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» très-bien, ainsi qu'il savait faire et en homme d'esprit, digne d'être écouté, même après Ci» céron. Un autre depuis, féroce, et n'ayant de César ni la plume ni l'épée, maltraité dans quelque autre feuille, pour réponse fit tuer le pamphlétaire romain. Proscription, persécution, récompense ordinaire de ceux qui seuls se » hasardent à dire ce que chacun pense. De même » avant lui avait péri le grand pamphlétaire de la Grèce, Démosthènes, dont les Philippiques sont >> demeurées modèle du genre. Mal entendues et » de peu de gens dans une assemblée, s'il les eût prononcées seulement, elles eussent produit peu I d'effet; mais écrites on les lisait, et ces pamphlets, de l'aveu même du Macédonien, lui donnaient plus d'affaires que les armes d'Athè» nes, qui, enfin succombant, perdit Démosthè»nes et la liberté.

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Heureuse de nos jours l'Amérique, et Franklin, qui vit son pays libre, ayant plus que nul » autre aidé à l'affranchir par son fameux Bon » Sens, brochure de deux feuilles ! Jamais livre ni » gros volume ne fit tant pour le genre humain.

Car, aux premiers commencemens de l'insur>>rection américaine, tous ces états, villes, bour» gades, étaient partagés de sentimens; les uns, >> tenant pour l'Angleterre, fidèles, non sans » cause, au pouvoir légitime; d'autres appréhen

daient qu'on ne s'y put soustraire, et craignaient » de tout perdre en tentant l'impossible; plu>> sieurs parlaient d'accommodement, prêts à se

>> contenter d'une sage liberté, d'une charte oc

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troyée, dût-elle être bientôt modifiée, suspendue; peu osaient espérer un résultat heureux » de volontés si discordantes. On vit en cet état de >> choses ce que peut la parole écrite dans un pays » où tout le monde lit, puissance nouvelle et bien >> autre que celle de la tribune. Quelques mots » par hasard d'une harangue sont recueillies de quelques-uns; mais la presse parle à tout un peuple, à tous les peuples à la fois, quand ils > lisent comme en Amérique; et de l'imprimé rien » ne se perd. Franklin écrivit ; son Bon Sens, réu» nissant tous les esprits au parti de l'indépendance, décida cette grande guerre qui, là ter>> minée, continue dans le reste du monde.

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» Il fut savant; qui le saurait, s'il n'eût écrit de >> sa science? Parlez aux hommes de leurs affaires, » et de l'affaire du moment, et soyez entendu de >> tous, si vous voulez avoir un nom. Faites des pamphlets comme Pascal, Franklin, Cicéron, Démosthènes, comme saint Paul et saint Bazile; >> car vraiment j'oubliais ceux-là, grands hommes >> dont les opuscules, désabusant le peuple païen » de la religion de ses pères, abolirent une partie » des antiques superstitions, et firent des nations >> nouvelles. De tous temps les pamphlets ont changé la face du monde. Ils semèrent chez les Anglais ces principes de tolérance que porta Penn en Amérique, et celle-ci doit à Franklin

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» sa liberté maintenue par les mêmes moyens qui

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la lui ont acquise, pamphlets, journaux, pu

» blicité. Là, tout s'imprime; rien n'est secret de » ce qui importe à chacun. La presse y est plus

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libre que la parole ailleurs, et l'on en abuse » moins. Pourquoi? C'est qu'on en use sans nul empêchement, et qu'une fausseté, de quelque part qu'elle vienne, est bientôt démentie par » les intéressés que rien n'oblige à se taire. On » n'a de ménagement pour aucune imposture, » fût-elle officielle; aucune hablerie ne saurait subsister; le public n'est point trompé, n'y ayant là personne en pouvoir de mentir et d'im» poser silence à tout contradicteur. La presse n'y fait nul mal, et en empêche........... combien ? » C'est à vous de le dire, quand vous aurez compté > chez vous tous les abus. Peu de volumes parais» sent, de gros livres pas un, et pourtant tout le » monde lit; c'est le seul peuple qui lise, et aussi » le seul instruit de ce qu'il faut savoir pour n'o» béir qu'aux lois. Les feuilles imprimées, cir>culant chaque jour et en nombre infini, font un

