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pour vivre, je perds de l'autre une feuille sur cette coupe non vendue, je perds le produit d'une année, l'ordre de mes coupes est perverti; toute l'économie de ma fortune est troublée. C'est à quoi je vous supplie, messieurs, d'avoir égard dans l'évaluation des dommages et intérêts qui me sont dus en toute justice.

Si j'entrais dans la discussion du défaut de mesure qu'on m'objecte, et qui est le seul argument de mon adversaire, je dirais que j'ai vendu de bonne foi, comme il le sait bien, d'après d'anciennes mesures qui peuvent se trouver inexactes; que s'il y manque quelque chose, c'est un ou deux arpens, non cinq, chose facile à vérifier; que ces deux arpens environ vaudraient, au prix de la vente, 800 francs, tandis qu'on m'abat dans la coupe réservée, pour 4,000 francs de bois; qu'enfin, je ne dois point tenir compte à Bourgeau de ce qui peut manquer à la superficie, puisque je vends sans garantie ni perfection de mesure, et que la loi ne lui donne une action contre moi, à raison du défaut de mesure, qu'autant qu'il n'y a point dans l'acte de stipulation contraire; ainsi parle le Code civil, à l'article 1619. Une stipula-' tion contraire, n'est-ce pas cette clause sans perfection de mesure, qui est d'usage, et marque assez que les parties renoncent réciproquement à toute diminution ou supplément de prix à raison de la mesure? Voilà ce que je pourrais répondre;

mais comme j'ai dit, ce n'est pas de quoi il s'agit. Toute la question, s'il y en a, roule sur un simple fait. Bourgeau a-t-il coupé dans ma onzième coupe, dans la coupe réservée? Ce fait, un regard sur le terrain suffit pour le vérifier.

PLACET

A SON EXCELLENCE

MONSEIGNEUR LE MINISTRE.

MONSEIGNEUR,

Les persécutions que j'éprouve dans le département d'Indre-et-Loire seraient longues à raconter. En voici les principaux traits.

Le 12 décembre dernier, on coupa et enleva, dans ma forêt de Larçai, quatre gros chênes baliveaux de quatre-vingts ans. Mon garde fit sa plainte légale, et requit le maire de Véretz de permettre, suivant la loi, la recherche des bois volés. On savait où ils étaient. Le maire s'y refusa inalgré la lecture qu'on lui fit de la loi qui l'oblige, sous peine de destitution, d'accompagner lui-même le garde dans cette recherche. Tout est constaté par des procès-verbaux.

Quelque temps après, les mêmes gens coupèrent, dans la même forêt, dix-neuf chênes, les

plus gros et les plus beaux de tous. Procès-verbal fut fait, plainte portée au maire et au procureur du roi, qui menaça de sa surveillance, non les voleurs, mais le garde et moi.

Dernièrement on a encore coupé, dans la même forêt, un seul gros baliveau de soixante et quinze ans. On a tenté de mettre le feu en différens endroits. Les auteurs de ces délits sont connus; et non seulement nulle poursuite n'a été faite contre eux, mais on s'oppose constamment à la recherche légale des bois enlevés.

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Le nommé Blondeau, l'un de mes gardes, est chargé par moi, cette année, de différentes exploitations que je fais faire par nettoiement. On l'a laissé abattre et façonner tout le bois, mais au moment de la vente, on le fait condamner, sous les plus absurdes prétextes, à un mois de prison, sans grace ni délai. Le voilà ruiné totalement, et moi, en partie. On l'accuse dans le procès-verbal fait contre lui, en apparence, mais réellement contre moi, d'avoir dit à M. le maire (dont il a une peur mortelle), Allez vous faire f..... C'est là le crime qu'on lui suppose, et pour lequel on va détruire toute l'existence et la fortune d'un père de famille de soixante ans, qui a toujours vécu sans reproche.

Je ne vous parle point, Monseigneur, des procès risibles qu'on me fait, dans lesquels je succombe toujours. Chaque fois que je suis volé, je

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