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Il n'oublia point le brave Nantais, et se plut à faire un grand éloge des services qu'il avait rendus en cette circonstance'.

<< Les habitans de Nantes, continue Richer, firent construire et armer un vaisseau en course; lui en confièrent le commandement. Il fit des prises si considérables qu'il enrichit tous ceux qui étaient intéressés dans cet armement. La cour fut instruite de ces exploits, elle le manda..... »

Le premier de ces faits est inadmissible; quant au second, Cassard fut, il est vrai, appelé à Versailles, mais beaucoup plus tard.

M. de Pointis mouillait à Brest, le 29 août 1697, et ses vaisseaux n'arrivèrent qu'après lui. Or, les équipages ne pouvaient être congédiés à l'instant même. La paix fut signée à Ryswick le 20 septembre, pour la Hollande et l'Espagne, le 21, pour l'Angleterre. Il est donc matériellement impossible de placer une croisière entre deux dates si rapprochées, quelque diligence qu'aient pu déployer Cassard et ses prétendus armateurs. De plus, les registres du Conseil des prises, soigneusement compulsés, ne signalent aucune de ces belles captures qui enrichirent les intéressés. Nous voyons là simplement une interversion, par les biographes mal renseignés,

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Vie du capitaine Cassard, par Richer, Paris 1785, p. 13. Le baron de Pointis a publié une relation de l'expédition de Carthagène, faite par les François en 1697. Amsterdam 1698, in-12, 143 pp. et 2 cartes, dans laquelle malheureusement il ne cite même pas le nom de Cassard.

Ce silence complet donne beaucoup à penser, et nous fait croire l'une de ces exagérations de Richer, qui résistent peu à l'examen d'une critique sérieuse.

Les galiottes à bombes furent inventées par Bernard Renaud d'Eliçagaray en 1682. Pour ces sortes de bâtiments, il y avait en 1696, six capitaines, neuf lieutenants, neuf enseignes. (Voir Jal, Glossaire nautique.)

Que Cassard se soit distingué pendant la campagne, son caractère, sa bravoure, ses qualités en sont un sûr garant. Mais que « M. de Pointis chargea Cassard du soin de faire lancer les bombes, » confiant ainsi, à un jeune novice de dix-sept ans, une mission délicate, spéciale, au détriment d'officiers spéciaux ce fait anormal, au point de vue de la discipline et des préjugés de l'époque, semble impossible. Tout au plus peut-on admettre que le jeune Nantais, doué d'un coup d'œil prompt et sûr, pointa les mortiers et atteignit une justesse de tir remarquable. Il ne pouvait être chargé d'un service de cette importance.

des croisières de la Duchesse-Anne, en 1706, racontées plus loin, croisières effectivement des plus fructueuses, à la suite desquelles le vaillant corsaire eut l'honneur d'être présenté au Roi.

L'expédition de Carthagène avait mis Cassard en évidence, c'était un beau début. Mais la conclusion de la paix ne lui permit pas de profiter des avantages que sa brillante conduite lui eût valu si les hostilités avaient continué.

De retour à Nantes, vers la fin de 1697, c'est-à-dire à l'âge de dix-huit ans, il obtint très probablement le commandement de l'un des navires de son beau-frère Drouard. Cette grande jeunesse et cette rare exception semblent nous révéler la cause de l'erreur des biographes, qui fixent la date de sa naissance en 1672. Pour être apte à commander il fallait avoir vingtcinq ans, c'est-à-dire être majeur. Les maîtres de navires, ainsi se titraient les capitaines, ne se faisaient guère recevoir avant trente ans, et plus. Quelque insolite et illégal que cela. puisse paraître aujourd'hui, Cassard dut se vieillir dans sa déclaration au commissaire de marine, qui sans doute y mit de la bonne volonté, et le rôle d'armement altéré a consacré l'erreur; 1672 et 25 font bien 1697.

Une preuve irrécusable à l'appui de notre dire. En 1700, il commande le Laurier, armé par son beau-frère Drouard, et le rôle, dont voici l'extrait, accuse vingt-cinq ans, bien qu'il n'en eût que vingt.

« Le Laurier, de cent tonneaux, six canons, appartenant au sieur Jean Drouard, capitaine Jacques Cassard, fils de Guillaume, de Saint-Nicolas, vingt-cinq ans.

» Je soussigné, Jacques Cassard, du lieu de Nantes, capilaine du navire le Laurier, de Nantes, déclare que M. Hocquart, commissaire du département de Nantes, m'a remis les douze mathelots et deux mousses dénommés au présent rôle, pour le voyage que je dois faire à la Martinique et aux autres isles, dont je promets lui rendre bon et fidèle compte, Dieu aidant, dans les derniers jours du mois de mars mil 7 IV ANNÉE, 2me LIV.

