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David, Salomon, les Prophétes d'Ifraël, & ceux qui parmi les Gentils ont de la pieté, vous beniffe, &c. Amen. Voilà des exemples du Cherem conditionel, qui regardoit un crime qu'on viendroit à commettre.

Le vœu abfolu regardoit, comine j'ai dit, un crime déjà commis, & l'on envelopoit dans ce vou, non feulement la perfonne du criminel, mais même tout ce qui avoit fervi d'inftrument au crime.

Sans nous arrêter davantage à examiner tous ces différens Anathêmes, dont on trouvera de plus amples explications dans les Ouvrages que nous citons: il nous fuffit ici de remarquer, que quand Dieu ordonne à Jofué de mettre à l'interdit la ville de Jérico, & tout ce qui y étoit contenu, il eft queftion du dernier genre de Cherem. Les Ifraëlites étoient obligez de faire mourir les hommes, les femmes, les enfans qu'ils trouveroient dans Jérico, de rafer la ville, ou d'y mettre le feu, & de détruire entiérement, non feulement les criminels, mais tout ce qui avoit fervi d'inftrument à leur crime.

Cette idée, que nous donnons de l'interdit, fuffit déjà pour prouver qu'il n'y eût rien que de jufte dans la fentence qui y livra les Cananéens. Elle ne paroitra trop rigoureufe qu'à ceux qui n'auront pas réfléchi fur les crimes de ces peuples, fur la longueur de l'intervalle pendant lequel la patience divine les avoit invitez à la repentance, fur les marques que Dieu leur donna de fon fupport, dans le temps même qu'il fembloit les traiter avec la derniére févérité, & fur les finiftres fuites qu'auroit produit un plus long fupport. 1. Les

E 3

1. Les crimes de ces peuples étoient des plus atroces. Mais on doit éviter, quand on traite ce fujet, de donner une idée de la corruption des Cananéens, qu'on ne puiffe juftifier par l'Hiftoire des temps qui ont précédé leur ruine. Nous ne devons pas reprocher à ceux, dont parle Jofué, des excès que commirent leurs defcendans, excès dont nous n'avons aucune raifon folide de nous perfuader qu'ils ayent été eux-mêmes coupables. Pour prouver que ceux que le Peuple d'Ifraël mit à l'interdit, étoient dignes d'un traitement fi rigoureux, il faut tirer l'idée de leurs déréglemens des temps qui précédérent la punition que Dieu en fit. Quoique nous ayons peu de monumens de ce période, nous en favons affez pour connoitre que les maux, que Dieu infligea au peuple de Canaan, étoient encore au-deffous de ceux qu'ils avoient méritez. Moyfe après avoir donné aux Ifraëlites des loix contre l'idolatrie la plus grosfiére & la plus abominable, contre l'incefte, contre la fodomie, contre la beftialité, contre le facrifice des victimes humaines, dit expresfément, que les nations du païs de Canaan étoient coupables de tous ces crimes: que la terre étoit laffe de porter des hommes fi abominables, & que c'étoit la raifon pour laquelle ils avoient été chaffez de leur païs par les IfLevit. raëlites: Ne vous fouillez point par aucune de ces chofes comme ces nations, que je vais chaffer devant vous, & dont je vais punir Piniquité en forte Voi. auffi que la terre vomira fes babitans. Et dans le Chap. XII. du Deuteronome ce Legiflateur après avoir interdit la barbarie qui portoit les hommes à facrifier leurs enfans au Soleil, adreffe cette exhortation aux Ifraëlites: Prenez garde que vous

XVIII. 24.

Deut.

IX. 4.

Verf. 30.

31.

ne

ne tombiez dans le même piege que ces peuples, que Dieu extermine de devant vous: ne recherchez point leurs Dieux: ne dites point, je prendrai ces nations-là pour modéle

2. Ce cultes abominables & ces crimes affreux n'étoient pas nouveaux en Canaan. Il y avoit déjà plufieurs fiécles que les Cananéens fe donnoient en fpectacle de dépravation dans la Religion, & de corruption dans les mœurs, & c'est là une feconde réfléxion qui juftific la rigueur, dont Dieu ufa envers eux. Il les avoit fupportez durant un long intervalle. C'est une chofe remarquable, que quand il promit à Abraham la Terre de Canaan, il lui dit que l'exécution de cette promeffe feroit différéc encore pour quatre cens ans, & il en allégue cette raifon, c'eft que l'iniquité des Amorrhéens (& Genef. par les Amorrhéens il faut entendre tous les xv. 16, peuples du païs de Canaan) n'étoit pas encore par venue à fon comble: c'est à dire, le temps de ma vangeance n'eft point encor arrivé: je ne détruirai point encor les Amorrhéens, je leur donnerai quatre cens ans pour se repentir: & je ne les chafferai de leur pais que lorsque ce long intervalle fera paffé. Mais le délai de la punition ne fervit qu'à leur fournir de nouvelles occafions de s'abandonner au crime, & felon la maxime de Salomon: Parce que la fenten- Ecclef. ce contre les mauvaises œuvres ne s'exécuta pas in- VIII. II. continent, le cœur des Amorrhéens fut plein d'envie de mal faire.

