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temps. "J'ai bien observé votre "père quand il regarde la maréchale;

ses yeux ont encore l'expression de la "colère. Il est tranquille, parce qu'il 66 se persuade qu'il vous éloignera de 46 nous; moi, je suis heureuse, parce que j'espère parvenir à lui inspirer

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plus de bienveillance: attendons.... "notre affection est inaltérable, et notre

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cœur assez pur pour être rempli de "résignation et d'espérance." - Je me soumis à ses désirs, j'acquiessai à ce délai: la pensée que peut-être la douceur d'Athénaïs ramènera mon père put seule me le faire supporter. Cependant je me promis de déclarer hautement mon estime pour madame d'Estouteville, mon attachement pour madame de Rieux.

Demain je dois le laisser seul et aller

diner avec elles. Ce premier pas m'inquiète; mais il faut bien que mon père connoisse mes sentiments et pré-voie mes résolutions.

CHAPITRE VI..

JE passai hier la matinée, avec mon père, cependant sans oser lui parler de l'engagement que j'avois contracté; non que je ne fusse décidé à le remplir, mais parce que je craignois de le fâcher. Quand j'allai m'habiller, je n'avois encore rien dit. En descendant pour pren dre congé de mon père, son valet de chambre m'apprit qu'il étoit avec du monde. Je le chargeai de l'avertir que je dînois dehors, et partis tout joyeux de m'être ainsi émancipé. Plusieurs fois j'avois observé que pour ces petites sujétions de la vie, le premier jour où l'on y manque est le seul qui soit orageux.

Madame d'Estouteville me reçut à merveille; Athénaïs étoit dans une satisfaction qu'elle pouvoit à peine contenir. Quand elle est heureuse, personne ne sait comme elle vous donner le sentiment que vous contribuez à son bonheur. Qu'elle étoit jolie! Il y avoit beaucoup de monde. Au milieu de ce grand cercle, où je gardois la réserve qui convient à mon âge, je remarquai tous les soins qu'elle avoit pris pour ajouter au plaisir de nous voir. Rien n'avoit été oublié; mais aussi rien ne m'échappa.

Elle avoit une petite robe rose que je m'étois avisé de louer un jour où comme de vrais enfants, nous nous étions brouillés et raccommodés sans savoir pourquoi. Elle tenoit ses gants pour me faire voir une bague que je por tois la première fois que je l'ai vue, et

que depuis elle m'a demandée, uniquement parce qu'elle pensoit que j'y atta chois du prix. Dans différentes occas sions je lui ai donné deux ou trois col liers de perles, quelques chaînes, rapportés de mes voyages; elle les avoit tous réunis à son cou. Cette bizarre pa rure avoit surpris madame d'Estoute ville, et fait rire tout ce qui étoit présent. Madame de Rieux en rioit aussi, mais prétendoit vouloir amener une mode nouvelle.

Que de douces émotions inaperçues par ce cercle imposant! La première fois que nos yeux se rencontrèrent, elle toucha sa robe, regarda sa bague, puis passa ses doigts à travers ses colliers. Je devinois ses pensées, et me disois: l'amour seul donne du prix à ces cir constances fugitives et légères; il les

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