Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][ocr errors]

NOTICE

SUR DUBOUEIX

PAR M. DUGAST-MATIFEUX.

Scientia est amica omnibus.
PLATON.

Michel Duboueix naquit à Clisson, paroisse de NotreDame, le 21 décembre 1742, fils aîné de Guy-Mathurin, Duboueix, qui était à la fois notaire royal et apostolique, contrôleur et receveur des domaines, et de FrançoiseElisabeth Forget. Après avoir achevé de bonnes études classiques à l'Oratoire de Nantes, il se fit recevoir docteur en médecine de la Faculté de Paris, en 1765; puis il revint auprès de ses parents, dans sa petite ville natale, pour y exercer l'art de guérir, et ne tarda guère à se marier avec Dlle Catherine-Jeanne-Marie Vinet. D'eux naquirent trois enfants: un fils, dont nous parlerons, et deux filles.

Duboueix avait particulièrement suivi les leçons du docteur-régent Antoine Petit, qui, par son enseignement public et sa conduite privée, exerça une grande influence sur toutes les générations médicales sorties de cette Faculté pendant la dernière moitié du XVIIIe siècle. L'homme étant le produit de deux facteurs, la nature et l'éducation qui passe souvent la première, il ne sera pas inutile d'élucider un peu le professeur, comme introduction

à la connaissance de l'élève. Dans une lettre autographe, qui faisait autrefois partie de la collection Lajarriette, à Nantes, cet instructeur de la jeunesse, écrivant de Paris, en juillet 1759, à l'un de ses confrères nommé Marteau, se plaignait dès-lors de ce que le gouvernement ne faisait rien pour encourager les études de médecine et de chirurgie « Vous verrez qu'avec toute notre gloriole et la haute idée que nous avons des nations européennes et surtout de la nôtre, tout est encore plongé dans une barbarie inconcevable. Y a-t-il rien de plus fou et de plus sauvage que nos guerres, nos idées de noblesse, notre habitude de marcher toujours armés, nos coutumes variant de province à province, notre mépris pour les choses utiles, notre manie de tout faire de l'aveu et par le conseil des femmes, à qui nous n'apprenons rien, si ce n'est à se coiffer (1). »

Duboueix se montra le digne élève de cet illustre maître, qui serait bien surpris, s'il revenait au monde, de voir la recrudescence de préjugés et d'armements dont nous sommes témoins. Que dirait-il, bon Dieu! de ces perfectionnements dans l'art de tuer son semblable, qu'on poursuit de toutes parts; de cette substitution de la vie. militaire à la vie civile qu'on décrète, en contradiction avec les tendances pacifiques du monde moderne et de la civilisation? Presque tout ce dont il parle, en philosophe, est bien empiré de notre temps.

Une lettre, écrite de Clisson, le 19 avril 1774, par notre jeune docteur, au rédacteur des Affiches du Poitou, Jouyneau-Desloges, qui soutenait à l'occasion et propageait les applications progressives de la science, nous

(1) Catalogue de la collection d'autographes de feu M. Lajarriette, ancien receveur des finances à Nantes, no 2,395. Paris, Charavay, 1860, gr. in-8°.

fournit de précieux détails sur ses débuts dans la carrière. Voici comment il s'exprime lui-même :

« Ce n'est pas, Monsieur, un des moindres avantages pour la cause de l'inoculation que d'avoir comme partisans presque tous les gens de lettres les plus distingués, et si le Mémoire que je viens de publier dans le Journal encyclopédique du 15 mars 1774, sur cette pratique salutaire, mérite quelques éloges, votre approbation m'en est un des plus flatteurs. Élève du célèbre docteur Petit, qui, comme vous savez, combattit avec tant de supériorité les antinoculistes de la capitale en 1766, et guidé par ses savants préceptes, depuis sept à huit ans que j'exerce la médecine, j'ai travaillé avec tout le zèle que m'inspire l'amour du bien public à établir et à répandre l'inoculation dans ma patrie; mais j'ai eu à vaincre des obstacles insurmontables jusqu'en 1772. Vous soupçonnez bien, Monsieur, quels ont été mes plus cruels ennemis : la plupart, excités plutôt par le motif secret d'une basse jalousie, que véritablement conduits par des vues d'humanité, ont mis tout en œuvre pour traverser mes projets; aux yeux de l'ignorance et du peuple crédule, vous sentez combien leurs arguments avaient de poids. Ma seule ressource était de traiter les petites véroles naturelles, qui m'étaient confiées, selon les principes adoptés par les inoculateurs, et, lorsque j'étais appelé à temps, un succès complet couronnait toujours mes travaux. C'est ainsi que, dans les épidémies qui ont quelquefois emporté plus d'un tiers des malades dépourvus de secours, ou traités par la méthode meurtrière des échauffans, je rendais les miens à la vie, en tempérant l'effervescence variolique, réprimant la chaleur putréfiante, éliminant une partie du virus par les selles, par l'exposition au grand air, l'usage des boissons rafraîchissantes, aigrelettes, végétales, les pédiluves et l'emploi des calmans et des purgatifs appropriés, lorsque le cas le requérait. Il m'est arrivé plus d'une fois de ressussiter, pour ainsi dire, de malheureux paysans que je trouvais dans leur lit, bouffis comme des ballons, couverts de pustules et de pourpre, et respirant avec une extrême difficulté un air brûlant et empesté, en les faisant tirer de leurs chaumières infectes, pour les transporter à l'air libre et frais, ne leur donnant pour tout remède que du petit lait ou de la limonade. Je suis parvenu, par ce moyen, à désabuser bien des gens sur la méthode contraire, qui est celle de presque tous les antinoculistes; j'ai gagné ceux qui n'étaient pas conduits dans leur expérience par la cabale et l'esprit de parti. Enfin, Monsieur, vous avez vu dans mon

« PreviousContinue »