3. Un traitement moins rigoureux envers les fept nations auroit été funefte aux Ifraëlites. Ils adoptérent fouvent le genre d'idolatrie, que Dieu avoit puni par leurs propres mains. Que n'auroient-ils point fait,fi Dieu avoit té

E 4

moi

moigné plus de condefcendance, & plus de fupport envers ces peuples idolâtres? Cette raifon eft clairement exprimée dans le Chap. XX. Verf. 16. du Deuteronome; Vous ne laifferez vivre perfon ne de ces peuples, que l'Eternel votre Dieu vous a Voi. auf- donnez en héritage. De peur qu'ils ne vous apVII. 3 4. prennent les mémes abominations dont ils ufent

17.18.

fi Deut.

Et Nom- à l'égard de leurs Dieux.

bres

XXXIII.

4. Une quatriéme confidération, que font $1. 52. quelques Interprètes pour juftifier la conduite que Dieu tint envers les fept nations, c'eft qu'il leur témoigna une grande charité, lors même qu'il deploya contre elles fes plus févéres jugemens. On prétend que Jofué ne traita fi rigoureusement les habitans de Jérico, qu'après leur avoir offert la paix on foutient qu'il agit de la même maniére à l'égard de tous les autres peuples, qu'il s'affervit dans le païs de Canaan. Nous examinerons dans le Difcours fuivant le fondement de cette penfée que nous rejettons, quoiqu'elle foit fi propre en elle-même à appuïer ce que nous avançons fur la juftice des châtimens que Dieu infligea aux Cananéens.

Quoiqu'il en foit fur cette queftion, & quand Dieu n'auroit pas ufé de cette condescendance envers ces peuples, il eft démontré qu'il n'y eut rien que de jufte dans la fentence qui les condamnoit à l'interdit. Ce que nous avons dit de leurs crimes, du fupport que Dieu leur avoit témoigné, des fuites finiftres qu'auroit eu un plus long délai de leur châtiment, toutes ces confidérations juftifient fuffifamment cette

76 Nombres 31. 32.

pro

77 Tract. Talm. Moed Katon fol. 17. & Sanhedrin fol. 113. & Berachoth fol. 54.

propofition, fans qu'il foit befoin de la quatriéme réflexion; que nous nous fefons un fcrupule d'adopter, quelque favorable qu'elle foit au fentiment que nous foûtenons, mais qui ne nous femble pas bien prouvée.

Il n'y eût que deux exceptions à la fentence générale prononcée contre Jérico. 1. Dieu voulut que l'on confervât tout l'or, tout l'argent, tous les vafes d'airain & de fer qui feroient dans cette ville, & qu'on les fit fervir à l'ufage du Tabernacle, fans doute après les avoir purifiez, 76 comme cela fe pratiquoit dans ces occafions. 77 Les Juifs difent que ces chofes appartenoient à Dieu, parce que jérico fut prife un jour de Sabbat. Ce fut plûtôt un hommage que Dieu exigeoit des Ifraëlites, & par lequel ils devoient témoigner qu'ils lui attribuoient la victoire qu'ils venoient de remporter, & qu'ils lui allouoient le tribut, qui lui étoit dû comme à leur Général.

La feconde exception fut en faveur de Rahab. Dieu voulut qu'on lui tint fidélement la promefle qui lui avoit été faite, & qu'on eût pour elle la reconnoiffance qui lui étoit dûe, & qu'elle étoit en droit de fe promettre pour avoir dérobé les Efpions 'aux recherches de leurs pourfuivans. La bonne foi, la droiture, font auffi religieufement obfervées dans les Guerres que Dieu dirige, que dans la plus profonde Paix. 7 Les Juifs ont outré l'idée qu'ils fe font formée de la reconnoiffance de Jofué enyers Rahab ils difent qu'il l'époufa. Nous

aurons

78 Voi. MASTJs in Jofuam VI. 25. dans le 2 vol. des gr. Critiques pag. 1575. & SALIAN. Annal. Ecclef. in ann. 2584 pag. 331.

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