DE M. DE VOLTAIRE E T DE M. D' A L EMBER T. LETTRE PREM I E R E. DE M. DE VOLT A I R E. Le 13 de décembre. En vous remerciant , Monsieur, de vos bontés et Partem aliquam venti divům referatis ad aures. Votre très-humble et très-obéiffant 1752. LETTRE I I. DE M. D'ALEMBERT. A Paris, ce 24 d'augufte. J'ai appris , Monsieur, tout ce que vous avez bien voulu faire pour l'homme de mérite auquel je m'intéresse, et qui est à Potsdam depuis peu de temps (*). J'avais prié madame Denis de vouloir bien vous écrire en fa faveur, et on ne saurait être plus reconnaissant que je le suis des égards que vous avez eus à ma recommandation. Je me flatte qu'à présent que vous connaissez la personne dont il s'agit, elle n'aura plus besoin que d'elle-même pour vous intéresser en sa faveur, et pour mériter vos bontés. Je sais par expérience que c'est un ami sûr , un homme d'esprit, un philosophe digne de votre estime et de votre amitié, par ses lumières et par ses sentimens. Vous ne fauriez croire à quel point il se loue de vos procédés , et combien il est étonné qu'agissant et pensant comme vous faites, vous puissiez avoir des ennemis. Il est pourtant payé pour en être moins étonné qu'un autre; car il n'a que trop bien appris combien les hommes sont méchans , injustes et cruels. Mon collegue dans l'Encyclopédie fe joint à moi pour vous remercier de toutes vos bontés pour lui , et du bien que vous avez dit de l'ouvrage, à la fin de votre admirable Essai sur le siècle de Louis XIV. Nous (*) L'abbé de Frades. connaissons mieux que personne tout ce qui manque à cet ouvrage. Il ne pourrait être bien fait qu'à 1752. Berlin, sous les yeux et avec la protection et les lumières de votre prince philosophe; mais enfin nous commencerons, et on nous en saura peut-être à la fin quelque gré. Nous avons essuyé cet hiver une violente tempête : j'espère qu'enfin nous travaillerons en repos. Je me suis bien douté qu'après nous avoir aussi maltraités qu'on a fait, on reviendrait nous prier de continuer, et cela n'a pas manqué. J'ai refuse pendant six mois, j'ai crié comme le Mars d'Homère; et je puis dire que je ne me suis rendu qu'à l'empressement extraordinaire du public. J'espère que cette résistance fi longue nous vaudra dans la suite plus de tranquillité. Ainsi-loit-il! J'ai lu trois fois consécutives, avec délices, votre Louis XIV: j'envie le fort de ceux qui ne l'ont pas encore lu; et je voudrais perdre la mémoire pour avoir le plaisir de le relire. Votre Duc de Foix m'a fait le plus grand plaisir du monde; la conduite m'en paraît excellente , les caractères bien soutenus , et la versification admirable. Je ne vous parle pas de Lifois, qui est sans contredit un des plus beaux rôles qu'il у ait au théâtre ; mais je vous avouerai que le Duc de Foix m'enchante. Avec combien d'amour, de pasfion et de naturel il revient toujours à son objet, dans la scène entre lui et Lisois, au troisième acte ? En écoutant cette scène et bien d'autres de la pièce, je disais à M. de Voltaire comme la prêtresse de Delphes à Alexandre : Ah! mon fils, on ne peut te résister. On nous flatte de remettre Rome sauvée après la SaintMartin : vos amis et le public seront charmés de la |