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travailler à le rendre moins méprisable, puis- | de la Princesse de Navarre et du Temple de la Gloire leur fait déja dire que vous n'avez plus de génie. Je suis si choqué de ces impertinences, qu'elles me dégoûtent non seulement des gens de lettres, mais des lettres mêmes. Je vous conjure, mon cher maître, de polir si bien votre ouvrage, qu'il ne reste à l'envie aucun prétexte pour l'attaquer. Je m'intéresse tendrement à votre gloire, et j'espère que vous pardonnerez au zèle de l'amitié ce conseil, dont vous n'avez pas besoin. VAUVENARGUES.

que vous voulez bien m'aider à le refaire. Dès que vous m'aurez donné vos corrections, je mettrai la main à l'œuvre. J'avois le plus grand dégoût pour cet ouvrage; vos bontés réveillent mon amour-propre ; je sens vivement le prix de votre amitié. Je veux du moins faire tout ce qui dépend de moi pour la mériter. J'ai dit à M. Marmontel ce que vous me chargiez de lui dire. J'attends impatiemment votre retour, et vous remercie tendrement.

AU MÊME.

VAUVENARGUES.

A Paris, lundi matin, mai 1746.

A M. AMELOT,

Secrétaire d'État pour les affaires étrangères.

MONSEIGNEUR,

Je suis sensiblement touché que la lettre que

Vous me soutenez, mon cher maître, contre l'extrême découragement que m'inspire le sentiment de mes défauts. Je vous suis sensible- j'ai eu l'honneur de vous écrire et celle que j'ai ment obligé d'avoir lu si tôt mes Réflexions. Si pris la liberté de vous adresser pour le roi, n'aient vous êtes chez vous ce soir, ou demain ou après-pu attirer votre attention. Il n'est pas surpredemain, j'irai vous remercier. Je n'ai pas ré-nant, peut-être, qu'un ministre si occupé ne pondu hier à votre lettre, parce que celui qui l'a apportée l'a laissée chez le portier, et s'en étoit ailé avant qu'on me la rendit. Je vous écrirois et je vous verrois tous les jours de ma vie, si vous n'étiez pas responsable au monde de la vôtre. Ce qui a fait que je vous ai si peu parlé de votre tragédie 3, c'est que mes yeux souffroient extrêmement lorsque je l'ai lue, et que j'en aurois mal jugé après une lecture si mal faite. Elle m'a paru pleine de beautés sublimes, Vos ennemis répandent dans le monde qu'il n'y a que votre premier acte qui soit supportable, et que le reste est mal conduit et mal écrit. On n'a jamais été si horriblement déchaîné contre vous, qu'on l'est depuis quatre mois. Vous de-nétré, monseigneur, qu'une confiance que j'avois vez vous attendre que la plupart des gens de lettres de Paris feront les derniers efforts pour faire tomber votre pièce. Le succès médiocre

Vauvenargues préparoit alors une édition de l'Introduction à la connoissance de l'esprit humain, suivie de Réflexions et Maximes, seuls ouvrages qu'il publia, et dont l'impression, commencée sous ses yeux, ne fut terminée qu'après

sa mort. B.

Les corrections dont parle Vauvenargues, écrites à la marge du manuscrit, sont les notes de Voltaire qui se trouvent dans cette édition. B.

3 Vanvenargues veut ici parler de Sémiramis, qui ne fut représentée que deux ans plus tard, le 29 septembre 1748. B.

trouve pas le temps d'examiner de pareilles lettres; mais, monseigneur, me permettrez-vous de vous dire que c'est cette impossibilité morale où se trouve un gentilhomme qui n'a que du zèle de parvenir jusqu'à son maître, qui fait le découragement que l'on remarque dans la noblesse des provinces, et qui éteint toute émulation? des distractions du monde, pour tâcher de me J'ai passé, monseigneur, toute ma jeunesse loin rendre capable des emplois où j'ai cru que mon volonté si laborieuse me mettroit du moins au caractère m'appeloit; et j'osois penser qu'une niveau de ceux qui attendent toute leur fortune de leurs intrigues et de leurs plaisirs. Je suis pe

principalement fondée sur l'amour de mon devoir se trouve entièrement déçue. Ma santé ne me permettant plus de continuer mes services à la guerre, je viens d'écrire à M. le duc de Biron pour le prier de nommer à mon emploi. Je n'ai

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OEUVRES POSTHUMES

DE VAUVENARGUES.

