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triote généreux, un républicain ferme, qui a voulu défendre et venger la représentation nationale.

Le citoyen Geffroy, serrurier de profession, père de famille, a empêché Collot-d'Herbois d'aller saisir l'assassin dans sa chambre, dans la tannière où il s'était caché; il à couru à la tête des bons citoyens qui remplissaient le corps-de-garde; son zèle a été heureux, puisque l'assassin a été saisi; mais l'intrépidité de Geffroy n'a pu le garantir d'un coup de fusil qui lui a percé l'épaule, et qui a fait une blessure très-grave.

› Les hommes de l'art et le comité révolutionnaire viennent d'assurer au comité que cette blessure n'était pas mortelle. »

› Ainsi, pour cette fois, nous n'avons ni la perte d'un citoyen à déplorer, ni le Panthéon à ouvrir, ni de tristes devoirs à remplir envers nos collègues. Le représentant du peuple Collot-d'Herbois est au milieu de vous. (Vifs applaudissemens.) Nous l'avons vu ce matin plus tranquille que nous, et avec ce courage calme qui n'appartient qu'au patriotisme et à la vertu, Le citoyen Geffroy ne mourra pas de sa blessure, et je vois déjà dans vos applaudissemens, à cette nouvelle, que vous vous attendez au décret qui lui donnera une feuille de vos procès-verbaux pour récompense civique, (on applaudit), et une pension honorablé pour panser sa blessure et nourrir une famille qu'il soutenait par l'ouvrage de ses mains.

› La Convention voudra sans doute être informée de l'état des blessures de ce bon citoyen. Il fut un temps de dégradation et de honte dans l'assemblée constituante, où les insignifians et dégoûtans bulletins de la santé d'un roi parjure étaient lus en présence des citoyens. Eh bien, nous en ferons une expiation civique, en lisant au milieu de la Convention nationale, en présence du peuple, le bulletin de l'état des blessures d'un citoyen qui s'est dévoué pour arrêter un scélérat armé et au désespoir.

› Malheur aux ames froides qui ne sentiraient pas le prix de pareilles dispositions dans un décret! Ceux-là ne sont ni des citoyens, ni des enfans de la République.

» Quant aux deux comités, ils ne cesseront de veiller à son sa

lut, de quelques périls que des scélérats les entourent; quelques crimes qu'ils méditent, les comités ne feront par leur conduite qu'imiter le courage de la Convention nationale.

» Voici le projet de décret :

› La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de sûreté générale et de salut public, décrète :

› Art. 1. La Convention nationale charge le tribunal révolutionnaire de poursuivre et de faire punir, avec ses complices, l'Admiral, prévenu de l'assassinat commis cette nuit dans la personne de Collot-d'Herbois, l'un des représentans du peuple français, et de rechercher avec le plus grand soin les instigateurs et les auteurs de cet attentat commis contre la représentation nationale et le gouvernement révolutionnaire de la République.

> 2. Le président est chargé d'écrire, au nom de la Convention nationale, au citoyen Geffroy, de la section Lepelletier, une lettre de satisfaction pour la conduite civique qu'il a tenue en contribuant efficacement et avec un courage républicain à faire saisir l'assassin.

» Il sera rendu compte demain à la Convention nationale de l'état des blessures du citoyen Geffroy, et il sera donné, pour le soutien de sa famille, une pension de 1,500 livres.

» 4. Le présent décret sera inséré au bulletin de la Convention nationale, et envoyé aux armées et aux départemens, aux districts et aux tribunaux : aux armées, pour leur inspirer une haine nouvelle contre les ennemis de la République, et aux autorités constituées pour exciter de nouveau leur zèle à déjouer les complots, à dénoncer les conspirateurs et à faire punir les assassins et les traîtres. ›

Couthon. Citoyens, voilà donc le résultat de la politique des rois et des prêtres! C'est en payant de vils assassins, en exhumant de l'enfer tous les crimes, qu'ils prétendent détruire une révolution inspirée et soutenue sans doute par la Divinité? Les monstres! la Providence et la vertu du peuple les voient et veillent sans cesse sur les hommes de bien qui honorent la Providence, et soutiendront au milieu même des poignards, toujours avec le même

courage et le même désintéressement, les droits sacrés de l'humanité. (Les plus vifs applaudissemens se font entendre.) Nous n'eussions pas eu ces nouveaux malheurs à craindre, si ce système d'immoralité, d'athéisme et de corruption des Hébert, des Danton, des Fabre-d'Églantine, des Chabot, et autres scélérats payés par les tyrans de l'Europe, eût réussi, parce que ce système eût conduit de lui-même le gouvernement populaire à sa ruine. Mais depuis que la justice et la vertu ont été mises à l'ordre du jour, depuis que nous avons proclamé avec toute la nature l'existence de l'Etre-Suprême et l'immortalité de l'ame, depuis que le fanatisme cruel a perdu dans ses prêtres ses fidèles appuis, depuis enfin que nous avons déclaré une guerre à mort à tous les crimes, les gouvernemens enfantés et dirigés par les crimes ont dû naturellement épuiser toutes leurs ressources et mettre en activité les restes de leurs factions pour détruire le gouvernement de la vertu par la dissolution de la Convention nationale, et par l'assassinat des plus ardens défenseurs de la cause du peuple. (On applaudit.)

