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nous abstiendrons aussi de notes historiques et explicatives, qu'on trouvera fort bien faites dans d'excellentes éditions que tout le monde a entre les mains, et surtout de ces notes admiratives qu'on rencontre dans beaucoup trop d'éditions. Nous avons une aversion toute particulière pour ces exclamations sur les beautés d'un ouvrage, faisant dans un livre l'effet de la claque au théâtre, comme si le lecteur n'était pas capable d'admirer de lui-même ce qui est admirable. Ce n'est pas ainsi que doit étre compris le travail de l'annotateur. La note ne doit être ni une gêne ni un ennui pour le lecteur; elle ne doit pas aller le chercher, mais être cherchée par lui. Il faut qu'elle lui soit comme un ami modestement dévoué, toujours prêt à lui venir en aide, sans jamais tenter de lui imposer ses services.

Les notes dont nous avons fait suivre cette réédition ne sont faites, du reste, qu'au point de vue philologique; ce sont simplement des notes justificatives. Nous avons voulu que, toutes les fois que le lecteur serait alarmé par une orthographe qui lui semblerait une erreur typographique, il pût se rassurer en allant consulter les quelques lignes que nous avons cru devoir placer à la fin de ce volume.

Réimprimant une édition originale, nous devions en reproduire l'orthographe; nous l'avons suivie respectueusement, hormis dans ce qui nous a paru des erreurs évidentes, n'ayant de respect pour rien de ce

qui est du domaine de l'erreur. On est arrêté, à chaque instant, par des irrégularités inexplicables; on est tout étonné de trouver dans une phrase le même mot écrit de deux manières différentes. On a peine à démêler dans cette confusion une grammaire invariable et des règles de formation des mots bien arrêtées. Mais ce sont ces irrégularités mêmes qui sont le signe caractéristique de l'état de la langue à l'époque de La Bruyère.

L'orthographe, si l'on peut appeler ainsi une manière aussi irrégulière d'écrire, était abandonnée au caprice des auteurs. Il serait même plus juste de dire qu'elle n'existait pas encore et qu'elle était en voie de formation. Nous en trouvons la preuve dans un document dont le caractère officiel ne peut être contesté. On lit dans les Cahiers de remarques sur l'or thographe française1, qui datent de 1673, et qui sont presque contemporains de notre édition :

« La premiere observation que la Compagnie a creu devoir faire est que, dans la Langue Françoise comme dans la pluspart des autres, l'Orthographe n'est pas tellement fixe et determinée qu'il n'y ait plusieurs mots qui se peuvent escrire de deux diffe

1. Cahiers de remarques sur l'orthographe françoise pour estre examinez par chacun de Messieurs de l'Academie. Il en existe deux éditions différentes que M. Marty-Laveaux a publiées en une seule, en 1863. Le travail, malheureusement trop court, dont il a fait précéder cette réédition, est un document trèsintéressant pour l'histoire de la langue.

rentes manieres qui sont toutes deux esgalement bonnes; et quelquefois aussi il y en a vne des deux qui n'est pas si vsitée que l'autre, mais qui ne doit pas estre condamnée. »

Aujourd'hui l'orthographe est fixée, et si l'on ne sait pas au juste quelle est la meilleure manière d'écrire un mot, on sait de quelle manière on doit l'écrire. Sans doute les règles suivies actuellement subiront encore des modifications, et nous ne savons ce que nous réserve à cet égard la nouvelle édition du Dictionnaire de l'Académie. Mais, avant de rien préjuger sur elle, nous voudrions bien savoir si elle paraîtra jamais.

ERRATA

Il existe des exemplaires de l'édition originale qui portent, après le privilége, un feuillet d'errata; ce n'est qu'une fois notre texte imprimé que nous avons vu un de ces exemplaires. Nous avions, du reste, rectifié spontanément la plupart des erreurs qui s'y trouvent signalées. En voici trois que nous avions respectées, parce qu'elles ne nous avaient pas paru des erreurs évidentes :

P. 74, 1. 6. Au lieu de qui parle, lisez qui leur parle.
P. 104, 1. 19. Au lieu de hautes, lisez hauts.

P. 133, 1. 11. Au lieu de on est, lisez on en est.

D'ailleurs cet errata aurait besoin d'un errata luimême. Sur neuf renvois de pages, trois sont faux, et de ces trois fautes fautivement marquées, il y en a une dont nous n'avons pu trouver la place nulle part dans l'édition. C'est celle qui est ainsi indiquée :

P. 307 (184-5 de notre réimpression). Apost. Chap. 13. lisez Chap. 31.

Il y a bien là une note à laquelle pourrait se rapporter cette indication. Mais il y est question des Pensées de Pascal, et non pas des Apôtres.

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