AVIS.

Ce fut une heureuse découverte que celle des fragments inédits de Vauvenargues, du seul moraliste, du seul écrivain qui, en restant original, ait mérité d'être comparé à Pascal pour la vigueur, à La Bruyère | pour la finesse, à Fénelon pour la grace et la pureté. Ces fragments, que nous reproduisons ici, contiennent dix-huit dialogues, plus de cent pensées, autant de maximes, un éloge de Louis XV, des réflexions sur Newton, Montaigne et Fontenelle, et quelques remarques sur la poésie et l'éloquence. Toutes ces pièces sont précieuses, toutes reflètent plus ou moins la belle ame de l'auteur, toutes méritent de tenir une place dans ses œuvres, au moins comme études, si ce n'est toujours comme modèles; dans toutes enfin on reconnoît ce goût si pur, cette vertu si élevée qui avoit passionné Voltaire, et qui, suivant son expression, le consoloit de la décadence du siècle.

<< maîtres, vous êtes le dernier. Je vais vous lire en« core; vous êtes la plus douce de mes consolations « dans les maux qui m'accablent. » Non, ce n'est pas là une de ces coquetteries banales dont le philosophe de Ferney fut toujours si prodigue! c'est l'hommage qu'une ame supérieure rend à la vertu dont elle éprouve l'influence. Il est des moments où Voltaire sembloit né pour n'aimer qu'elle; en lisant ce choix de lettres, on est tenté de croire que tout ce qui déshonore ses écrits appartient aux coteries de son siècle, et que le reste seul est à lui. Peut-être ne manqua-t-il à cet homme prodigieux, pour être toujours admirable, qu'un ami comme Vauvenargues. Si vous étiez né quelques années plus tót, mes ouvrages en vaudroient mieux. N'est-ce pas l'aveu d'une conscience qui se reproche d'avoir trop sacrifié aux petites passions du jour ? n'est-ce pas aussi le mouvement d'un cœur qui se sent fait pour les grandes choses, et qui sait qu'on n'y arrive que par la vertu ?

Toutes les lettres de ce recueil sont inspirées par le même enthousiasme; toutes renferment les mêmes sentiments et les mêmes éloges, et cependant c'est un fait remarquable, que l'admiration de celui qui entraîna son siècle ne put donner de la renommée aux ouvrages de Vauvenargues. Le génie de ce jeune écrivain devoit être méconnu de ses contemporains, et même, de nos jours, il n'est apprécié que par un petit nombre de lecteurs. Vauvenargues n'avoit rien de ce qui séduit la multitude, de ce qui donne les succès du moment; point de recherches, point d'affectations; il est à-la-fois simple et élevé, clair et profond, sage et animé, et ce n'est pas le lot de tout le monde de savoir discerner les beautés naturelles

M. Roux Alpheran, qui fut long-temps possesseur des manuscrits autographes de Vauvenargues, se décida enfin à les publier vers la fin de 1849, c'està-dire plus de soixante-douze ans après la mort de l'auteur. C'est sur l'édition qui fut donnée à cette époque que nous publions la nôtre; mais plusieurs années auparavant, en 1843, le même éditeur avoit fait paroître plusieurs lettres de Voltaire à Vauvenargues, et qui ne furent point réunies aux œuvres de ce dernier. Ces lettres, que nous recueillons avec soin, formoient une brochure de seize pages; elles furent imprimées à Aix, et restèrent à-peu-près inconnues à Paris. Nous en citerons un passage qui pourra donner une idée de l'admiration, ou, pour mieux dire, de la vénération que ce sage de vingt-qui résultent de l'harmonie parfaite du caractère de six ans inspiroit à Voltaire. « Aimable créature! << beau génie! s'écrioit-il, j'ai lu votre premier ma«< nuscrit, et j'y ai admiré cette hauteur d'une « grande ame qui s'élève au-dessus des petits bril<< lants des Isocrates. Si vous étiez né quelques an« nées plus tôt, mes ouvrages en vaudroient mieux; «< mais au moins, sur la fin de ma carrière, vous << m'affermissez dans la route que vous suivez. Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes

