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du pouvoir, dans les ministres et les conseils qui entourent l'autorité centrale, l'éclairent et exécutent ses ordres. Sous les rois barbares, le souverain n'a pour guides que son caprice et son intérêt, pour instrument que la force brutale. Quelques Gallo-Romains, et entre autres Arcadius, Parthenius, le référendaire Marcus, paraissent seulement de loin en loin comme conseillers des chefs barbares et comme collecteurs des impôts. Dans la suite, les maires du palais, qui n'étaient primitivement que les intendants des rois, usurpèrent la souveraineté sous des souverains la plupart faibles et mineurs, comme les derniers Mérovingiens.

Charlemagne s'entoura de grands officiers, ainsi que les anciens Césars; il eut ses chambellans, grands veneurs, sénéchaux, bouteillers, panetiers, connétables, chanceliers, apocrisiaires, chapelains, etc. Ces dignités devinrent héréditaires pendant la période féodale. La royauté fut alors entourée de grands feudataires investis d'un pouvoir indépendant. Les ducs d'Anjou furent sénéchaux héréditaires de France jusqu'à la fin du XIIe siècle; en cette qualité, ils commandaient l'armée royale, et présidaient le tribunal en l'absence du roi. Le grand bouteiller avait droit d'inspection sur toutes les tavernes et prélevait une redevance sur les taverniers; dans la suite, il fut président-né de la cour des comptes. Au grand panetier appartenait la surveillance des boulangers; au grand chambellan, celle des pelletiers; le connétable commandait la cavalerie.

La royauté ne laissa pas longtemps à ces grands officiers une autorité qui affaiblissait la puissance centrale. Dès 1194, la dignité de sénéchal fut supprimée, comme trop étendue; les fonctions du sénéchal furent partagées entre le connétable qui commanda l'armée et le grand maître du palais, auquel appartint la juridiction dans l'intérieur des demeures royales. Les grands officiers ne furent plus que les mandataires du pouvoir central; au lieu d'une autorité personnelle, territoriale, inhérente à leur domaine, ils n'eurent qu'un pouvoir délégué par le roi et confié temporairement à ses représentants. La nomination d'un grand amiral et d'un grand maître des arbalêtriers sous saint Louis, prouve l'extension que prenaient les armées de terre et de mer. Vers la fin du xve siècle, sous Louis XI, le grand maître de l'artillerie (remplaça le grand maître des arbalétriers; ce changement correspondait à la modification introduite dans la tactique militaire par la découverte de la poudre à canon. Jusqu'au xvr siècle,

les grands officiers de la couronne furent les véritables ministres. Mais sous Louis XII et François Ier, une nouvelle puissance commença à s'élever, celle des secrétaires d'État.

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Ministres secrétaires d'État. Philippe le Bel avait institué, en 1309, des clercs du secret chargés de tenir la plume aux délibérations du grand conseil et d'en rédiger les actes. Jusqu'au règne de Louis XII, il est à peine question de ces fonctionnaires. Florimond Robertet fut le premier qui releva cette dignité; il était secrétaire d'État sous Louis XII et François Ier. Dès le milieu du xvi siècle, les quatre secrétaires d'État devinrent des personnages importants, qui contre-signèrent les ordonnances des rois. Leurs attributions étaient réglées à cette époque par une division géographique, qui plaçait dans leur département un certain nombre de provinces françaises et de pays étrangers. Au xvIIe siècle, on substitua à cette étrange division des départements ministériels une répartition méthodique des affaires. Les quatre secrétaires d'État furent chargés des relations extérieures, de la guerre, de la marine et de la maison du roi. Le ministère de la maison du roi comprenait plusieurs branches de la police générale et les affaires religieuses. Il y avait cependant encore des traces de l'organisation primitive, une certaine confusion dans les attributions des ministres et un reste de l'ancienne division géographique. Les finances et la justice étaient dirigées par le surintendant ou contrôleur général des finances et par le chancelier; quelquefois même, lorsque le chancelier ne convenait pas à la cour, on le remplaçait par un garde des sceaux qui pouvait être révoqué. L'assemblée constituante et les gouvernements qui l'ont suivie ont substitué à cette organisation, qui avait gardé l'empreinte de la féodalité, une division plus simple et qui répondait mieux aux services publics. Les affaires étrangères, l'intérieur, les finances, la justice, la guerre, la marine, les cultes et l'instruction publique, le