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enseignement mutuel et de tout âge. Car tout le monde presque écrit dans les journaux, mais » sans légèreté; point de phrases piquantes, de » tours ingénieux; l'expression claire et nette suf

fit à ces gens là. Qu'il s'agisse d'une réforme » dans l'état, d'un péril, d'une coalition des puis»sances d'Europe contre la liberté, ou du meil» leur terrain à semer les navets, le style ne dif» fère pas, et la chose est bien dite dès que chacun » l'entend; d'autant mieux dite qu'elle l'est plus brièvement, mérite non ommun, savez-vous ?

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» ni facile de clore en peu de mots beaucoup de » sens. Oh, qu'une page pleine dans les livres est rare! et que peu de gens sont capables d'en » écrire dix sans sottises! La moindre lettre de » Pascal était plus malaisée à faire que toute l'Encyclopédie. Nos Américains, sans peut-être avoir jamais songé à cela, mais avec ce bon sens » de Franklin, qui les guide, brefs dans tous leurs écrits, ménagers de paroles, font le moins de livres qu'ils peuvent, et ne publient guère leurs » idées que dans les pamphlets, les journaux qui, » se corrigeant l'un l'autre, amènent toute invention, toute pensée nouvelle à sa perfection. Un homme, s'il imagine ou découvre quelque chose d'intéressant pour le public, n'en fera point un » gros ouvrage avec son nom en grosses lettres, » par monsieur...... de l'Académie, mais un article de journal, ou une brochure tout au plus. Et >> notez ceci en passant, mal compris de ceux qui, chez vous, se mêlent d'écrire; il n'y a point de bonne pensée qu'on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s'étend davantage, souvent ne s'entend guère, ou manque de loisir, comme dit l'autre, pour méditer et faire

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» court.

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De la sorte, en Amérique, sans savoir ce que >> c'est qu'écrivain ni auteur, on écrit, on imprime, on lit autant ou plus que nulle part ailleurs, et des choses utiles, parce que là vrai»ment il y a des affaires publiques, dont le public s'occupe avec pleine connaissance, sur

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lesquelles chacun consulté opine et donne son >> avis. La nation, comme si elle était toujours as» semblée, recueille les voix et ne cesse de délibérer » sur chaque point d'intérêt commun, et forme » ses résolutions de l'opinion qui prévaut dans le peuple, dans le peuple tout entier, sans excep>>tion aucune; c'est le bon sens de Franklin. Aussi >> ne fait-elle point de bévues, et se moque des ca. >>binets, des boudoirs même peut-être.

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» De semblables idées, dans vos pays de boudoirs, ne réussiraient pas, je le crois, près des » dames. Cette forme de gouvernement s'accom» mode mal des pamphlets et de la vérité naïve. Il » ferait beau parler bon sens, alléguer l'opinion publique à mademoiselle de Pisseleu, à mademoiselle Poisson, à madame du B....., à madame » du C..... Elles éclateraient de rire les aimables » personnes en possession chez vous de gouverner l'état, et puis feraient coffrer le bon sens, et Franklin, et l'opinion. Français charmans! sous » l'empire de la beauté, des grâces, vous êtes un peuple courtisan, plus que jamais maintenant. » Par la révolution, Versailles s'est fondu dans la nation; Paris est devenu l'OEil-de-bœuf. Tout le monde en France fait sa cour. C'est votre art,

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» l'art de plaire dont vous tenez école; c'est le génie de votre nation. L'Anglais navigue, l'A

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» rabe pille, le Grec se bat pour être libre, le Français fait la révérence et sert ou veut servir; il mourra s'il ne sert. Vous êtes non le plus esclave, mais le plus valet de tous les peuples.

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