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qu'il eft le plus naturel, fut confervé dans toutes les villes elles avaient leur fénat, que nous

:

appelons confeil de ville, leurs domaines, leurs milices. Le confeil de la ville jugeait les procès des particuliers, et dans les affaires confidérables on appelait au tribunal du préteur, ou du proconful, ou du préfet. Cette inflitution subsiste encore en Allemagne, dans les villes nommées impériales; et c'eft, je crois, le feul monument du droit public des anciens Romains qui n'ait point été corrompu. Je ne parle pas du droit écrit, qui eft le fondement de la jurisprudence, dans la partie de l'Allemagne où l'on ne fuit pas le droit faxon; ce droit romain est reçu dans l'Italie et dans quelques provinces de France au-delà de la Loire.

Lorfque les Sicambres ou Francs, dans la décadence de l'empire romain, vinrent des marais du Mein et du Rhin fubjuguer une partie des Gaules, dont une partie avait été déjà envahie par des Bourguignons, on fait assez dans quel état horrible la partie des Gaules, nommée France, fut alors plongée. Les Romains

n'avaient pu la défendre ; elle se défendit ellemême très-mal, et fut la proie des barbares.

Les temps, depuis Clovis jufqu'à Charlemagne, ne font qu'un tiffu de crimes, de maffacres, de dévastations et de fondations de monaftères, qui font horreur et pitié ; et après avoir bien examiné le gouvernement des Francs, on n'y trouve guère d'autre loi, bien nettement reconnue, que la loi du plus fort. Voyons, fi nous pouvons, ce que c'était alors qu'un parlement.

DU

PARLEMENT DE PARIS.

CHAPITRE

PRESQUE

PREMIER.

Des anciens parlemens.

RESQUE toutes les nations ont eu des affemblées générales. Les Grecs avaient leur églife, dont la fociété chrétienne prit le nom; le peuple romain eut fes comices; les Tartares ont eu leur cour-ilté, et ce fut dans une de ces cour-iltés que Gengis-kan prépara la conquête de l'Afie. Les peuples du Nord avaient leur Wittenagemoth; et, lorfque les Francs, ou Sicambres, fe furent rendus maîtres des Gaules, les capitaines francs eurent leur parliament, du mot celte parler ou parlier, auquel le peu de gens qui favaient lire et écrire joignirent une terminaifon latine; et de là vint le mot parlamentum dans nos anciennes chroniques, auffi barbares que les peuples l'étaient alors.

On venait à ces affemblées en armes, comme en usent encore aujourd'hui les nobles polonais, et prefque toutes les grandes affaires fe décidaient à coups de fabre. Il faut avouer qu'entre ces anciennes affemblées de guerriers farouches, et nos tribunaux de juftice d'aujourd'hui, il n'y a rien de commun que le nom feul qui s'eft confervé.

Dans l'horrible anarchie de la race ficambre de Clovis, il n'y eut que les guerriers qui s'affemblèrent. en parlement, les armes à la main. Le major, ou maire du palais, furnommé Pipinus, que nous nommons Pepin le bref, fit admettre les évêques à ces parliamens, afin de fe fervir d'eux pour ufurper la couronne. Il fe fit facrer par un nommé Boniface, auquel il avait donné l'archevêché de Maïence; et enfuite par le pape Etienne qui, felon Eginhard, fecrétaire de Charlemagne, dépofa lui-même le roi légitime Childeric III, et ordonna aux Francs de reconnaître à jamais les defcendans de Pepin pour leurs fouverains.

On voit clairement par cette aventure, ce que c'était que la loi des Francs, et dans quelle ftupidité les peuples étaient enfevelis.

Charlemagne, fils de Pepin, tint plufieurs fameux parlemens, qu'on appelait auffi conciles. Les affemblées de ville prirent le nom de parlement, et enfin les univerfités s'affemblèrent en parlement.

Il exifte encore une ancienne charte d'un Raimond de Toulouse, rapportée dans du Cange, qui fe termine par ces mots : Fait à Toulouse, dans la maifon commune, en parlement public. Actum Tolofa, ,, in domo commune, in publico parlamento. ››

Dans une autre charte du Dauphiné, il eft dit que l'univerfité s'affembla en parlement au fon de la cloche.

Ainfi le même mot eft employé pour fignifier des chofes très-différentes. Ainfi diocèfe, qui fignifiait province de l'Empire, a été depuis appliqué aux paroiffes dirigées par un évêque. Ainfi empereur,

imperator, mot qui ne défignait qu'un général d'armée, exprima depuis la dignité d'un fouverain d'une partie de l'Europe, de l'Afie et de l'Afrique. Ainfi le mot bafileus, rex, roi, a eu plufieurs acceptions différentes; et les noms et les chofes ont fubi les mêmes viciffitudes.

Lorfque Hugues Capet eut détrôné la race de Pepin, malgré les ordres des papes, tout tomba dans une confufion pire que fous les deux premières dynafties. Chaque feigneur s'était déjà emparé de ce qu'il avait pu, avec le même droit que Hugues s'était emparé de la dignité de roi. Toute la France était divisée en plufieurs feigneuries, et les feigneurs puiffans réduifirent la plupart des villes en fervitude. Les bourgeois ne furent plus bourgeois d'une ville, ils furent bourgeois du feigneur. Ceux qui rachetèrent leur liberté s'appelèrent francs-bourgeois. Ceux qui entrérent au confeil de ville furent nommés grands-bourgeois, et ceux qui demeurèrent ferfs, attachés à la ville comme les payfans à la glèbe, furent nommés petits-bourgeois.

Les rois de France ne furent long-temps que les chefs très-peu puiffans de feigneurs auffi puiffans qu'eux. Chaque poffeffeur d'un fief dominant établit chez lui des lois felon fon caprice; de là viennent tant de coutumes différentes et également ridicules. L'un fe donnait le droit de fiéger à l'église parmi des chanoines, avec un furplis, des bottes et un oifeau fur le poing. L'autre ordonnait que pendant les couches de fa femme tous fes vaffaux battraient les étangs, pour faire taire les grenouilles du voifinage. Un autre fe donnait le droit de marquette,

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