Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors]

qu'elle a corrompu l'Eloquence, ou
du moins amolli le ftyle de la plû-
des Predicateurs; au lieu de s'u-
part
nir feulement avec les peuples pour
benir le Ciel de fi rares prefens qui
en font venus, ils ont entré en focie-
té avec les Auteurs & les Poetes, &
devenus comme eux Panegyriftes, ils
ont encheri fur les Epiftres Dedica-
toires, fur les Stances & fur les Pro-
logues; ils ont changé la parole fain-
te en un tiffu de loüanges, juftes à la
verité, mais mal placées, intereffées
que perfonne n'exige d'eux, & qui ne
conviennent point à leur caractere;
on eft heureux,fi à l'occafion du He-
ros qu'ils celebrent jufques dans le
Sanctuaire, ils difent un mot de Dieu
& du mistere qu'ils devroient precher:
il s'en eft trouvé quelques-uns qui
ayant affujetti le faint Evangile qui
doit eftre commun à tous, à la pre-
fence d'un feul Auditeur, fe font vûs
déconcertez par des hazards qui le re-
tenoient ailleurs; n'ont pû pronon-
cer devant des Chrétiens, un discours
chrétien qui n'eftoit pas fait pour
eux; & ont efté fuppléez par d'au-
tres Orateurs, qui n'ont eu le temps

que de louer Dieu dans un Sermon précipité.

Theodule a moins réüffi que quelques-uns de fes Auditeurs ne l'apprehendoient, ils font contens de luy & de fon difcours, & il a mieux fait à leur gré, que de charmer l'efprit & les oreilles, qui eft de flatter leur jaloufie.

Le métier de la parole reffemble en une chose à celuy de la guerre, il y a plus de rifque qu'ailleurs, mais la fortune y eft plus rapide.

Si vous etes d'une certaine qualité,& que vous ne vous fentiez point d'autre talent que celuy de faire de froids difcours, prêchez : il n'y a rien de pire pour fa fortune, que d'eftre entierement ignoré. Theodar a efté payé de fes mauvaises phrases & de fon ennuyeufe monotomie.

L'on a eu de grands Evêchez par qui prefentement ne vaudroit pas à fon homme une fimple prebende.

un merite de chaire ,

Le nom de ce Panegyrifte femble gemir fous le poids des titres dont il eft accablé, leur grand nombre remplit de vaites affiches qui font diftri

[ocr errors]

buées dans les maifons; ou que l'on lit par les rues en caracteres monftreux, & qu'on ne peut non plus ignorer que la place publique ; quand fur une fi belle montre l'on a feulement effayé du perfonnage, & qu'on la un peu écouté, l'on reconnoift qu'il manque au dénombrement de fes qualitez, celle de mauvais Predi

cateur.

[ocr errors]

¶ Devroit-il fuffire d'avoir été grand & puiffant dans le monde pour eftre louable ou non, & devant le faint Autel, & dans la chaire de la verité loüé & celebré à fes funerailles n'y a-t-il point d'autre gran deur que celle qui vient de l'autorité & de la naiffance pourquoy n'eft-il pas établi de faire publiquement le panegyrique d'un homme qui a excellé pendant fa vie dans la bonté, dans l'équité, dans la douceur, dans la fidelité, dans la pieté ce qu'on appelle une oraison funebre n'eft aujourd'huy bien receue du plus grand nombre des auditeurs, qu'à mefure qu'elle s'éloigne davantage du dif cours chrétien; ou, fi vous l'aimez mieux ainfi, qu'elle approche de plus

prés d'un éloge profane.

L'Orateur cherche par fes difconrs un Evêché; l'Apôtre fait des converfions, il merite de trouver ce que l'autre cherche.

L'on voit des Clercs revenir de quelques Provinces; où ils n'ont pas fait un long fejour; vains des converfions qu'ils ont trouvées toutes faites, comme de celles qu'ils n'ont pû faire, fe comparer déja aux VINCENS & aux XAVIERS, & fe crore des hommes Apoftoliques de fi grands travaux & de fi heureufes miffions ne feroient pas à leur gré payées d'une Abbaye.

Un Clerc mondain ou irreligieux, s'il monte en chaire, est declamateur.

Il y a au contraire des hommes faints, & dont le feul caractere est efficace pour la perfuafion: ils paroiffent, & tout un peuple qui doit les écouter eft déja emû & comme perfuadé par leur prefence : le dif cours qu'ils vont prononcer, fera la refte.

L'. de ME Aux & le P. BouRDALOUE me rappellent DEMOSTHENES & A a iij

CICERON, Tous deux maîtres dans l'Eloquence de la Chaire, ont eu le deftin des grands modeles : l'un a fait de mauvais cenfeurs, l'autre de mauvais copistes.

L'on a enfin banni la scolastique de toutes les Chaires des grandes Villes, & on la releguée dans les Bourgs & dans les Villages pour l'inftruction & pour le falut du Laboureur ou du Vigneron.

L'Eloquence de la Chaire, en ce qui y entre d'humain & du talent de l'Orateur, eft cachée, connue de peu de perfonnes & d'une difficile execution; quel art en ce genre pour plaire en perfuadant! il faut marcher par des chemins battus, dire ce qui a été dit, & ce que l'on prévoit que vous. allez dire; les matieres font grandes mais ufées & triviales; les principes feurs, mais dont les Auditeurs_penetrent les conclufions d'une feule veuë, il y entre des fujets qui font fublimes, mais qui peut traiter le fublime; Il y a des myfteres que l'on doit expliquer, & qui s'expliquent mieux par une leçon de l'Ecole que par un difcours oratoire : la Morale

« PreviousContinue »