LES VIES DES HOMMES ILLUSTRES DE PLUTARQUE, Traduites en François, avec des Remarques Nouvelle Edition, revue & corrigée. TOME NEUVIEME, Les Vies CONTENANT de DEMETRIUS, d'ANTOINE, de DION, оо Chez la Veuve SAVOYE, Libraire, rue S. Jacques, M. DCC. LXXVIII. CEUX EU X qui ont avancé les premiers que les arts & les fciences font femblables aux fens dont la nature nous a pourvus, me paroiffent avoir parfaitement compris la faculté avec laquelle les uns & les autres operent leurs jugemens, & par laquelle nous démêlons également dans chaque fujet les deux contraires. Ils ont tous cela de commun, mais ils different par la fin à laquelle ils rapportent les chofes dont ils jugent. Car les fens ne font pas feulement la faculté de difcerner le blanc & le noir, le doux & l'amer, le dur & le mou, ce qui cede & ce qui résiste; mais ils ont encore cela de propre, & c'est-là leur principale fonction, d'être mus par tous les objets qui font de leur reffort, & de tout mouvoir auffi de leur côté, en rapportant à l'entendement le fentiment dont ils font affectés. Au lieu que les arts qui ont été inventés avec raison pour élire & recevoir ce qui eft bon, & pour fuir & rejetter ce qui est mauvais confiderent l'un des contraires, c'est-à-dire, ce qui eft bon, ils le confiderent principalement & par eux-mêmes par leur propre naTome IX, A |