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celui qui écrit avec ce qu'il écrit. Ainsi, dans les jours les plus brillants de notre littérature, lorsque la multitude dédaignoit Phèdre et condamnoit Athalie, un homme seul, Boileau, leur prodiguoit son admiration, et cet homme seul avoit raison contre tout le monde : il jugeoit comme la postérité. Mais quelle délicatesse de goût! quel sentiment exquis du beau il falloit avoir pour lutter ainsi contre le siècle! Racine lui-même craignit de s'être trompé, et la

voix de son ami ne put le rassurer. Bernardin de Saint-Pierre, encore inconnu à l'âge de plus de quarante ans, fait une lecture de Paul et Virginie | chez Mme Necker, et ce chef-d'œuvre de grace et de naturel endort un auditoire où se trouvoient Buffon, Thomas et l'abbé Galiani. Il est vrai que le public vengea M. de Saint-Pierre du faux jugement de cette coterie; mais, dans son découragement, peu s'en fallut qu'il ne brûlât tous ses manuscrits. Le sort de Vauvenargues fut encore plus malheureux : cet esprit juste et sublime, qui n'eut d'autre illusion que de confondre la gloire avec la vertu, mourut apprécié de Voltaire et inconnu de ses contemporains. Le goût général se forme ordinairement sur celui de quelques esprits supérieurs; mais lorsqu'il s'agit d'un livre qui sort de la route commune, le temps seul peut lui marquer sa place.

Une autre cause du peu de succès de Vauvenargues, c'est la hauteur de ses pensées. Celuilà ne calomnie pas l'humanité, il la soulève. Il faut, en le lisant, se désaccoutumer des autres moralistes qui humilient notre vanité et déshonorent notre grandeur. Ses paroles nous rendent meilleurs par inspiration et par intuition; il nous traite comme s'il étoit sûr de trouver en nous un sage ou un héros, et c'est ainsi qu'il nous rend, pour ainsi dire, à notre nature primitive. Voyez ! il ne conseille pas la vertu, il l'exalte et la fait adorer. Les sentiments vulgaires lui sont inconnus. S'il jette un regard sur nos foiblesses et sur nos vices, ce n'est pas seulement pour les flétrir, mais pour les plaindre, mais pour nous montrer que nous leur sacrifions le bonheur. Enfin, l'homme est pour lui une créature sacrée, et l'estime qu'il nous témoigne nous porte à un tel degré de perfection, qu'il devient impossible d'en descendre. Voyez! tout est amour, tout est bonté dans son cœur ; il croit à la vertu parcequ'elle est en lui, et ce n'est qu'après une profonde étude de lui-même, qu'il a pu tracer cette ligne consolante pour l'humanité: Nous pouvons connoître toute notre imperfection sans étre humiliés par cette vue. Combien cette pensée fondamentale donne de supériorité à Vauvenargues sur tous les autres moralistes! Depuis Fénelon, on n'avoit pas fait entendre un pareil langage, et l'on est toujours tenté en le lisant, de s'écrier comme Voltaire : « Beau génie! aimable << créature! j'ai lu vos écrits, et je vais les lire en«< core! »

Quant au style de Vauvenargues, il a mérité tant d'éloges, qu'il est difficile d'y rien ajouter. Veut-on savoir comment il a su rendre sublime une pensée qui avoit été exprimée avant lui d'une manière brillante? il suffit d'ouvrir les œuvres de Mme de Lambert, on y lit Rien ne peut plaire à l'esprit, qu'il

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n'ait passé par le cœur. Vauvenargues dégage cette pensée de ce qu'elle a d'étroit et de brillant, il dit : Les grandes pensées viennent du cœur, Et voilà une ame qui se peint, et tout le monde retient cette ligne, qui est l'expression du sublime.

