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plufieurs vers d'un poëme en 350. vers, Intitulé Pugna porcorum [q] dont touts les mots commencent par la lettre P. On voit au même endroit quelques vers d'un poëme d'environ 1 200, vers, intitulé Chriftus crucifixus, dont touts les mots commencent par la lettre C.

Un poëte pour critiquer le Taffe, fit un poëme de la Jerufalem ruinée, où il s'affujettit au même nombre de vers & aux mêmes rimes,qui compofent le poëme du Taffe de la Jérufalem délivrée. C'eft un petit ouvrage fort connu que le Centon [] nuptial d'Aufone, tiré de Virgile. L'Impératrice Eudocie a fait la vie de Jéfus Chrift en centons d'Homére.Proba Falconia a compofé un poëme qui comprend une partie du vieux & du nouveau teftament, où il n'entre que des centons de Virgile. Lælius & Julius Capilupi ont excellé dans ce genre de poëfies, où ils fe font éxercés fur plufieurs fujets. Etienne de Pleurre cha noine régulier de Saint Victor a traité quelques fujets de piété en centons de Virgile. Son ouvrage eft approuvé de deux docteurs de la Faculté de Théologie de Paris, qui difent dans leur approbation que cet auteur a fait des couronnes à Jésus-Chrift & aux Martyrs de l'or de l'idole de Moloch. Suivant les régles qu'Aufone a préfcrites fur les centons, on peut partager un vers en deux, ou l'emploier tout entier, mais il

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n'eft pas permis d'en emploïer deux de fuite.

19. Variations

Le goût de la poëfie a fort varié ; les épithètes d'Homére font fort fimples & dans le goût. prifes dans la nature, il appelle fans facon la nége blanche, le fait doux, le çon feu ardent. Ovide [s] a emploïé des épithétes brillantes, & qui font autant de penfées. Les auteurs qui font venus depuis, ont cherché des antithéfes & des pointes.

Ce mauvais genre d'écrire a été pouffé à l'excés. Benfferade difoit fur le déluge.

Dieu lava bien la tête à fon image.

Thyfbé dans Théophile dit du poignard de Pyrame:

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cœur.

M. Muratori [] foûtient que c'eft de France que le cavalier Marin apporta en Italie le mauvais goût des pointes.M. le marquis Jean-Jofeph Orfi défend les auteurs de fa nation [x] contre la critique du pére Bouhours: il obferve que ce pére, dans la maniére de bien penfer, n'a nommé Pétrarque qu'une fois en paffant, & qu'il cite fouvent le cavalier Marin & plufieurs autres poëtes Italiens encore moins eftimés; que parmi les auteurs Italiens, qui ont écrit en profe,il ne s'attache qu'à ceux qui n'ont aucune réputation. Il relève une bévûë énorme d'avoir attribué à l'Ariofte, ces deux vers qui font du Bornia.

Così colui del colpo non accorto, Andava combattendo, ed era morto. Et d'avoir critiqué comme placée dans un poëme héroïque, une penfée fort convenable à un poëme burlefque.Def

[u] Dans fon traité : Della perfetta poëfia Italiana fpiegata e dimoftrata con varie offervazioni.

[x] Le livre de M. le Marquis Jean-Jofeph Orfi eft intitulé: Confiderazioni fopra un famofo libro Franzefe intitolato, Lamanière de bien penfer dans les ouvrages d'efprit. [y] Defpreaux, art poëtiq. chant 2. [*] Navem agere ignarus navistimet: abrotonum ægro

Non audet, nifi qui didicit, dare: quod medicorum eft, Promittunt medici: tractant fabrilia fabri

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20.

Rien n'ef

qu'un poëte

Le bon goût & la critique font venus à bout de bannir les pointes des ouvra- plus infup ges d'efprit,mais parviendra-t-on jamais portable à détourner de faire des Vers,touts ceux médiocre. à qui la nature n'a pas donné ce beau feu qui fait les poëtes? C'eft un métier [z] dont chacun croit pouvoir fe mêler, quoique rien ne foit plus [a] infupportable qu'un poëte médiocre.

Catulle faifant réponse à Licinius Calvus célébre orateur qui lui avoit en. voïé pendant la fête des Saturnales de trés-méchants vers d'auteurs inconnus, le menace [b] en raillant de chercher

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27.

L'inde des

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Il ne fuffit pas pour être poëte,de fçavoir tourner un vers[d]. Celui-la feul en mérite le nom qui a l'efprit rempli d'un enthousiasme divin, & qui eft capable de s'élever aux plus grandes chofes: celui dont la poësie ne confifte pas dans la mesure & dans l'arrangement des mots [e], mais dont les vers intervertis, & mis en piéces feroient reconnoître en cet état des talents infpirés par Apollon & par les Mufes.

Un beau naturel se perfectionnera anciens né par l'étude des anciens. Autant qu'une

[c] Defper, art. poëtiq.chant. 4. [d]

.... neque enim concludere verfum

Dixeris effe fatis: neque, fi quis fcribat, uti nos,

Sermoni propiora, putes hunc effe poëtam.

