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peuples chez lesquels ils porteront les armes de la République. Vous déciderez ensuite la proposition d'aujourd'hui. Enfin, il vous restera à traiter une grande question que je n'ai pas aperçu qu'on discutât; c'est la conduite que vous aurez à tenir envers les peuples qui voudront se réunir à vous. Englober toutes ces questions, ce serait faire une mauvaise loi, ou plutôt ce serait n'en point faire. Je demande donc la priorité pour le projet de décret du comité diplomatique sur la conduite des généraux en pays étranger.

Lepaux propose, et la Convention adopte la rédaction sui

vante :

La Convention nationale déclare, au nom de la nation fran› çaise, qu'elle accordera fraternité et secours à tous les peu› ples qui voudront recouvrer leur liberté, et charge le pouvoir > exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour › porter secours à ces peuples, et défendre les citoyens qui au› raient été vexés ou qui pourraient l'être pour la cause de la › liberté. ›

Sergent. Je demande que ce décret soit traduit et imprimé dans toutes les langues.

Cette proposition est décrétée.

- Nous allons maintenant voir commencer l'exécution des vastes projets que contenaient ces diverses décisions.

Conquête de la Belgique et des Pays-Bas autrichiens.

Avant de quitter Paris, le général Dumourier avait concerté son plan de campagne avec le conseil exécutif; il avait reçu le commandement en chef depuis Dunkerque jusqu'à Givet. Le général Valence formait la droite avec l'armée des Ardennes, forte de seize mille hommes. Il devait se porter sur Namur, et empêcher la jonction du général Clairfait, qui accourait du Luxembourg au secours du duc de Saxe-Teschen. Il atteignit en effet Clairfait à Virton, le 24 octobre, mais sans pouvoir l'entamer, et, retardé par des délais dans le service des fournitures, il se trouvait encore le 6 novembre à Givet.

T. XXI.

6

Le centre, sous le nom d'armée de la Belgique, était commandé par Dumourier en personne. Ce corps avait réuni quarante mille hommes dans le camp de Famars, sous Valenciennes, dès le 22 octobre. Il devait pénétrer dans le pays ennemi par la route de Mons.

L'aile gauche, ou armée du Nord, forte de dix-huit mille hommes aux ordres du général Labourdonnaye, occupait l'intervalle entre Dunkerque et l'Escaut. Cette armée devait menacer Tournai, pour forcer l'ennemi à étendre et partager ses moyens de défensive.

A la droite de l'armée des Ardennes, celle de la Moselle devait se porter en même temps sur Trèves et Coblentz, tandis que, avec une partie de l'armée du Rhin, Custine descendrait le fleuve.

Ce plan vaste et combiné, dit Servan (1), s'il eût été exécuté dans son entier, eût donné, en une seule campagne assez courte, pour limites des cantonnemens des troupes françaises, le Rhin de Bâle à Nimègue. Mais déjà la plus grande partie de ce projet était abandonnée. L'armée de la Moselle paraissait trop faible; celle de Custine s'amusait à lever des contributions en Allemagne. L'armée de Belgique seule accomplit la tâche qui lui avait été réservée.

Les trois corps qui la composaient formaient, ainsi que nous venons de le voir, vers la fin d'octobre, un total de soixante-quatorze mille combattans; mais ce nombre s'accrut rapidement par l'adjonction des divers cantonnemens dispersés de Lille à Châlons, et de quelque corps venus de Paris, qui rejoignaient successivement, de telle sorte qu'il s'éleva bientôt à plus de cent mille hommes. Parmi ces renforts, on remarqua à son passage à Lille une légion de gendarmerie formée à Paris des débris des anciennes gardes françaises et des autres compagnies soldées de la garde nationale. Cette légion, dont le chiffre n'était pas de moins de cinq mille hommes, était un corps d'élite sous tous les

(1) Tableau historique de la guerre de la révolution, t. 1, p. 228,

rapports, aussi remarquable par la tenue, par la beauté, que par l'expérience des soldats.

Le duc de Saxe-Teschen et Clairfait, dont la réunion s'était opérée le 31, n'avaient ensemble que quarante mille hommes à opposer à une pareille masse. Le succès ne pouvait donc être un instant douteux.

Le 28, Dumourier porta son avant garde à Quiévrain, c'està-dire, environ à moitié route de Valenciennes à Jemmapes. Après un léger combat, ce poste fut enlevé par le général Beurnonville. Le même jour le général Berneron, avec huit mille hommes, traversa Condé et vint occuper la forêt de Berinsart, menaçant la communication de Mons à Tournay; et le même jour encore le général Labourdonnaye, sortit de Lille pour chasser les postes ennemis dispersés en avant de Tournay; en même temps le général d'Harville, commandant le camp de Maubeuge, recevait l'ordre de marcher dans la direction de Mons. Tous ces mouvemens ne pouvaient donner à l'ennemi aucun doute sur le point qui allait être attaqué. Les forces françaises convergeaient évidemment dans la direction de Mons. Ce fut aussi sur ce point que les Autrichiens concentrèrent toutes les forces dont ils pouvaient disposer; et elles ne s'élevaient pas à vingt-cinq mille hommes. Ils se préparèrent à compenser la différence du nombre par l'avantage de la position.