Nous avons cherché à faire voir que le véritable but de Vauvenargues étoit de venger l'homme des calomnies des moralistes. En effet, sans jamais entrer en lice avec eux, il renverse tous leurs systèmes, en leur présentant la vérité. Par exemple, le marquis de Lassay, qui a écrit une multitude de choses spirituelles peu connues, d'abord parcequ'il ne fit imprimer qu'un petit nombre d'exemplaires de ses mémoires, puis parceque ses éditeurs en firent imprimer un trop grand nombre, que personne n'eut la curiosité de lire, car on ne lit les choses médiocres que si elles sont rares; le marquis de Lassay dit dans son ouvrage : Il n'y a rien de si beau que l'esprit de l'homme, rien de si effroyable que son cœur. Ne semble-t-il pas que Vauvenargues ait voulu répondre à cette injure, lorsqu'il a dit: Le corps a ses graces, l'esprit ses talents; le cœur n'auroit-il que des vices? et l'homme capable de raison seroit-il incapable de vertus? Souvent aussi Vauvenargues se plaît à réfuter La Rochefoucauld, cet autre calomniateur de l'humanité, qui ne voit partout que des égoïstes, et chez qui le bien même est le résultat d'un vice. Ainsi La Rochefoucauld dit de la pitié : « que c'est une habile prévoyance des mal<< heurs où nous pouvons tomber, et que les services « que nous rendons sont, à proprement parler, un «< bien que nous nous faisons par avance. » Vauvenargues ne daigne pas répondre à un pareil sophisme; il établit la vérité, et son aspect tue le mensonge. « La pitié, dit-il, n'est qu'un sentiment « mêlé de tristesse et d'amour; je ne pense pas « qu'elle ait besoin d'être excitée par un retour sur <«< nous-mêmes, comme on le croit. Pourquoi la mi« sère ne pourroit-elle faire sur nos cœurs ce que << fait la vue d'une plaie sur nos sens? N'y a-t-il pas « des choses qui affectent immédiatement l'esprit ? « L'impression des nouveautés ne prévient-elle pas << toujours nos réflexions? et notre ame est-elle in« capable d'un sentiment désintéressé? etc. » Nous remarquerons que la forme dubitative ajoute ici à la force de la pensée, car chaque objection est appuyée sur des faits qui se réveillent naturellement dans la mémoire du lecteur, et il suffit de descendre en soi pour y reconnoître tous les sentiments que Vauvenargues vient d'exprimer.

Nous ne dirons rien des Dialogues : ce ne sont que des études bien incomplètes. Les caractères y sont affoiblis, mal étudiés, et manquent quelquefois de vérité et toujours de profondeur. Ici Vauvenargues

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« Les vertus règnent plus glorieusement que la << prudence la magnanimité est l'esprit des rois. « Il y a des hommes qui vivent heureux sans le

<< savoir.

« Les grandes places instruisent promptement les « grands esprits.

« La science des mœurs ne donne pas celle des <<< hommes.

« Quelque service qu'on rende aux hommes, on <«< ne leur fait jamais autant de bien qu'ils croient en << mériter. >>

DESPRÉAUX.

Point du tout, seigneur, je vous honore et je vous ai toujours connu mille vertus. Vous vous êtes laissé corrompre par la prospérité et par les flatteurs ; mais vous aviez un beau naturel et un génie élevé.

ALEXANDRE.

Pourquoi donc m'avez-vous traité de fouet de bandit dans vos satires? Seroit-il vrai que,

Ce n'est pas sans raison qu'Alexandre reproche à Boileau la manière dont celui-ci l'a traité dans sa huitième satire. Voici ce qu'il dit :

Quoi donc ! à votre avis, fut-ce un fou qu'Alexandre?
Qui? cet écervelé qui mit l'Asie en cendre!
Ce fougueux l'Angéli, qui, de sang altéré*,
Maître du monde entier, s'y trouvoit trop serré **?
L'enragé qu'il étoit, né roi d'une province
Qu'il pouvoit gouverner en bon et sage prince,
S'en alla follement, et pensant être dieu,
Courir comme un bandit qui n'a ni feu ni lieu;
Et traînant avec soi les horreurs de la guerre,
De sa vaste folie emplir toute la terre;
Heureux, si de son temps, pour cent bonnes raisons,
La Macédoine eût eu des petites-maisons;
Et qu'un sage tuteur l'eût en cette demeure,
Par avis de parents, enfermé de bonne heure.

Ces pensées sont à-la-fois délicates et profondes;
elles touchent à tous les fibres du cœur et de l'in-
telligence. Le nouveau recueil que nous publions en
renferme un grand nombre peut-être supérieures,
mais que leur étendue nous empêche de citer. Nous
terminerons donc ici cette courte Préface, en faisant
observer toutefois que les ouvrages les plus dignes
d'être médités ne peuvent exercer d'influence
qu'autant que nous avons la volonté de devenir
meilleurs. Or, c'est cette volonté si rare aujourd'hui du troisième chant de l'Art poétique :
que l'auteur des Maximes a l'art de réveiller en
nous voilà pourquoi son livre est un véritable bien-
fait pour l'humanité. Il ne nous donne pas seule-
ment ses pensées, il appelle les nôtres, et c'est ainsi
qu'il nous amène à la sagesse, suivant cette maxime
d'un homme peu connu quoique très distingué, le
chevalier Temple, qui s'exprimoit ainsi : « Les pen-
«sées des hommes de génie nous rendent plus
<< savants, plus polis, plus agréables; mais il n'y a
« que les nôtres qui puissent nous rendre véritable-
«ment sages et heureux. »

