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BOSSUET.

leur a jamais parlé avec tant de candeur et de hardiesse; mais vous avez peut-être poussé trop

Et moi, j'ai estimé votre vertu jusqu'au point d'en être jaloux. Nous courions la même car-loin vos délicatesses sur la probité. Vous leur inspirez de la défiance et de la haine pour tous ceux qui ont de l'ambition; vous exigez qu'ils les écartent, autant qu'ils pourront, des emplois : n'est-ce pas donner aux princes un conseil timide? Un grand roi ne craint point ses sujets, et n'en doit rien craindre.

rière; je vous avois regardé d'abord comme mon disciple, parceque vous étiez plus jeune que moi; votre modestie et votre douceur m'avoient charmé, et la beauté de votre esprit m'attachoit à vous. Mais, lorsque votre réputation commença à balancer la mienne, je ne pus me défendre de quelque chagrin; car vous m'aviez accoutumé à me regarder comme votre maître.

FÉNELON.

Vous étiez fait pour l'être à tous égards; mais vous étiez ambitieux : je ne pouvois approuver vos maximes en ce point.

BOSSUET.

Je n'approuvois pas non plus toutes les vôtres. Il me sembloit que vous poussiez trop loin la modération, la piété scrupuleuse, et l'ingénuité.

FÉNELON.

En jugez-vous encore ainsi?

BOSSUET.

Mais j'ai bien de la peine à m'en défendre. I me semble que l'éducation que vous avez donnée au duc de Bourgogne étoit un peu trop asservie à ces principes. Vous êtes l'homme du monde qui avez parlé aux princes avec le plus de vérité et de courage; vous les avez instruits de leurs devoirs ; vous n'avez flatté ni leur mollesse, ni leur orgueil, ni leur dureté. Personne ne

Louis, dauphin, fils ainé du Grand-Dauphin et petit-fils de Louis XIV, père de Louis XV, naquit à Versailles le 6 août 1682, et reçut en naissant le nom de duc de Bourgogne. Il eut le duc de Beauvilliers, un des plus honnêtes hommes de la cour, pour gouverneur, et Fénelon, qui étoit un des plus vertueux et des

plus aimables, pour précepteur. Digne élève de tels maîtres, ce prince fut un modèle de vertus : il l'eût été des rois! B.

2 Qu'il nous soit permis de confirmer le jugement de Vauvenargues par un trait que l'histoire nous a transmis. Le duc de Bourgogne étoit fort enclin à la colère; voici un des moyens que Fénelon employa pour réprimer ce penchant :

Un jour que le prince avoit battu son valet de chambre, il s'a

musoit à considérer les outils d'un menuisier qui travailloit dans son appartement. L'ouvrier, instruit par Fénelon, dit brutalement au prince de passer son chemin et de le laisser travailler. Le prince se fàche, le menuisier redouble de brutalité, et, s'emportant jusqu'à le menacer, lui dit : Retirez-vous, mon prince, quand je suis en colère je ne connois personne. Le prince court se plaindre à son précepteur de ce qu'on a introduit chez lui le plus méchant des hommes. C'est un très bon

FÉNELON.

J'ai suivi en cela mon tempérament, qui m'a peut-être poussé un peu au-delà de la vérité. J'étois né modéré et sincère; je n'aimois

point les hommes ambitieux et artificieux. J'ai dit qu'il y avoit des occasions où l'on devoit s'en servir, mais qu'il falloit tâcher peu-à-peu de les rendre inutiles.

BOSSUET.

Vous vous êtes laissé emporter à l'esprit systématique. Parceque la modération, la simplicité, la droiture, la vérité, vous étoient chères, vous ne vous êtes pas contenté de relever l'avantage de ces vertus, vous avez voulu décrier les vices contraires. C'est ce même esprit qui vous a fait rejeter si sévèrement le luxe. Vous avez exagéré ses inconvénients, et vous n'avez point prévu ceux qui pourroient se rencontrer dans la réforme et dans les règles étroites que vous proposiez.

FÉNELON.