T. V. - NOTICES.

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sept cent un, qui est le terme du congé qui m'a été accordé. >> Je promets de plus de ne recevoir aucune personne dans mon bord que les dénommez audit rôle; et, à faute de tout ce que dessus, je me soumets de payer l'homme de confiance qui me sera donné dans les lieux ou je me pourrai trouver passé ledit terme; je m'y oblige par la soumission que j'en ai signée et retenue pour la porter avec moi, ainsi que la somme de (blanc), et à telle autre peine qu'il a plu ou qu'il plaira à Sa Majesté d'imposer à ceux qui manqueront à se rendre dans les ports dans les termes de leur congé, ou qui souffrent dans leurs bâtiments des gens non portés dans leurs rôles. Le tout à mes frais et dépens et de ceux des bâtiments marchandises et équipages.

» Fait à Nantes, ce jour trente-et-unième May mil sept cents.

Canary

(1).

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Cette belle signature, correcte, large, hardie, ressort singulièrement au milieu de celles des capitaines contemporains, la plupart tremblées, mal tracées, souvent écourtées ou même illisibles. Elle dénote bien la main exercée, guidée par une nature franche, loyale, allant droit au but, sans hésitation. Nous l'avons retrouvée, mais allourdie, indécise au bas de plusieurs pièces des archives du ministère de la marine.

S. DE LA NICOLLIÈRE-TEIJEIRO.

(La suite prochainement.)

Administ. de la marine. Inscrip. mar., rôles d'équipage, Reg. 4, 16991700, p. 182.

NOTES HISTORIQUES

SUR

PRIGNY ET LES
ET LES MOUTIERS

INTRODUCTION

L'auteur de ces notes avait, il y a déjà longtemps, pris la substance des six rôles qui contiennent, à la bibliothèque d'Angers, le Cartulaire de l'abbaye du Ronceray. Son but n'était pas de s'occuper des dépendances de ce monastère qui n'appartenaient pas au diocèse d'Angers. Cependant il avait été très préoccupé de savoir quel lieu désignait le mot Prugniacum qui jouait un assez grand rôle dans le Cartulaire. Ce fut à Nantes qu'il apprit qu'un village de la LoireInférieure porte le nom de Prigny. Ce village fait partie de la commune de Bourg des Moutiers et possède encore une église. Nous verrons qu'il fut, jusqu'à ces dernières années, le centre d'une paroisse. Pendant ce temps, M. Marchegay avait publié les chartes du cartulaire du Ronceray. En rapprochant celles qui parlent de Prugniacum, de celles qui nomment le Burgus Monasteriorum, il n'y avait plus moyen de douter. Il s'agissait bien de Prigny et des Moutiers, dans le pays de Retz. Les archives de Nantes possèdent tout un fonds, sous le titre de Ronceray, dans lequel on trouve des documents très nombreux sur le Bourg des Moutiers, prieuré de cette abbaye, qui reçut pour annexe, vers le treizième ou le quatorzième siècle celui de Saint-Cyr et Sainte-Julitte de Nantes, duquel dépendait déjà le domaine de Boisgarand, (aujourd'hui Bongarant) en

Sautron.

Pour faire connaitre le prieuré du Ronceray, au Bourg des Mou

tiers, nous avons donc été obligé de parler de Saint-Cyr et de SainteJulitte de Nantes, et de Boisgarand. De plus, en même temps que se fondait aux Moutiers le petit monastère de Notre-Dame d'Angers, trois autres prieurés s'établissaient tant à Prigny qu'aux Moutiers même. Il était impossible de séparer les débuts de ces monastères de ceux de Notre-Dame. Nous avons donc résolu de nous occuper des quatre prieurés qui ont mérité à ce pays le nom de les Moutiers. L'histoire des paroisses de Prigny et du Bourg des Moutiers se trouve, jusqu'au quatorzième siècle au moins, noyée dans celle des prieurés.

A cette époque, par contre, il cesse d'en être de même, et nécessairement ce travail embrasse deux périodes assez distinctes. Celle de la prééminence, pour ainsi dire,des prieurés, prééminence due, sans doute, à ce qu'ils étaient conventuels, et celle où la paroisse apparaît, avec sa marche régulière, telle, à peu près, que nous la voyons de nos jours, et dans laquelle les divers monastères du territoire en question, furent en commende. Nous devons dire que pour cette seconde période, le travail nous a été singulièrement facilité par les recherches de M. l'abbé Baconnais qui avait déjà consulté les archives départementales de la Loire-Inférieure et les registres paroissiaux des Moutiers, avec une ardeur digne d'un bénédictin.

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