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› Qu'ils tremblent, les infames, leur décret de mort est porté, et la liberté qu'ils détestent, vivra éternellement, parce que la liberté est un présent du Ciel, que le Ciel ne retire pas aux hommes vertueux. (Nouveaux applaudissemens.)

› Pitt, Cobourg, et vous tous, petits lâches tyrans, qui regardez le monde comme votre héritage, et qui, dans les derniers instans de votre agonie, vous débattez avec tant de fureurs, aiguisez, aiguisez vos poignards, nous vous méprisons trop pour vous craindre (on applaudit à plusieurs reprises), et vous savez bien que nous sommes trop grands pour vous imiter. (La salle retentit d'applaudissemens.) Mais la loi dont le règne vous épouvante, a son glaive levé sur vous ; il vous frappera tous; le genre humain a besoin de cet exemple, et le Ciel, que vous avez outragé, l'a ordonné. (Nouvelles acclamations.)

› On a demandé l'impression et l'envoi aux départemens et aux armées du décret et du rapport qui vient d'être fait par Barrère. Ce n'est pas assez, il faut que les tyrans, que vous

avez jugés à mort en proclamant la République, soient encore condamnés par vous au supplice de lire dans leur propre langue cet extrait de la longue liste de leurs forfaits. Les peuples qu'ils tiennent enchaînés rougiront peut-être à la fin de se voir gouvernés par des monstres et des assassins.

› Permettez-moi, citoyens, d'ajouter un mot. L'horrible Admiral, qui a tenté de verser le sang de deux des plus fidèles représentans du peuple, s'est dit originaire du Puy-de-Dôme ; quoiqu'il ait ajouté qu'il avait quitté ce département depuis vingtsix ans, je n'en regarde pas moins comme un devoir sacré de déclarer solennellement, au nom du peuple de mon département, brûlant de patriotisme et d'attachement pour la Convention.nationale, qu'il le désavoue, qu'il n'y a que l'Angleterre qui ait pu vomir un pareil monstre. »

Collot-d'Herbois demande la parole. (Les plus vifs applaudissemens se font entendre dans toutes les parties de la salle.)

Collot-d'Herbois. Citoyens, de tous les moyens que vous pourriez employer pour réprimer cette longue suite de crimes que les tyrans ont mis chez eux à l'ordre du jour, le meilleur sans doute est la récompense civique que vous allez décerner au citoyen courageux qui n'a pas craint d'exposer ses jours pour sauver la vie d'un représentant du peuple; mais il est un fait à la gloire de ce citoyen, que je dois faire connaître à la France entière: c'est qu'au moment où l'assassin annonçait qu'il avait des armes et qu'il se disposait à faire une longue résistance, et qu'armé d'un sabre qu'un volontaire m'avait prêté, je voulais moi-même l'arrêter, Geffroy me saisit par le bras et me dit: Je te commande, au nom du peuple, de rester là. (Vifs applaudissemens.) Je périrai, continua-t-il, ou je remettrai l'assassin entre les mains de la section. Quand les vertus sont à l'ordre du jour, la première sans doute, et la plus utile à la patrie, c'est de délivrer le sol de la liberté d'un pareil monstre.

» Je demande que chaque jour l'état du citoyen Geffroy soit constaté, et que le bulletin en soit remis à la Convention; son

courage et son généreux dévouement lui ont acquis l'estime de tous les patriotes.

› Citoyens, il est glorieux de se trouver placé sur la liste de proscription faite par les tyrans ; il est doux de mourir pour la patrie. Je me suis dit hier, au moment où je ne pouvais sans miracle conserver ma vie : J'ai fait mon devoir, j'emporterai les regrets de mes concitoyens et l'estime de ma patrie. (Vifs applaudissemens.) ›

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N.... Ce n'est pas seulement le peuple de Paris qui prendra intérêt à la santé du généreux citoyen qui a conservé la vie d'un représentant du peuple, mais toute la République. Je demande qu'on insère dans le Bulletin de la Convention celui de Geffroy, - Cette proposition fut adoptée.

ASSASSINAT DE ROBESPIERRE.

Le jour même où la Convention était informée de l'assassinat de Collot-d'Herbois, une jeune fille fut arrêtée comme ayant voulu assassiner Robespierre. A la séance du lendemain, 24 mai (5 prairial), Taillefer demanda s'il était vrai qu'une nouvelle Corday › eût entrepris de frapper ce représentant. Le président répondit affirmativement, annonça l'arrestation de la coupable, et un prochain rapport sur son crime. Ce rapport eut lieu le 26 mai (7 prairial). La séance des Jacobins du 25 mai (6 prairial) fut consacrée aux deux événemens qui venaient de se passer. Des acclamations de joie retentirent à l'arrivée de Collot-d'Herbois qui monta à la tribune et prononça un discours sur les assassinats combinés par les tyrans. Bentabolle regarda comme un miracle de revoir Collot, après le danger qu'il avait couru; il demanda que le président lui donnât l'accolade; ce qui fut adopté, au bruit prolongé des applaudissemens. Collot raconta comment Geffroy s'était dévoué à la mort pour le sauver.- Taschereau déclara qu'un républicain qui exposait sa vie pour conserver celle d'un représentant du peuple était Jacobin dans le fait : il proposa de lui en délivrer sur-le-champ le diplôme. (Appuyé et adopté.)

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De nouveaux applaudissemens annoncèrent Robespierre. « La

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