Je suis tombé dans une autre erreur doct de l'humanité aux hommes dans mes écrits; vous ne parlez pas. Je n'ai tâché qu'à inspirer mais par la rigidité des maximes que je leur ai données, je me suis écarté moi-même de cette humanité que je leur enseignois. J'ai trop voulu que les princes contraignissent les hommes à vivre dans la règle, et j'ai condamné trop sévè rement les vices. Imposer aux hommes un tel joug, et réprimer leurs foiblesses par des lois sévères, dans le même temps qu'on leur recommande le support et la charité, c'est en quelque sorte se contredire, c'est manquer à l'humanité qu'on veut établir.

ouvrier, dit froidement Fénelon; son unique défaut est de se livrer à la colère. Leçon admirable, et qui fit mieux compren dre au prince combien la colère est une chose hideuse, que ne l'auroient fait les discours les plus éloquents. B.

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La fortune dispose de tout. Je pouvois être né avec quelque génie pour le ministère, et j'étois instruit de toutes les connoissances nécessaires; mais je me suis appliqué dès mon enfance à la science des Anciens et à l'éloquence. Quand je suis venu à la cour, ma réputation étoit déja faite par ces deux endroits : je me suis laissé amuser par cette ombre de gloire. Il m'étoit difficile de vaincre les obstacles qui m'éloignoient des grandes places, et rien ne m'empêchoit de cultiver mon talent. Je me laissois dominer par mon génie; et je n'ai pas fait peut-être tout ce qu'un autre auroit entrepris pour sa fortune, quoique j'eusse de l'ambition et de la faveur.

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Le cardinal de Richelieu avoit de la naissance ; c'est en France un avantage que rien ne peut suppléer : le mérite n'y met jamais les hommes au niveau des grands. Vous aviez aussi de la naissance, mon cher Fénelon, et par-là vous me primiez en quelque manière. Cela n'a pas peu contribué à me détacher de vous, car je suis peut-être incapable d'être jaloux du mérite d'un autre; mais je ne pouvois souffrir que le hasard de la naissance prévalût sur tout; et vous conviendrez que cela est dur.

FÉNELON.

Oui, très dur; et je vous pardonne les persécutions que vous m'avez suscitées par ce motif, car la nature ne m'avoit pas fait pour vous dominer.

DIALOGUE III.

DÉMOSTHÈNES ET ISOCRATE.

ISOCRATE.

Je vois avec joie le plus éloquent de tous les hommes. J'ai cultivé votre art toute ma vie, et votre nom et vos écrits m'ont été chers.

DÉMOSTHENES 2.

Vous ne me l'êtes pas moins, mon cher Isocrate, puisque vous aimez l'éloquence ; c'est un talent que j'ai idolâtré. Mais il y avoit de mon temps des philosophes qui l'estimoient peu, et qui le rendoient méprisable au peuple.

ISOCRATE.

N'est-ce pas plutôt que de votre temps l'éloquence n'étoit point encore à sa perfection?

DEMOSTHENES.

Hélas! mon cher Isocrate, vous ne dites que trop vrai. Il y avoit de mon temps.beaucoup de déclamateurs et de sophistes, beaucoup d'écrivains ingénieux, harmonieux, fleuris, élégants, mais peu d'orateurs véritables. Ces mauvais

orateurs avoient accoutumé les hommes à re

garder leur art comme un jeu d'esprit sans utilité et sans consistance.

ISOCRATE.

Est-ce qu'ils ne tendoient pas tous, dans leurs discours, à persuader et à convaincre?

DÉMOSTHENES.

Non, ils ne pensoient à rien moins. Pour ménager notre délicatesse, ils ne vouloient rien prouver; pour ne pas blesser la raison, ils n'o

dans l'école de Gorgias et de Prodicus, l'un des plus grands maîtres dans l'art de la parole. Sa voix étoit foible et sa timidité excessive: aussi il ne parla jamais en public dans les grandes affaires de l'État; mais ses leçons lui procurèrent une fortune immense. B.

