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ROUGET DE LISLE

ET

L'HYMNE NATIONAL

PAR

ER.-CH. GAUDOT

Extrait des Annales franc-comtoises (livraison de septembre-

octobre 1892)

BESANÇON

IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE DE PAUL JACQUIN

1892

ROUGET DE LISLE & L'HYMNE NATIONAL

C'est le dimanche 24 avril 1892 que le centenaire de la Marseillaise a été célébré à Choisy-le-Roi, où Rouget de Lisle est mort et cù une statue monumentale a été élevée à sa mémoire.

A cette occasion, nombre d'articles ont été publiés sur notre compatriote, les uns favorables, les autres plus ou moins hostiles. En outre, deux biographies, qui se complètent l'une par l'autre, ont fait leur apparition. La première est de M. Julien Tiersot (1); la seconde, de M. Alfred Leconte, député de l'Indre (2). Toutes deux, quoique à des degrés divers, sont inspirées par des sentiments de glorification de la période révolutionnaire.

Le travail de M. Tiersot, plus littéraire, plus sérieusement critique, d'allures plus modérées, est dédié à « Monsieur Carnot. » Or, détail piquant qu'il convient de ne point laisser échapper, Rouget de Lisle était l'ennemi déclaré de l'« organisateur de la victoire (3). » L'œuvre de M. Leconte, plus abondante en renseignements, d'une

(1) Rouget de Lisle, son œuvre, sa vie, par Julien TIERSOT. Paris, Delagrave, 1892, in-18 de xu-435 p., avec portrait. Ce portrait est celui-là même qui figure ici et dont le cliché a été mis gracieusement à notre disposition par la maison Delagrave.

(2) Rouget de Lisle, sa vie, ses œuvres, la Marseillaise, par Alfred LECONTE, député. Préface de M. Victor POUPIN, député. Paris, Librairies-imprimeries réunies, May et Motteroz, 1892, in-18 de xx-303 p., avec portrait.

(3) Voici, sans commentaires, ce que Rouget écrivait au citoyen Cochon, ex-ministre de la police, à la date du 16 thermidor an V

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Je vous avouerai que, dans ce moment, tous les partis me paraissent être la dupe d'un seul homme. Je vous avouerai que toutes ces convulsions, dont les suites peuvent être si désastreuses, me paraissent résulter des machinations infernales de ce même homme, que je regarde comme le plus lâche, le plus astucieux, le plus féroce des scélérats qui ont égorgé la France. Et cet homme, c'est Carnot.» (Voir le livre de M. A. Leconte, p. 87.)

forme moins irréprochable, il est vrai, mais dégagée - à quelques tirades politiques près -de toute préoccupation autre que celle de faire ressortir, aussi nettement que possible, la personnalité de Rouget, est un hommage « à M. Léon Bourgeois, député et ministre de l'instruction publique et des beaux-arts. » J'ajouterai que ce dernier ouvrage est précédé d'une préface écrite par M. le député Poupin (du Jura).

Les deux auteurs me paraissent avoir travaillé à l'insu l'un de l'autre; car le sujet a été traité par chacun d'eux d'une façon fort différente et avec des moyens d'information plus ou moins complets.

Ce n'est pas d'aujourd'hui, certes, que l'on s'occupe du malheureux soldat-poète comtois qui eut le tort grave de n'avoir point de principes arrêtés et dont l'hymne, proclamé national, est resté en France, en dépit de son étiquette officielle, le chant de révolte par excellence (1). Ainsi, les amateurs connaissent bien le petit volume de J. Poisle-Desgranges (2), édité dans la jolie Collection du bibliophile français, livre écrit avec des intentions d'apologie malgré et quand même. Ils ont également sinon lu, du moins parcouru, trois brochures publiées il y a douze ans par M. Le Roy de Sainte-Croix (3), qui s'est fait, à Lons-le-Saunier et à Choisy-le-Roi, le champion de Rouget « méconnu pendant sa vie et encore après son trépas. »>

(1) Dans le feuilleton musical du Temps (4 juillet 1892), journal dont les opinions libérales sont connues, je trouve, sous la signature de M. J. Weber, le très édifiant passage suivant :

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Longtemps le chant de Rouget a servi de signe d'opposition ou de révolte. « Aujourd'hui qu'il est devenu le chant national, il n'a pas encore perdu cette signification. Des écoliers se mutinent: ils chantent la Marseillaise; pendant la première représentation de Lohengrin à l'Opéra, on la chantait sur le boulevard des Capucines. Pour que rien n'y manque, un criminel dont je

« ne veux pas rappeler le nom chantait, à son heure dernière, la Marseillaise « avec des paroles arrangées pour la lugubre circonstance.

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(2) Rouget de Lisle et la Marseillaise, par J. POISLE-DESGRANGES. Paris, Bachelin-Deflorenne, 1864, in-32 de 122 p., avec eau-forte par G. Staal.

(3) Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin, ou la Marseillaise, par LE ROY DE SAINTE-CROIX. Strasbourg, Hagemann, gr. in-8° de 202 p., avec 6 planches ou fac-similés. La Marseillaise et Rouget de Lisle, notice historique, par LE ROY DE SAINTE-CROIX. Conférence donnée à Lons-le-Saunier, le 8 novembre 1880. Strasbourg, Hagemann, 1880, gr. in-8° de 41 p. — Encore la Marseillaise et Rouget de Lisle, par LE ROY DE SAINTE-CROIX. Conférence donnée à Choisy-leRoi, le dimanche 14 novembre 1880. Strasbourg, Hagemann, 1880, gr. in-8° de 29 p.

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