HISTOIRE GENERALE DES VOYAGES Depuis le commencement du XV. Siècle. PREMIERE PARTIE. LIVRE SEPTIE’ME. Voyages au long des Côtes Occidentales d'Afrique, depuis le Cap Blanco jufqu'à Sierra Leona; contenant l'établiffement du commerce des Anglois fur la riviere de Gambra, vulgairement la Gambie. CHAPITRE XIII. Ufages communs des mêmes Pays de l'Afrique. Remarques Uoique les ufages domi- de reffemblance que la peinture d'une A res fur les COULEUR Nation convient à toutes les autres, DES NEGRES. On doit faire obferver néanmoins que les remarques de Jobfon regardent particulierement les Mandingos; du moins s'il ne les a pas confondus avec les Jalofs; car ce dernier nom ne paroît pas dans l'hiftoire de fon Voyage. Celles de Jannequin, de le Maire & de Labat ne concernent que les Jalofs; puifque ces trois Ecrivains se font bornés aux Habitans du Sénegal & du Cap Verd. Celles de Moore diftinguent clairement les Mandingos & les Jalofs; mais s'il eft cité dans les obfervations fuivantes, c'eft prefque toujours à l'occafion des Mandingos. Les autres Voyageurs, dont les Relations ont été publiées, n'ont pas fait un long féjour en Afrique. Cette raifon peut fervir d'excufe à l'incertitude & à la confufion de leurs remarques. Quelques la caufe de la Comme tous les Peuples de la diviréflexions fur fion où l'on s'est ici renfermé font noirceur dans noirs, à l'exception des Foulis, le kes Négres. fujet femble demander quelques (5) réflexions fur la caufe de cette couleur. C'est le premier fujet d'étonne (5) On emploie ce terme, pour marquer qu'on ne pense point à répéter ici ce qui fe trouve répandu dans tous les Livres. ment qui fe présente à l'efprit des COULEUR Voyageurs lorfqu'ils arrivent pour la DES NEGREG. premiere fois fur cette Côte; & leur admiration s'étant communiquée aux Sçavans de l'Europe, on a vû naître, fur un fujet fi fécond, des conjectures & des difputes fans nombre. En effet, la caufe de ce phénomene paroît d'autant plus obfcure que les Mores voifins des Négres, font blancs, ou du moins ne font que bruns. Ils ont les cheveux longs & noirs; au lieu que ceux des Négres font non-feulement fort courts, mais reffemblent moins aux cheveux humains qu'à la laine des bêtes. Cette différence fera-t-elle attribuée au climat, lorfqu'on fçait par une longue expérience que les Blancs qui font établis en Afrique, ne ceffent pas de produire des enfans qui leur reffemblent, & que des Négrés tranfportés dans les latitudes du Nord n'ont jamais que des enfans noirs ? S'il eft certain, comme on le croit généralement, que la race humaine eft fortie de deux premiers Auteurs, la queftion fera quelle étoit leur couleur; car foit qu'ils fuffent blancs, bruns, ou rougeâtres, comme le nom d'Adam le fignific, il paroît impoffi→ DES NEGRES. COULEUR ble qu'ils ayent pû produire des Négres. Mêlez le blanc & le brun dans toutes les proportions imaginables, ce mêlange ne produira jamais le noir. Suppofitions Auteurs. Quelques Auteurs, embarraffés par de quelques une fi grande oppofition, ont eu recours aux imaginations les plus ridicules pour expliquer l'énigme. Les uns ont cru que la noirceur avoit été la marque imprimée à Caïn pour le faire reconnoître. D'autres l'ont regardée comme un effet de la malédiction prononcée par Cham contre fon fils Canaan. Mais en fuppofant quelque apparence de vérité à ces chimeres, comment l'effet du crime se seroit-il tranfmis à la postérité des coupables, fi l'on ne fuppofe auffi que leurs femmes devinrent noires comme eux? Leurs defcendans auroient été mulâtres ; & fi l'on veut qu'ils fe fuffent toujours mariés entr'eux, ils auroient produit à la fin une race blanche plutôt qu'une race de Négres.L'impoffibilité de donner plus de vraisemblance à d'autres explications, femble juftifier ceux qui fans manquer de refpect ni de foi pour les faintes Ecritures, ont cru que les Blancs & les Négres doivent être fortis de |