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d'Homère qu'elle avait ainsi retenus sans les comprendre. Chaque jour, Milton, en se levant, se faisait lire un chapitre de la Bible hébraïque ; puis il travaillait à son poème, dont il dictait les vers à sa femme, ou quelquefois à un ami, à un étranger qui le visitait. La musique était une de ses distractions; il touchait de l'orgue, et chantait avec goût. Au milieu de cette vie simple et occupée, le Paradis Perdu, si long-temps médité, s'acheva prompte(Villemain.)

ment.

COUSIN.

1792.

Victor COUSIN, chef de l'école de la philosophie éclectique, est fils d'un coutelier de Paris. Il entra jeune dans l'enseignement et embrassa la carrière philosophique. Disciple de M. Royer-Collard, et son successeur à l'École normale, il enseigna d'abord la philosophie écossaise de Reid, se fortifia ensuite dans l'étude de la philosophie allemande de Kant, et finit par faire un choix, par créer son système d'éclectisme. C'est à tort qu'on l'a accusé de panthéisme; sa Théodicée est conforme à celle de Frayssinous.

Nous devons à M. Cousin le Cours de l'histoire de la Philosophie au dix-huitième siècle, des Fragments philosophiques, une traduction des OEuvres complètes de Platon, et un grand nombre d'autres travaux fort remarquables. Son style est plein d'éclat et de vie; le premier il a donné à la langue philosophique un coloris, une richesse, une chaleur qu'elle n'avait pas avant lui dans notre littérature.

M. Cousin est conseiller d'État, membre du conseil royal de l'instruction publique et de l'Académie française, pair de France, etc.

DÉFENSE DE L'ÉCLECTISME.

PREMIÈRE OBJECTION.

- L'éclectisme est un

syncrétisme qui mêle ensemble tous les sys

tèmes.

RÉPONSE.

L'éclectisme ne mêle pas ensemble tous les systèmes, car il ne laisse intact aucun système; il décompose chacun d'eux en deux parties, l'une fausse, l'autre vraie : il détruit la première, et n'admet que la seconde dans le travail de la recomposition. C'est la partie vraie de chaque système qu'il ajoute à la partie vraie d'un autre système, c'est-àdire la vérité à la vérité, pour en former un ensemble vrai. Il ne mêle jamais un système entier à un autre système entier; il ne mêle donc pas tous les systèmes. L'éclectisme n'est donc pas le syncrétisme; l'un est même l'opposé de l'autre : ils se ressemblent philosophiquement et grammaticalement comme choix et mélange, discernement et confusion. SECONDE OBJECTION. L'éclectisme approuve tout, confond le vrai et le faux, le bien et le ma!.

RÉPONSE.

L'éclectisme n'approuve pas tout; car il professe que dans tout système il y a une part considérable d'erreur. Il ne confond pas le vrai et le faux, il les distingue au contraire; il sépare l'un

d'avec l'autre, néglige le faux et n'emploie que le

vrai.

TROISIÈME OBJECTION. L'éclectisme est le fatalisme.

RÉPONSE. Il n'y a point de fatalisme à dire que l'homme est ainsi fait, qu'avec son admirable intelligence il saisit toujours quelque chose de la vérité, et qu'avec les bornes de son intelligence, surtout avec sa paresse, sa légèreté, sa présomption, il croit avoir atteint la vérité tout entière quand il n'en possède qu'une partie; d'où il résulte qu'il y a toujours du vrai et du faux, du bien et du mal, dans les œuvres de l'homme, et particulièrement dans les systèmes philosophiques. Il y a d'autant moins de fatalisme à cela, que l'éclectisme soutient qu'avec de grands efforts sur soi-même, en redoublant de vigilance, d'attention, de circonspection, on peut arriver à diminuer les chances d'erreur, et que lui. même aspire à ce résultat.

QUATRIÈME OBJECTION. sence de tout système.

L'éclectisme est l'ab

RÉPONSE. L'éclectisme n'est point l'absence de tout système; car c'est l'application d'un système. En effet, pour recueillir et réunir les vérités éparses dans les différents systèmes, il faut d'abord les séparer des erreurs auxquelles elles sont mêlées; or, pour cela, il faut savoir les discerner et les reconnaître : mais pour reconnaître que telle opinion est vraie ou fausse, il faut savoir soi-même où est l'erreur

et où est la vérité; il faut donc être ou se croire déjà en possession de la vérité, il faut avoir un système pour juger tous les systèmes. L'éclectisme suppose un système déjà formé, qu'il enrichit et qu'il éclaire encore; ce n'est donc point l'absence de tout système.

L'éclectisme n'est pas d'hier; il est né le jour où un esprit bien fait dans une âme bienveillante s'est avisé de mettre d'accord deux adversaires passionnés, en leur montrant que les opinions pour lesquelles ils se combattent ne sont pas en elles-mêmes inconciliables, et qu'avec quelques sacrifices réciproques il est possible de les faire aller ensemble. L'éclectisme était déjà dans la pensée de Platon ; il était la prétention déclarée, légitime ou non, de l'école d'Alexandrie. Chez les modernes, il n'est pas seulement la prétention, il est la pratique constante de Leibnitz, et il jaillit de toutes parts des riches points de vue historiques de la philosophie allemande. Le temps est venu de l'élever à la rigueur et à la dignité d'un principe; c'est ce que j'ai essayé de faire. Ce nom depuis long-temps tombé dans un profond oubli, à peine prononcé par une faible voix, a retenti d'un bout de l'Europe à l'autre, et l'esprit du XIXe siècle s'est reconnu dans l'éclectisme : ils sauront bien faire leur route ensemble à travers tous les obstacles.

LES MYSTÈRES

SONT ACCESSIBLES A LA RAISON.

J'espère qu'on ne m'accusera pas de confondre avec le monde l'éternelle intelligence qui, avant le monde et l'humanité, existe déjà de la triple existence qui est inhérente à sa nature; mais si, à cette hauteur, la philosophie échappe à l'accusation du panthéisme, on ne lui fera pas grâce d'une accusation tout opposée, et qu'elle accepte, celle de vouloir pénétrer dans la profondeur de l'essence divine, qui, dit-on, est incompréhensible. Des hommes, des êtres raisonnables, dont la mission est de comprendre et qui croient à l'existence de Dieu, n'y veulent croire que sous cette réserve expresse, que cette existence soit incompréhensible ! Mais ce qui serait absolument incompréhensible n'aurait nul rapport avec notre intelligence, ne pourrait être nullement admis par elle. Un Dieu qui nous est absolument incompréhensible est un Dieu qui n'existe pas pour nous. En vérité, que serait-ce pour nous qu'un Dieu qui n'aurait pas cru devoir donner à sa créature quelque chose de lui-même, assez d'intelligence pour que cette pauvre créature pût s'élever jusqu'à lui, le comprendre et y croire ? Qu'est-ce que croire ? C'est comprendre en quelque degré. La foi, quelle que soit sa forme, quel que soit son objet, vulgaire ou sublime, la foi ne peut pas être autre chose que le consentement de la raison à ce

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