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GEORGE

DANDIN,

OU LE

MARY CONFONDU.

COMEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

GEORGE DANDIN.

H! qu'une femme Demoiselle eft une étrange affaire,& que mon mariage eft une leçon bien parlante à tous les Païfans qui veulent s'élever au deffus de leur condition, & s'allier comme j'ay fait à la maison d'un Gentilhomme.La nobleffe de foi eft bonne c'eft une chole confidérable affûrément,mais elle eft accompagnée de tant de mauvaifes circonstances, qu'il eft trés-bon de ne s'y point froter. Je fuis devenu là-deffus fçavant à mes dépens, & connois le ftyle des nobles lors qu'ils ⚫ nous font nous autres entrer dans leur famille. L'alliance qu'ils font eft petite avec nos perfonnes. C'eft nôtre bien feul qu'ils époufent, & j'aurois bien mieux fait, tout riche que je fuis, de m'allier en bonne & franche païfannerie, que de prendre une femme qui fe tient au deffus de moi, s'offence de porter mon nom, & penfe qu'avec tout mon bien je n'ay pas affez acheté la qualité de fon mari. George Dandin, George Dandin,

vous avez fait une fottife la plus grande du monde. Ma maison m'eft effroyable maintenant, & je n'y rentre point fans y trouver quelque chagrin.

SCENE II.

GEORGE DANDIN, LUBIN.

GEORGE DANDIN.

Voyant fortir Lubin de chez luy.

Que diantre ce drôle-là vient-il faire chez moy?

LUBIN.

Voilà un homme qui me regarde.
GEORGE DANDIN.

Il ne me connoît pas.

LUBIN.

Il fe doute de quelque chofe.

GEORGE DANDIN,

Ouais! il a grand' peine à faluer.

LUBIN.

J'ai peur qu'il n'aille dire qu'il m'a vû'sortir de là

dedans.

Bonjour.

GEORGE DANDIN.

Serviteur.

LUBIN.

GEORGE DANDIN.

Vous n'êtes pas d'ici que je croi?

LUBIN.

Non, je n'y fuis venu que pour voir la fête de demain.

GEORGE DANDIN.

Hé dites-moi un peu, s'il vous plaît, vous venez de là-dedans.

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LUBIN.

Motus, il ne faut pas dire que vous m'ayez vû for

tir de là.

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Doucement. J'ay peur qu'on ne nous écoute.
GEORGE DANDIN.

Point, point.

LUBIN.

C'eft que je viens de parler à la Maîtreffe du logis de la part d'un certain Monfieur qui lui fait les doux yeux, & il ne faut pas qu'on fçache cela. Entendez

vous?

Oui.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Voilà la raison. On m'a enchargé de prendre garde que perfonne ne me vît, & je vous prie au moins de ne pas dire que vous m'ayez vû.

GEORGE DANDIN.

Je n'ay garde.

LUBIN.

Je fuis bien aife de faire les choses fecrettement comme on m'a recommandé.

GEORGE DANDIN.

C'eft bien fait.

LUBIN.

Le mari, à ce qu'ils difent, eft un jaloux qui ne veut pas qu'on faffe l'amour à fa femme, & il feroit le diable à quatre fi cela venoit à fes oreilles. Vous comprenez bien?

Fort bien.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Il ne faut pas qu'il fçache rien de tout ceci.

GEORGE DANDIN.

Sans doute.

Tome 111,

Eee

LU

L'U BIN.

On le veut tromper tout doucement. Vous entendez bien.

GEORGE DANDIN.

Le mieux du monde.

LUBIN.

Si vous alliez dire que vous m'avez vû fortir de chez luy, vous gâteriez toute l'affaire. Vous comprenez bien.

GEORGE DANDIN.

Affurément.

He comment nommez-vous celui

qui vous a envoyé là-dedans?

LUBIN.

C'eft le Seigneur de nôtre païs, Monfieur le Vicomte de chofe... foin je ne me fouviens jamais comment diantre ils baragouinent ce nom-là, Monfieur Cli... Clitandre.

GEORGE DANDIN.

Eft ce ce jeune Courtifan qui demeure...

LUBIN.

Oui, auprés de ces arbres.

à part.

GEORGE DANDIN.

C'est pour cela que depuis peu ce Damoiseau poli s'eft venu loger contre moi; j'avois bon nez fans doute, & fon voisinage déja m'avoit donné quelque foupçon.

LUBIN.

Teftigué, c'est le plus honnête-homme que vous ayez jamais vû. Il m'a donné trois pieces d'or pour aller dire feulement à la femme qu'il eft amoureux d'elle, & qu'il fouhaite fort l'honneur de pouvoir lui parler. Voyez s'il y a là une grande fatigue pour me payer fi bien, & ce qu'eft au prix de cela une journée detravail où je ne gagne que dix fols.

GEORGE DANDIN. Hé bien, avez-vous fait vôtre message? LUBIN.

Oui, j'ay trouvé là-dedans une certaine Claudine, qui tout du premier coup a compris ce que je voulois, & qui m'a fait parler à fa Maîtreffe.

GEORGE DANDIN, à part.

Ah coquine de fervante!

LU

LUBIN.

Morguéne cette Claudine-là eft tout à fait jolie, elle a gagné mon amitié, & il ne tiendra qu'à elle que nous ne foyons mariez enfemble.

GEORGE DANDIN.

Mais quelle reponse a fait la Maîtreffe à ce Monfieur le Courtifan?

LUBIN.

Elle m'a dit de luy dire... attendez, je ne fçai fi je me fouviendrai bien de tout cela. Qu'elle lui eft tout à fait obligée de l'affection qu'il a pour elle, & qu'à caufe de fon mari qui eft fantafque, il garde d'en rien faire paroître, & qu'il faudra fonger à chercher quelque invention pour fe pouvoir entretenir tous deux.

à part.

GEORGE DANDIN.

Ah! pendarde de femme!

LUBIN.

Teftiguienne cela fera drôle, car le mari ne fe doutera point de la manigance, voilà ce qui eft de bon. Et il aura un pied de nez avec fa jaloufie. Eftce pas ?

GEORGE DANDIN.

Cela eft vrai.

LUBIN.

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Adieu. Bouche confue au moins. Gardez bien le fecret, afin que le mari ne le fçache pas.

GEORGE DANDIN.

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Pour moi je vais faire femblant de rien, je fuis un fin matois, & l'on ne diroit pas que j'y touche.

SCENE III.

GEORGE DANDIN.

HE bien, George Dandin, vous voyez de quel air vôtre femme vous traitte. Voilà ce que c'est d'avoir voulu époufer une Demoiselle, l'on vous accommode de toutes pieces, fans que vous puifliez vous vanger, & la Gentilhommerie vous ticut les

Eee 2

bras

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