- Éloquence parlementaire : les grands orateurs de la Restauration : M. Lainé, M. de Serre, le général Foy. École révolutionnaire : le pamphlet; Paul-Louis Courier. 369 389 Paris. FIN DE LA TABLE DU TOME PREMIER. – Imprimerie de P.-A. BOURDIER ET Ce rue Mazarine, 30. |