Ingenium cui fit, cui mens divinior, atque os

Magna fonaturum; des nominis hujus honorem. Hor. lib. 1. Sat.4. [e]..... eripias fi

Tempora certa, modofque, & quod prius ordine verbum eft, Pofterius facias, præponens ultima primis;

Non, ut fi folvas, poftquam difcordia tætra

Belli ferratos poftes, portafque refregit;

Pour per

naturel.

imitation fervile [f] eft méprifable, ceffaire
autant il eft avantageux de fe former fectionnor
tres auteurs ont profité des exemples
furl es grands modéles. Les plus illuf- us beam
[g], & s'y font conformés. C'eft princi.
palement dans l'antiquité, qu'on peut
trouver le fimple joint au fublime.

CHAPITRE SIXIE'ME.
De l'Hiftoire.

SOMMAIRE.

1. Pen de vérité à espérer de l'histoire, 2o L'histoire a fuivi le génie des peuples. 3. De l'amour du merveilleux. 4. Devoirs de l'hiftoire. 5.Sincerité de quelques hiftoriens.6.Hiftoriens remplis de fables. 7. Des anciennes chroniques.8. Pyrrhonifme outré fur l'histoire. 9. Ré. cits de batailles qui paroiffent incroïables. 10. Du traité des parallèles de T'hiftoire Grecque & Romaine.1 1.Diverfité d'opinions fur les faits les plus célébres.2.De la bonne critique de l'hi ftoire. 3.Fruit de l'étude de l'hiftoire.

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mihi fæpé

Bilem, fæpe jocum veftri movere tumultus! Hor.

[g] Virgile a emprunté beaucoup de beautés d'Homére & de Théocrite. Homére a dé crit le Bouclier d'Achille. Hom. Il. 17. Héfio de a décrit le bouclier d'Hercule. Hefiod. in Afpid. C'eft à leur exemple que Virgile afair la défcription du Bouclier d'Enée; que le Taffe a gravé les deftinées de la maison d'Eft fur le bouclier de Renaud; & que dans les avantures de Télémaque, le bouclier de ce jeune héros préfente un tableau qui est une copie achevée du bouclier d'Achille dans Homére. Les defcentes aux enfers d'Enée de Télémaque font imitées de l'Odyffée, &c. [4] Théodore Gaza qui vivoit dans le

rer de l'hiftoire.

clés, qu'il eft fort difficile ou même impoffible d'apprendre & de difcerner le vrai par la lecture de l'hiftoire. Car fi elle eft écrite aprés plufieurs fiécles,elle a contre elle l'antiquité des temps qui Jui dérobe la connoiffance des chofes paffées ; & fi elle eft écrite du vivant de ceux dont elle parle, la haine [b], l'envie,ou la flaterie la portent elle-mê me à corrompre & à déguiser la vérité. N'eft-il pas vrai-femblable que les hiftoriens [c] ont flâté leur nation, qu'ils ont négligé ceux dont la postérité étoit éteinte, ou dans un état obfcur, & qu'ils ont au contraire élevé les noms de ceux dont ils pouvoient attendre des récompenfes? combien de motifs d'altérer [d] la verité? Tacite a beau protefter qu'il n'a aucun fujet de prévention favorable ou de haine : le lecteur défiant ajoûtera plus de foi à Strada qui dit, que pour être bon hiftorien,il faudroit n'être d'aucune religion, d'aucun païs, d'aucune profeffion, d'aucun parti, c'est-à-dire, n'étre pas homme.

On feroit fort fimple, dit S. Réal, [e] d'étudier l'hiftoire avec l'efperance d'y découvrir ce qui s'eft paflé : c'est bien affez qu'on fçache ce qu'en croient tels & tels auteurs; & ce n'eft pas tant T'hiftoire des faits qu'on doit chercher que l'hiftoire des opinions des hommes. Člio celle desMufes qui préfide à l'hiftoire, a été nommée une courtisanne

quinziéme fiécle dijoit, que s'il fe trouvoit dans la néceffité de jetter touts les auteurs anciens dans la mer, à la réserve d'un feul, il fauveroit Plutarque.

[6] Tiberii, Caiique & Claudii ac Neronis res, florentibus ipfis : ob metum fallæ, poft quam occiderant, recentibus odiis compofitæ funt. Tac.

[c] Datur hæc venia antiquitati, ut mifcendo humana divinis, primordia urbis auguftiora faciat. Tit Liv.

[d] Veritas pluribus modis infracta,

[f] qui fe livre fans réservé au prémier venu pour la plus vile récompenfe.

Velléius Paterculus rempli de flâterie pour Tibére & pour Séjan a plûtôt compofé des panégyriques qu'une hif toire. Zozime fe laiffe emporter à fa. paffion contre Conftantin: Eusébe flatte toujours cet Empereur. Tite-Live favorifoit ouvertement le parti de Pompée [g]. Augufte l'en plaifantoit, & ne l'en aimoit pas moins. Dion étoit trop partial pour Célar.

