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ESSAI

SUR

LES MOEURS

ET

L'ESPRIT DES NATIONS,

ET SUR LES PRINCIPAUX FAITS DE L'HISTOIRE DEPUIS CHARLEMAGNE JUSQU'A LOUIS XIII.

Effai fur les mœurs &c. Tome III.

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SUR LES MOEURS

ET L'ESPRIT DES NATIONS,

ET SUR LES PRINCIPAUX FAITS DE L'HISTOIRE,
DEPUIS CHARLEMAGNE JUSQU'A LOUIS XIII.

CHAPITRE C X.

Du pape Alexandre VI & du roi Louis XII. Crimes du pape & de fon fils. Malheurs du faible Louis XII.

LE papè Alexandre VI avait alors deux grands

objets; celui de joindre au domaine de Rome tant de terres qu'on prétendait en avoir été démembrées, & celui de donner une couronne à fon fils Céfar Borgia. Le fcandale de fes amours & les horreurs de fa conduite ne lui ôtaient rien de fon autorité. On ne vit point le peuple se révolter contre lui dans Rome. Il était accufé par la voix publique d'abuser de fa propre fille Lucrèce, qu'il enleva fucceffivement à trois maris, dont il fit affaffiner le dernier, (Alfonfe d'Arragon) pour la donner enfin à l'héritier de la maifon d'Eft. Ces noces furent célébrées au Vatican par la plus infame réjouiffance que ceflueufes : débauche ait jamais inventée & qui ait effrayé la nables. pudeur. Cinquante courtifanes nues dansèrent devant Effai fur les maurs, &c. Tome III.

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pape fouillé de crimes.

cette famille inceftueufe, & des prix furent donnés aux mouvemens les plus lafcifs. Les enfans de ce pape, le duc de Gandie, & Céfar de Borgia alors diacre, archevêque de Valence en Efpagne & cardinal, avaient paffé publiquement pour fe difputer la jouiffance de leur four Lucrèce. Le duc de Gandie fut affaffiné dans Rome : la voix publique imputa ce meurtre au cardinal Borgia, & Guichardin n'hésite à l'en accufer. Le mobilier des cardinaux appartenait après leur mort au pontife; & il y avait de fortes préfomptions qu'on avait hâté la mort de plus d'un cardinal dont on avait voulu hériter. Cependant le peuple romain était obéissant, & toutes les puiffances recherchaient Alexandre VI.

pas

Louis XII Louis XII, roi de France, fucceffeur de Charles VIII, d'un s'empreffa plus qu'aucun autre à s'allier avec ce pontife. Il en avait plus d'une raifon. Il voulait fe féparer, par un divorce, de fa femme, fille de Louis XI, avec laquelle il avait confommé fon mariage, & qui avait vécu avec lui vingt-deux années, mais fans en avoir d'enfans. Nul droit, hors le droit naturel, ne pouvait autorifer ce divorce; mais le dégoût,& la politique le rendaient néceffaire.

Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII, confervait pour Louis XII l'inclination qu'elle avait fentie pour le duc d'Orléans ; & s'il ne l'époufait pas, la Bretagne échappait à la France. C'était un usage ancien, mais dangereux, de s'adreffer à Rome, foit pour se marier avec fes parentes, foit pour répudier fa femme. Car de tels mariages ou de tels divorces étant fouvent néceffaires à l'Etat, la tranquillité d'un royaume dépendait donc de la manière de penfer d'un pape fouvent ennemi de ce royaume.

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