Isocrate naquit à Athènes, l'an 436 avant J.-C. Il devint,

Le nom par lequel Isocrate désigne Démosthènes, en l'appelant le plus éloquent de tous les hommes, est celui que la

■ Richelieu (Armand Jean du Plessis), né à Paris, le 5 septembre 1586, sacré évêque de Luçon à l'âge de 22 ans, premier ministre de Louis XIII en novembre 1616, descendoit d'une des plus anciennes familles du Poitou. Il mourut à Paris, le dé-postérité a confirmé à ce célèbre orateur, qui naquit à Athènes, cembre 1642. B.

L'an 381 avant Jésus-Christ. B.

ISOCRATE.

On n'a donc, selon vous, qu'une foible éloquence lorsqu'on n'a pas en même temps une égale supériorité de raison, d'imagination et de sentiment; lorsqu'on n'a pas une ame forte et pleine de lumières, qui domine de tous côtés les autres hommes.

DEMOSTHENES.

soient rien passionner : ils substituoient dans | cre, une grande supériorité de raisonnement. tous leurs écrits la finesse à la véhémence, l'art au sentiment, et les traits aux grands mouvements. Ils discutoient quelquefois ce qu'il falloit peindre, et ils effleuroient en badinant ce qu'ils auroient dû approfondir : ils fardoient les plus grandes vérités par des expressions affectées, des plaisanteries mal placées, et un langage précieux. Leur mauvaise délicatesse leur faisoit rejeter le style décisif dans les endroits même où il est le plus nécessaire : aussi laissoient-ils toujours l'esprit des écoutants dans une parfaite liberté et dans une profonde indifférence. Je leur criois de toute ma force: Celui qui est de sang-froid n'échauffe pas; celui qui doute ne persuade pas. Ce n'est pas ainsi qu'ont parlé nos maîtres! Nous flatterions-nous de connoître plus parfaitement la vérité que ces grands hommes, parceque nous la traitons plus délicatement? C'est parceque nous ne la possédons pas comme eux, que nous ne savons pas lui conserver son autorité et sa force.

ISOCRATE.

Mon cher Démosthènes, permettez-moi de vous interrompre. Est-ce que vous pensez que l'éloquence soit l'art de mettre dans son jour la vérité?

DEMOSTHENES.

On peut s'en servir quelquefois pour insinuer un mensonge, mais c'est par une foule de vérités de détail qu'on vient à faire illusion sur l'objet principal. Un discours tissu de mensonges et de pensées fausses, fùt-il plein d'esprit et d'imagination, seroit foible et ne persuaderoit personne.

ISOCRATE.

Vous croyez donc, mon cher Démosthènes, qu'il ne suffit point de peindre et de passionner pour faire un discours éloquent?

DÉMOSTHENES.

Je crois qu'on peint foiblement, quand on ne peint pas la vérité; je crois qu'on ne passionne point, quand on ne soutient point le pathétique de ses discours par la force de ses raisons. Je crois que peindre et toucher sont des parties nécessaires de l'éloquence; mais qu'il y faut joindre, pour persuader et pour convain

Je voudrois y ajouter encore l'élégance, la pureté et l'harmonie; car, quoique ce soient des choses moins essentielles, elles contribuent cependant beaucoup à l'illusion, et donnent une nouvelle force aux raisons et aux images.

ISOCRATE.

Ainsi vous voudriez qu'un orateur eût d'abord l'esprit profond et philosophique pour parler avec solidité et avec ascendant; qu'il eût ensuite une grande imagination pour étonner l'ame par ses images, et des passions véhémentes pour entraîner les volontés. Est-il surprenant qu'il se trouve si peu d'orateurs, s'il faut tant de choses pour les former?

DEMOSTHENES.

Non, il n'est point surprenant qu'il y ait si peu d'orateurs; mais il est extraordinaire que tant de gens se piquent de l'être. Adieu, je suis forcé de vous quitter; mais je vous rejoindrai bientôt, et nous reprendrons, si vous le voulez, notre sujet.

DIALOGUE IV.

DEMOSTHENES ET ISOCRATE.

ISOCRATE.

Je vous retrouve avec plaisir, illustre orateur: vous m'avez presque persuadé que je ne connoissois guère l'éloquence; mais j'ai encore quelques questions à vous faire.

DÉMOSTHENES.

Parlez; ne perdons point de temps, je serois ravi de vous faire approuver mes maximes.

ISOCRATE.