1. Voy., dans le Dictionnaire, les articles AMIRAL, CHANCELIER, GRAND PRÉVOT, MAIRES DU PALAIS, OFFICIERS (grands), SÉNÉCHAL.- On trouvera à la suite de l'article OFFICIERS (Grands) les principales indications bibliographiques. Ajoutez l'Amiral de France, par P. de La Popelinière (Paris, 1584, 1 vol. in-4); le grand aumosnier de France, par Sébastien Roulliard (Paris, 1607, 1 vol. in-8); Origines et règlements des charges de connétables, mareschaux de France, baillis, séneschaux, par Boursier de Montarlot (Paris, 1618, 1 vol. in 8); l'Histoire des chanceliers et gardes des sceaux de France, par François Du Chesne (Paris, 1680, 1 vol. in-fol.),

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commerce, l'agriculture et les travaux publics, ont formé autant de départements ministériels '.

Conseil d'État. - Les conseils de la couronne ont suivi la même marche. Dans le principe, le conseil ou parlement des rois féodaux se composait des grands officiers de la couronne et des pairs du duché de France. Finances, justice, administration relevaient de cette assemblée. Les affaires se multipliant, il fallut diviser les fonctions. En 1302, Philippe le Bel partagea l'ancien parlement en trois conseils : grand conseil ou conseil étroit pour les affaires politiques, parlement pour l'administration de la justice, et chambre des comptes pour l'examen de la comptabilité du royaume. Le grand conseil lui-même avait des attributions très-diverses, il était à la fois conseil politique et tribunal. Charles VIII divisa ses attributions. Le grand conseil proprement dit resta une cour de justice qui jugeait certains procès réservés et spécialement les questions relatives aux bénéfices ecclésiastiques. Le conseil d'État se composa de quatre sections, dont l'organisation définitive fut due à Richelieu : l'une judiciaire, où les conseillers d'État, sous la présidence du chancelier, prononçaient sur le rapport des maîtres des requêtes. Ce tribunal jugeait surtout les conflits de juridiction. Deux autres sections du conseil d'État formèrent le conseil des finances et le conseil des dépêches ou de l'intérieur. Quant aux affaires politiques, elles étaient réservées au conseil d'en haut, composé d'un petit nombre d'hommes d'État, au choix du roi.

La Révolution et l'Empire n'ont fait que préciser et compléter les attributions de ces divers conseils. Le conseil des ministres a conservé la direction politique; au conseil d'État sont réservés les procès administratifs, les réclamations contre les abus de pouvoir, et en général les règlements administratifs. La cour de cassation revise toutes les sentences des tribunaux ordinaires; la cour des comptes a la surveillance de l'administration financière; d'autres conseils établis pour des administrations spéciales, comme la marine, la guerre, l'instruction publique, sont chargés de diriger ces branches d'administration. En un mot, le conseil du roi ou parlement féodal embrassait tout, au XIIIe siècle. La multiplicité des affaires et la spécialité des services forcèrent les rois de le subdiviser, d'abord, en

1. Voy., dans le Dictionnaire, l'article MINISTÈRES, MINISTRES, avec les indications bibliographiques.

trois conseils, qui eux-mêmes se sont partagés en un grand nombre de conseils secondaires répondant à chaque branche spéciale d'administration 1.

Cette forte organisation de l'autorité centrale pouvait, en donnant l'ordre et l'unité, conduire au despotisme. Le contre-poids naturel se serait trouvé dans les assemblées nationales chargées de défendre les intérêts du peuple, si elles eussent existé réellement. Mais, jusqu'à la révolution de 4789, elles ne furent pas véritablement constituées.

Assemblées nationales. - Je ne remonterai pas jusqu'aux assemblées des Gaulois sur lesquelles nous n'avons que des renseignements fort incertains. En 418, Honorius convoqua à Arles une assemblée des sept provinces de la Gaule méridionale. C'était un appel désespéré du despotisme aux abois; il ne réussit pas. Les Germains introduisirent dans la Gaule l'usage des assemblées qu'on désigne sous le nom de mallum, champ de mars et champ de mai. Dans le principe, on y admettait tous les guerriers Francs; ils siégeaient en armes et conservaient l'indépendance barbare; ils approuvaient les orateurs en frappant leurs boucliers de leurs framées ou étouffaient leur voix par des murmures. La population conquérante siégeait d'abord seule dans ces champs de mars. Plus tard les évêques furent appelés au mallum; la supériorité de leur instruction et le caractère sacré dont ils étaient revêtus leur donnèrent l'avantage sur les guerriers francs. Au champ de mars de Paris en 645, il y avait soixante-dix-neuf évêques. Sous Charlemagne, l'assemblée nationale se borna à donner des avis; l'empereur se réservait la décision. Le système féodal, en morcelant la France, rendit inutiles les assemblées générales, puisqu'il n'y avait plus d'intérêts communs. Cha