Du côté de la France, Mons est couvert par des hauteurs. La plus considérable est un vaste plateau triangulaire qui devint le centre de la position des Autrichiens. Au pied de ce plateau et du côté du nord, qui répondait à la droite des Autrichiens, passait la route de Valenciennes. En suivant cette route, lorsqu'on venait de Valenciennes, on rencontrait d'abord et l'on traversait le village de Quareignon, qui était jeté comme un poste avancé sur un des côtés du triangle; après avoir traversé ce village et après environ une demi-lieue de marche, on arrivait à l'angle nord du triangle, où était situé le village de Jenimapes. Il fallait donc être le maître du plateau pour arriver à Mons, en tenant la route sur laquelle Dumourier faisait marcher son armée; mais

ce n'était pas tout, nous n'avons décrit qu'un des côtés du trian

gle; il nous reste à parler de l'autre, de celui qui répondit à la gauche de la position qui fut occupée par les Autrichiens. De ce côté, deux autres villages occupaient une position à peu près parallèle à ceux de Quareignon et de Jemmapes. C'étaient le village de Frameries, qui formait également comme une position avancée sur la gauche du plateau, et le village de Cuesmer, qui en occupait l'angle sud du côté de Mons. En face de ce plateau, à sa droite, à sa gauche, il y avait un terrain plat complétement dominé, et qu'il fallait traverser pour arriver au pied de la hauteur; celle-ci fut couverte de retranchemens, de redoutes élevées en étages, garnies d'une artillerie nombreuse, et défendues par des abattis pratiqués sur les penchans boisés. C'est dans cette position, protégée par tous les moyens de l'art, que le duc Albert de Saxe-Teschen attendait les Français.

Cependant, le 5, le corps formé des réfugiés belges attaqua le village de Thulin en avant de Quiévrain, mais il fut repoussé. Le lendemain, 4, Dumourier ordonna de réattaquer; et l'avantgarde, renforcée de neuf bataillons aux ordres du général Égalité, prit sans peine les postes évacués la veille.

Nous allons maintenant laisser Dumourier raconter lui-même l'histoire de la bataille qui eut lieu le 6, et qui est restée si célèbre sous le nom de bataille de Jemmapes. Cette narration fut lue à la Convention dans sa séance du 9 novembre.

Lettre de Dumourier au ministre de la guerre.

Au quartier général de Mons, le 7 novembre; l'an 1er de la République.

Vous verrez par le lieu d'où je date ma lettre, combien le temps a été bien employé depuis la dernière lettre que je vous ai écrite du quartier-général d'Honning. Je l'ai quitté, le 3, pour aller avec mon avant-garde prendre ma position entre Delonge et Vhiéries. Cette position nécessitait la prise d'un village nommé Thilun, dont nous avons été repoussés, parce que les Belges qui étaient chargés de cette attaque, s'étaient trop aventurés au

delà du village, prés du moulin de Boussu, et n'avaient point pris de canons avec eux. Ils ont été enveloppés par douze ou quinze cents hussards, qui ont taillé deux compagnies, et qui auraient détruit tout ce corps sans l'extrême valeur du deuxième régiment de hussards, qui n'était pas de plus de trois cents hommes, qui a chargé cette forte troupe de hussards autrichiens, et a dégagé les Belges dont il a assuré la retraite.

› Le même jour, 3, le général d'Harville est arrivé avec son armée à Bavay; le lendemain, 4, j'ai tiré du camp d'Honning neuf bataillons, pour fortifier l'attaque de Thulin et prendre de force la position de Boussu; mon projet était lors d'effectuer ma réunion avec le général d'Harville; il était nécessaire de chasser les Autrichiens de la longue bande de bois qui s'étend depuis Sar jusqu'à Boussu. J'ai arrangé une attaque combinée, d'après laquelle le général d'Harville devait s'emparer du château de Sar. Le colonel du onzième régiment de chasseurs devait, avec son régiment et de l'infanterie légère, pénétrer par le Blangy, et, se dirigeant ainsi sur le même château de Sar, et remontant par la droite des bois, devait s'emparer du village de Framery, pendant que, longeant les mêmes bois par la gauche, je m'emparerais de celui de Boussu: ces trois attaques ont parfaitement réussi. Les Autrichiens ont défendu avec assez d'opiniâtreté le moulin de Boussu, dont je les ai dépostés avec mon artillerie; ils y ont perdu cinq ou six cents hommes. Le combat s'est passé en artillerie. J'ai bivouaqué la même nuit avec l'avant-garde à la tête du bois de Boussu, et j'ai ordonné à l'armée de venir bivouaquer sur le terrain de Delonges. Je me suis renforcé en grosse artillerie et en obusiers, d'après le succès de cette journée.

› Le 3, j'ai reconnu la position des ennemis sur les hauteurs de Jemmapes; j'ai attaqué avec de l'infanterie le village de Carignon, pendant que j'occupa's leur gauche par une canonnade assez vive. Le même jour, le colonel Fregville a tàté leur gauche, et il y a eu divers petits combats d'infanterie et de cavalerie, où nous avons toujours eu le dessus. Le général d'Harville n'a pu arriver ce même jour qu'avec la moitié de son armée, d'environ

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