Que les parents sont malheureux, qu'il faille Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense. Un jour un coq détourna 2 1 Ayant tout dit. « Heureusement il ne lui restait plus rien à dire, sans quoi l'enfant était perdu. » (Guillon.) 2 Détourna, c'est-à-dire trouva en grattant la terre. Au beau premier lapidaire 1. Mais le moindre grain de mil 2 D'un manuscrit qu'il porta Je crois, dit-il, qu'il est bon; Serait bien mieux mon affaire. XX Les Frelons et les Mouches à miel. A l'œuvre on connaît l'artisan. Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent: Des frelons les réclamèrent. Des abeilles s'opposant, Devant certaine guêpe on traduisit la cause. Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons La guêpe, ne sachant que dire à ces raisons, Le point n'en put être éclairci. De grâce, à quoi bon tout ceci? 1 Lapidaire, ouvrier qui taille les pierres fines. 2 Mil, petite graine d'une piante du même nom. 3 Ducaton, monnaie de Hollande et de Venise, valant cinq à six francs. 4 Entendit une fourmilière. Satire indirecte des enquêtes sans fin et sans résultat. Dit une abeille fort prudente. Depuis tantôt six mois que l'affaire est pendante, Il est temps désormais que le juge se hâte : Sans tant de contredits 2 et d'interlocutoires, On verra qui sait faire, avec un suc si doux, Le refus des frelons fit voir Que cet art passait leur savoir. Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties. Plût à Dieu qu'on réglát ainsi tous les procès : Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge, On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge, 1 N'a-t-il pas assez léché l'ours, c'est-à-dire fait durer le procès. Allusion à ce passage de Rabelais : Un procès à sa naissance première me semble informe et imparfait comme un ours naissant, etc. 2 Sans tant de contredits, etc., termes de procédure. 3 V. ci-après, liv. IX, fable 6. : Le chêne un jour dit au roseau 1 Vous oblige à baisser la tête 2; Cependant que 3 mon front, au Caucase pareil, Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr. Vous n'auriez pas tant à souffrir; 1 Exposition nette et vive. 2 Chaque mot du chêne fait sentir au roseau sa faiblesse. 3 Cependant que pour tandis que est du style de la poésie élevée. Haute montagne d'Asie. Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste 1. Votre compassion, lui répondit l'arbuste, Part d'un bon naturel; mais quittez ce souci : Les vents me sont moins qu'à vous redoutables; Je plie et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Résisté 2 sans courber le dos; Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots, Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs 3. L'arbre lient bon, le roseau plie. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine", 1 Tout ce petit discours est plein d'une pitié insultante pour le fond, et de la plus riche poésie pour la forme. 2 Résister contre leurs coups est peut-être peu conforme à la grammaire; mais cela est plus énergique que ré sister à... 3 « La Fontaine décrit l'orage avec la pompe de style que le chêne a employée en parlant de lui-même. » (Champfort.) 4 Voisine au ciel, latinisme, pour : voisine du ciel. 5 Image grandiose imitée de Virgile. (Georg. 11, 292.) FIN DU LIVRE PREMIER |