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A MA PETITE-FILLE.

PN 542

B4

1830 v. l

A■! sur ce doux visage où la gaîté respire
Que mon livre aujourd'hui n'amène point l'effroi :
Il est encor trop tôt pour qu'il puisse t'instruire.
Cependant, mon Emma, je l'écrivis pour toi.
Je ne veux point ravir à ton aimable enfance
Un de ces jours sereins toujours prompts à s'enfuir;
Mais de mon tendre amour l'active prévoyance,
Sans troubler le présent, songe à ton avenir.

TOME I.

24924

Si la science et l'invention n'appartiennent qu'à un petit nombre d'hommes de génie; s'il n'est accordé qu'à mesdames de Lambert, de Beaumont, de Genlis, d'écrire avec autant d'érudition et de grâce que de morale, on peut encore se flatter d'être utile à la jeunesse, en lui offrant un Cours de Littérature. Les bons spectacles sont l'amusement de la bonne compagnie, et tout ce qui tient à la littérature est souvent le sujet de ses entretiens ne paraît-il pas convenable qu'une jeune demoiselle, qui entre dans le monde, ne soit pas entièrement étrangère aux sujets qu'on y traite, aux pièces qu'elle y verra représenter, aux ouvrages dont on parlera en sa présence? N'est-il pas même essentiel qu'elle ne confonde point les noms des auteurs, les différens genres dans lesquels ils ont écrit, les degrés de leur supériorité, et les siècles qu'ont illustrés ces grands hommes qui ont tant de droits à notre reconnaissance et à notre admiration?

C'est dans ce but important que j'ai tracé un ouvrage qui m'a semblé manquer à l'in

a.

struction des femmes. L'excellent Traité des Études de Rollin, les Cours de Le Batteux et de La Harpe, l'Histoire des trois Siècles de notre Littérature, desquels j'ai emprunté tout ce que j'ai cru devoir faire partie de mes leçons, ne conviennent qu'à l'éducation approfondie des hommes, Il ne faut pas qu'une femme soit assez ignorante pour faire une question ou une réponse qui jetterait sur elle une sorte de ridicule; il ne faut pas non plus qu'elle soit assez savante (ce que l'on ne doit pas confondre avec instruite), pour se croire en droit d'afficher une érudition déplacée. Il est bien qu'elle ne s'expose point à la raillerie en parlant de ce qu'elle ignore, et ne montre point de prétention en parlant de ce qu'elle sait.

Ce dernier motif m'a portée à resserrer mon Cours autant qu'il m'a été possible. Je l'ai divisé par siècles, parce que cette division, qui se rattache à l'histoire, se grave plus facilement dans le souvenir. S'il est utile à mes jeunes lectrices, s'il obtient l'indulgence des hommes éclairés, je me féliciterai de l'avoir entrepris.

INTRODUCTION

AUX GRANDS SIÈCLES.

La poésie naquit de la joie, du sentiment, de la reconnaissance. La première exclamation de l'homme, en sortant des mains du Créateur, fut une expression lyrique: comblé des bienfaits de Dieu, et des merveilles dont il l'avait entouré, il voulut que tout l'univers l'aidât à payer le tribut d'hommage qu'il devait à ce souverain bienfaiteur. Il anima le soleil, les astres, les fleuves, les montagnes : telle est l'origine des poésies sacrées.

Le genre humain s'étant multiplié, Dieu fit éclater sa puissance en faveur du juste contre l'injuste; les peuples reconnaissans immortalisèrent ses secours miraculeux par des chants qu'une religieuse tradition a transmis à la postérité; tels sont les cantiques de Débora, de Judith et des prophètes.

Moïse, né en Egypte de parens hébreux, poursuivi par Pharaon, traverse la mer Rouge à pied sec, et l'armée du tyran est engloutie sous les mêmes flots que la main de Dieu cesse de tenir suspendus. A la vue d'un si grand miracle, Moïse, prosterné sur le rivage, adresse

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