1. Voy. les articles CHAMBRE DES COMPTES, CONSEIL D'ÉTAT, GRAND conseil, Pairs, PARLEMENTS, TRIBUNAUX. — Ajoutez aux ouvrages indiqués à ces articles les Recherches sur l'origine du conseil du roi, par L'Escalopier (Paris, 1765, 1 vol, in 12); l'Examen historique des offices, droits, fonctions et priviléges des conseillers du roi, rapporteurs et référendaires près des cours souveraines et conseils supérieurs, par Gorneau, conseiller référendaire (Paris, 1777, 1 vol. in-4); l'Histoire du conseil du roi, par Guillard (Paris, 1728, 1 vol. in-4). Sur les pairs, outre les ouvrages indiqués à l'article PAIRS, on pourra consulter un Recueil de mémoires sur le droit des pairs de France d'être jugés par leurs pairs (Paris, 1770-1771, 1 vol. in-8); Des pairs de France et de l'ancienne constitution française, par le président Henrion de Pansey (Paris, 1816, 1 vol. in-8).

que fief eut son parlement, composé des pairs du seigneur, et s'occupant de la justice, des finances et de l'administration du domaine féodal. Jusqu'au x siècle, il n'y eut pas d'autres assemblées. A cette époque, la France formait une association de grands fiefs, et la cour des Pairs fut le tribunal suprême de cette confédération. Elle jugea Jean sans Terre en 1203. Un siècle plus tard, Philippe le Bel convoqua (4302) les premiers états généraux composés du clergé, de la noblesse et du tiers état. Ces assemblées nationales, réunies irrégulièrement, lorsque les besoins de la royauté l'exigeaient, ne pouvaient exercer une influence durable. Leurs décisions n'avaient point de sanction obligatoire; les États n'avaient ni traditions, ni plan suivi, ni habitudes de la vie parlementaire. Aussi se bornèrentils à faire entendre de loin en loin quelques paroles généreuses, quelques principes de liberté. Les états généraux tentèrent deux fois, en 4357 et 1484, d'obtenir pour la nation une représentation permanente; ils n'y parvinrent pas. Enfin, depuis 4789, on eut de véritables assemblées nationales; la Constituante, la Législative, la Convention, les Cinq-Cents, le conseil des Anciens, le Corps législatif, les Chambres des députés de 1815 à 1848, et, depuis cette époque, les assemblées élues par le suffrage universel ont représenté presque sans interruption les droits du peuple en face du pouvoir central, partagé avec lui la souveraineté, fait les lois, autorisé l'impôt et exercé une surveillance active sur le pouvoir exécutif'.

Inspecteurs chargés par les rois de surveiller l'administration; missi dominici; enquesteurs royaux; maîtres des requétes.· Le pouvoir central se rattache au pouvoir local par des fonctionnaires qui portent la volonté souveraine dans toutes les parties de l'administration et s'assurent de l'exécution des lois et des ordonnances. Les missi dominici de Charlemagne avaient ce caractère. Saint Louis chargea

1. Voy. les articles ASSEMBLÉES POLITIQUES, CORPS LÉGISLATIF, ÉTATS GÉNÉRAUX, MALLUM, PAIRS, SÉNAT. Ajoutez aux indications bibliographiques qui accompagnent ces articles les ouvrages suivants : Des Estats de France et de leur puissance (Paris, 1588, 1 vol. in-8); Chronologie des estats généraux, où le tiers estat est compris, par Savaron (Paris, 1615, 1 vol. in-8); Recueil général des estats tenus en France sous les rois Charles VI, Charles VIII, Charles IX, Henri III et Louis XIII, par Toussaints Quinet (Paris, 1651, in-4); Recueil relatif aux estats de 1614, par Florimond Rapine (Paris, 1651, 1 vol. in-4); Des états généraux, ou Histoire des assemblées nationales en France, par de Landine (Paris, 1788, 1 vol. in-8).

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