Croyez-vous que tous les sujets soient susceptibles d'éloquence?

DEMOSTHENES.

Je n'en doute pas; il y a toujours une manière de dire les choses, quelles qu'elles soient, plus insinuante, plus persuasive : le grand art est, je crois, de proportionner son discours à son sujet; c'est avilir un grand sujet, lorsqu'on veut l'orner, l'embellir, le semer de fleurs et de fruits. C'est encore une faute plus choquante, lorsqu'en excitant de petits intérêts, on veut exciter de grands mouvements, lorsqu'on emploie de grandes figures, des tours pathétiques. Tout cela devient ridicule lorsqu'il n'est point placé. C'est le défaut de tous les déclamateurs, de tous les écrivains qui n'écrivent point de génie, mais par imitation.

ISOCRATE.

ont-ils besoin qu'on les entretienne de ce qu'ils savent?

DEMOSTHENES.

Oui, très grand besoin; car il n'y a rien qu'ils ne puissent mieux posséder qu'ils ne le possèdent, et il n'y a rien non plus qu'un homme éloquent ne puisse rajeunir par ses expressions.

ISOCRATE.

Selon vous, rien n'est usé ni pour le peuple, ni pour ses maîtres.

DEMOSTHENES.

Je dis plus, mon cher Isocrate, l'éloquence ne doit guère s'exercer que sur les vérités les plus palpables et les plus connues. Le caractère des grandes vérités est l'antiquité : l'éloquence

J'ai toujours été choqué plus que personne qui ne roule que sur des pensées fines ou absde ce défaut.

DEMOSTHENES.

Ceux qui y tombent en sont choqués euxmêmes lorsqu'ils l'aperçoivent dans les autres. Il y a peu d'écrivains qui ne sachent les règles, mais il y en a peu qui puissent les pratiquer. On sait, par exemple, qu'il faut écrire simplement, mais on ne pense pas des choses assez solides pour soutenir la simplicité. On sait qu'il faut dire des choses vraies; mais comme on n'en imagine pas de telles, on en suppose de spécieuses et d'éblouissantes; en un mot, on n'a pas le talent d'écrire, et on veut écrire.

ISOCRATE.

De là, non seulement le mauvais style, mais le mauvais goût; car, lorsqu'on s'est écarté des bons principes par foiblesse, on cherche à se justifier par vanité, et on se flatte d'autoriser les nouveautés les plus bizarres, en disant qu'il ne faut donner l'exclusion à aucun genre, comme si le faux, le frivole et l'insipide méritoient ce

nom.

DÉMOSTHENES.

Il y a plus, mon cher Isocrate; on ne se contente pas de dire des choses sensées, on veut dire des choses nouvelles.

ISOCRATE.

traites dégénère en subtilité. Il faut que les grands écrivains imitent les pasteurs des peuples; ceux-ci n'annoncent point aux hommes une nouvelle doctrine et de nouvelles vérités.

Il ne faut pas qu'un écrivain ait plus d'amourpropre; s'il a en vue l'utilité des hommes, il doit s'oublier, et ne parler que pour enseigner

des choses utiles.

ISOCRATE.

Je n'ai point suivi, mon cher maître, ces maximes. J'ai cherché, au contraire, avec beaucoup de soin à m'écarter des maximes vulgaires. J'ai voulu étonner les hommes en leur présentant sous de nouvelles faces les choses qu'ils croyoient connoître. J'ai dégradé ce qu'ils estimoient, j'ai loué ce qu'ils méprisoient ; j'ai toujours pris le côté contraire des opinions reçues, sans m'embarrasser de la vérité ; je me suis moqué sur-tout de ce qu'on traitoit sérieusement. Les hommes ont été la dupe de ce dédain affecté ; ils m'ont cru supérieur aux choses que je méprisois je n'ai rien établi; mais j'ai tâché de détruire. Cela m'a fait un grand nombre de partisans, car les hommes sont fort avides de nouveautés.

DEMOSTHENES.