L'hiftoire [b] eft un préfent qu'on ne doit faire qu'à la pofterité. Boccalin [] confeille de n'écrire que ce qu'on a vû, & de ne le donner au public qu'aprés fa mort.En fuppofant l'impartialité, qu'on ne doit pourtant pas efpérer, chaque hiftorien ajufte l'hiftoire à fon charactére particulier: Sallufte eft moral, Tacite eft politique, Tite-Live eft fuperftitieux & orateur. Touts nous veulent apprendre les caufes des événements, ignorées non-feulement des contemporains, mais de ceux mêmes qui ont eu part aux affaires.

La Gréce étoit fi fertile en hiftoriens que plus de trois cents auteurs fe rencontrérent dans la defcription d'une feule bataille. Lucien [k] compare la paffion des Grecs pour écrire l'hiftoire, à la maladie épidémique des Abdéritains qui reffembloit beaucoup à la folie.

Toute l'hiftoire ancienne à été pref

qu'en

libidine affentandi, aut odio adversùs dominantes Tac. [e] S. Réal, œuvr post. [f] Scortum triobolare.

[g] Titus Livius eloquentiæ ac fidei præclarus imprimis, Cn. Pompeium tantis laudibus tulit, ut Pompeianum eum Auguftus appellaret: neque id amicitia eorum offecit, Tac. annal. lib. 4,

[b] Lucien, comm, il faut écrire l'hift.
[i] Boccalin, ragguagl. di Parnaff.
[k] Lucien, comm, il faut écr, l'hist.

ale

qu'entiérement défigurée par les Poëtes, qui ont fait un mêlange continuel de leurs fictions avec la vérité, comme on peut voir (par l'hiftoire de Jupiter & de toute la famille des Titans; par celle d'Ifis, de Médée, de Didon, d'Hercule; par l'expédition des Argonautes; par le fiége de Troïe; & par une foule d'autres éxemples.

Il eft aifé de s'appercevoir que l'hifLitoire toire a bien plus fuivi (m) le génie des des peuples que la vérité ou l'importance des événements. Toute cette fcience de l'hiftoire telle que nous l'avons, eft le fruit du goût que les Grecs ont eu pour écrire & pour conter. L'hiftoire de l'antiquité ne nous a tranfmis que ce qui a rapport aux Grecs, & aux Romains, qui les ont imités depuis. Car fans parler des païs découverts depuis ces derniers fiécles, des empires du Méxique, & du Pérou, fi étendus, fi peuplés, fi magnifiques, fi riches, dont nous ne connoiffons pas l'hiftoire, celle des autres peuples n'a été tirée de l'oubli qu'autant qu'elle a eu quelques liaisons avec les hiftoires Grecque & Romaine. L'histoire prophane n'a prefque point parlé des Juifs, & on trouve des fautes groffiéres dans le peu qu'elle en a rapporté. A peine feroit-il parlé des an ciens Gaulois, qui avoient étendu leurs colonies & leurs conquêtes prefque dans tout le monde ancien, fans le pillage de quelques temples de la Gréce, fans la prife de Rome, & les guerres qu'ils ont eues contre les Romains, foit en attaquant foit en défendant. Les quatre célébres empires des Affyriens, des Perfes, des Grecs, & des Romains font furpaffés en étendue de conquête & de durée par quatre autres puiffances que nous ne connoiffons prefque

Tom. I.

[Paléphate. Hérodote, Elien, Athénée. M.Abbé Banier, ¿c,

pas, qui font celles des Chinois, des Scythes, des Arabes, & des Turcs. Malgré l'obfcurité de l'hiftoire à cet égard, je ne crains point d'avancer que le roïaume de la Chine l'emporte fur celui d'Affyrie par la durée, par le nombre de fes peuples, par la fageffe de fon gouvernement, par l'étendue même de fes limites. Que les conquêtes d'Almanzor qui ont compris l'Arabie, l'Egypte, touts les pais feptentrionaux de l'Afrique jufqu'à l'Océan Occidental, & prefque toute l'Efpagne, ont été pouffées plus loin que celle de Cyrus: que les conquêtes d'Aléxandre ne peuvent être comparées à celles de Tamerlan iffu de la Scythic Orientale. Ce conquérant foûmit une partie de la Chine; s'ouvrit un paffage par la Tartarie & la Mofcovie, pour délivrer l'Empereur de Conftantinople; & triompher de Bajazeth ; & s'en retournant il augmenta fa domination de la Syrie, de la Perfe, & des Indes. Quelle Séchereffe d'hiftoire fur ces nombreux effains de peuples trés-puiffants & trés-courageux fortis de la Scythie feptentrionale, qui fous différents noms ont démembré tout l'empire Romain en Occident, plufieurs fiécles avant que les Turcs originaires de la Scythie Orientale & des côtes de la mer Cafpienne, appellés en Afie ou par les empereurs de Conftantinople ou par les rois de Perfe, (car les hiftoriens ne conviennent pas de ce fait) aïent etabli fur les ruines de l'Empire Romain en Orient, & fur celles de l'empire Arabe, une puissance plus formidable que ne fut jamais toute la puiflance Romaine. L'hiftoire de touts ces peuples fi belliqueux & fi redoutés eft trés-peu connue.

I

[m] Réfléx, du chev, Temple,

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