* Desmarets et Pradon ne manquèrent pas de relever l'espèce d'inconvenance qu'il y avoit à faire un fou, un écervelé, un l'Angeli enfia, du héros auquel on compare si noblement Louis XIV, dans le vers 150

L. AIMÉ-MARTIN.

Qu'il soit tel que César, Alexandre ou Louis.

C'est, à la vérité, une petite inadvertance que Boileau auroit dâ corriger, mais que Louis XIV étoit trop grand pour apercevoir. — Charles XII, indigné, arracha, dit-on, ce feuillet des œuvres de Boileau. Qu'eût-il donc fait à la lecture du vers de Pope (ép. IV, vers 220), qui ne met aucune différence entre le fou de Macédoine et celui de

Suède?

From Macedonia's madman to the Swede.-B.

** Juvenal, dans son admirable satire X, vers 169, s'écrie, à propos du conquérant macédonien: « Il sue, il étouffe, le malheureux! le monde est trop étroit pour lui. »

Estuat infelix, angusto in limine mundi.

Vers bien autrement énergique que celui de Boileau, qui trouve, en général, un adversaire plus redoutable dans Juvénal que dans Horace, sous le rapport de la verve et de l'expression poétique.

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Vous avouez donc que vous aviez tort de me je lui aurois pardonné dans un autre temps. blâmer si aigrement?

DESPRÉAUX.

Je voulois avoir de l'esprit; je voulois dire quelque chose qui surprît les hommes; de plus je voulois flatter un autre prince qui me protégeoit avec toutes ces intentions, vous voyez bien que je ne pouvois pas être sincère.

ALEXANDRE.

Vous l'êtes du moins pour reconnoître vos fautes, et cette espèce de sincérité est bien la plus rare; mais poussez-la jusqu'au bout. Avouez que vous n'aviez peut-être pas bien senti ce que je valois, quand vous écriviez contre moi?

DESPRÉAUX.

Vous autres particuliers, mon cher Despréaux, qui n'avez nul droit sur la vie des hommes, combien de fois vous arrive-t-il de desirer secrètement leur mort, ou de vous en réjouir lorsqu'elle est arrivée ? et vous seriez surpris qu'un prince qui peut tout avec impunité, et que la prospérité a enivré, se soit sacrifié dans sa colère un sujet insolent et ingrat!

DESPRÉAUX.

Il est vrai : nous jugeons très mal des actions d'autrui; nous ne nous mettons jamais à la place de ceux que nous blâmons. Si nous étions capables d'une réflexion sérieuse sur nous-mêmes et sur la foiblesse de l'esprit humain, nous excuserions plus de fautes; et contents de trouver quelques vertus dans les meilleurs hommes,

leurs vices.

Cela peut être. Je suis né avec quelque jus-nous saurions les estimer et les admirer malgré tesse dans l'esprit ; mais les esprits justes qui ne sont point élevés sont quelquefois faux sur les choses de sentiment et dont il faut juger par le

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DIALOGUE II.

FENELON ET BOSSUET.

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Je méritois que vous eussiez quelque bonté pour moi. Vous savez que j'ai toujours respecté votre génie et votre éloquence.

qui alloit abattre de sa hache la tête du héros macédonien. Cette action lui gagna l'amitié d'Alexandre.

exploits et à rabaisser ceux de Philippe son père; Clitus osa relever les actions de Philippe aux dépens de celles d'Alexandre :

Dans un accès d'ivresse, ce roi se plaisoit un jour à exalter ses

Tu as vaincu, lui dit-il, mais c'est avec les soldats de ton père. Il alla même jusqu'à lui reprocher la mort de Philotas et de Parménion; Alexandre, échauffé par le vin et la colère, suivit un premier mouvement, et le perça d'un javelot, en lui disant: Va donc rejoindre Philippe, Parménion et Philotas. Revenu à la raison, à la vue de son ami baigné de sang, honteux et désespéré il voulut se donner la mort, mais les philosophes Callisthènes et Anaxarque l'en empêchèrent. B.

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