Vous aviez l'esprit fin, ingénieux, profond. Vous ne manquiez pas d'imagination. Vous saMais ce soin seroit-il blåmable? les hommes viez beaucoup. Vos ouvrages sont pleins d'es

prit, de traits, d'élégance, d'érudition. Vous aviez un génie étendu qui se portoit également à beaucoup de choses. Avec de si grands avantages, vous ne pouviez manquer d'imposer à votre siècle, dans lequel il y avoit peu d'hommes qui vous égalassent.

ISOCRATE.

J'avois peut-être une partie des qualités que vous m'attribuez; mais je manquois d'élévation dans le génie, de sensibilité et de passions. Ce défaut de sentiment a corrompu mon jugement sur beaucoup de choses; car, lorsqu'on a un peu d'esprit, on croit être en droit de juger de

tout.

DEMOSTHENES.

sortît des limites de leur jugement, et qu'il les maîtrisât par ses lumières, dans le même temps qu'il les domine par la force de son imagination et par la véhémence de ses sentiments. Il faudroit qu'il fût grand et simple, énergique et clair, véhément sans déclamation, élevé sans ostentation, pathétique et fort sans enflure. J'aime encore qu'il soit hardi et qu'il soit capable de prendre un grand essor; mais je veux qu'on soit forcé de le suivre dans ses écarts, qu'il sorte naturellement de son sujet, et qu'il y rentre de même, sans le secours de ces transitions languissantes et méthodiques qui refroidissent les meilleurs discours. Je veux qu'il n'ait jamais d'art, ou du moins que son art consiste à peindre la nature plus fidèlement, à mettre les choses à leur place, à ne dire que ce qu'il faut, et de la manière qu'il le faut. Tout ce qui s'écarte de la nature est d'autant plus défectueux qu'il s'en éloigne davantage. Le suJe n'aurois pas pardonné, tant que j'ai vécu, blime, la véhémence, le raisonnement, la maà quiconque auroit eu la hardiesse de me les gnificence, la simplicité, la hardiesse, toutes découvrir. Les hommes desirent souvent qu'on ces choses ensemble ne sont que l'image d'une leur dise la vérité ; mais il y a beaucoup de vé-nature forte et vigoureuse : quiconque n'a point rités qui sont trop fortes pour eux, et qu'ils cette nature ne peut l'imiter. C'est pourquoi il ne sauroient supporter. Il y en a même qu'on der et de se tourmenter pour dire ou de grandes vaut mieux écrire froidement, que de se guinne peut pas croire, parcequ'on n'est point capable de les sentir : ainsi on demande à ses choses ou des choses passionnées. amis qu'ils soient sincères, et lorsqu'ils le sont, on les croit injustes ou aveugles, et on s'éloigne d'eux; mais ici on est guéri de toutes les vaines délicatesses, et la vérité ne blesse plus. Mais revenons à notre sujet ; dites-moi quelles sont les qualités que vous exigeriez dans un

Vous avouez là des défauts que je n'aurois jamais osé vous faire connoître.

orateur.

ISOCRATE.

DEMOSTHENES.

ISOCRATE.

mosthènes; mais cela étant ainsi, les règles Je pense bien comme vous, mon cher Dédeviennent inutiles. Les hommes sans génie ne peuvent les pratiquer, et les autres les trouvent dans leur propre fonds, dont elles ont été ti

rées.

DÉMOSTHENES.

Quelque génie qu'on puisse avoir, on a besoin de l'exercer et de le corriger par la réflexion et par les règles, et les préceptes ne sont point inutiles.

Je vous l'ai déja dit: un grand génie, une forte imagination, une ame sublime. Je voudrois donc qu'un homme qui est né avec cette supériorité de génie qui porte à vouloir régner sur les esprits, approfondit d'abord les grands principes de la morale : car toutes les disputes des hommes ne roulent que sur le juste et l'injuste, sur le vrai et le faux ; et l'éloquence est la médiatrice des hommes, qui termine toutes ces disputes. Je voudrois qu'un homme éloquent fût en état de pousser toutes ces idées au-delà de l'attente de ceux qui l'écoutent, qu'il | quelque objet.

ISOCRATE.

Quelle est donc la manière la plus courte de s'exercer à l'éloquence?

DEMOSTHENES.

La conversation, lorsque l'on s'y propose

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