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A médecine est une véritable Phyfique remplie, comme la Phyfique conjectural. elle-même, d'opinions purement conjecturales. Platon & Galien ont nommé la médecine [4] un art de conjectures. Hippocrate [b] commence fes aphorif. mes par ces belles paroles: La vie eft courte, l'art eft long, l'occafion rapide, l'expérience dangereufe, le juge-ment difficile.

2.

inconfidé

mcs.

Comment croirons-nous les médecins d'accord avec la nature; s'ils ne peuvent s'accorder entr'eux, s'ils n'ont ni principes, ni conféquences, qui ne foient des fujets de difputes & de contradictions?

L'art de touts le plus important a Confiance feul ce privilége [c] d'attirer la conrée des hom-fiance à quiconque en prend le titre. Il fuffit de fe dire médecin pour avoir droit & jurifdiction fur la vie des hommes; car, quoique la fageffe du gouvernement prenne des mefures pour arrêter les fuites dangereufes d'une confiance fi inconsidérée, le particulier n'en eft guéres moins difpofé à fe livrer au prémier charlatan, qui fe vante d'avoir quelque reméde. La foibleffe & l'impatience de guérir, font les caufes de cette exceffive crédulité.

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il y a plus de danger aux remédes [d], qu'aux maux mêmes. Pétrarque [e] dit que non-feulement il n'y a rien à efpérer,mais qu'il y a beaucoup à crain dre des médecins. J'ai plufieurs amis parmi eux, ajoute-t-il, ils font remplis de probité & de fçavoir. Ils n'ignorent rien,excepté l'art de guérir les hommes. Cette opinion de Pétrarque eft outrée; le Pyrrhonifme raisonnable fur la médecine peut tout au plus aller, jufqu'à dire que s'il y beaucoup à efpérer des médecins, il y a encore plus à craindre d'eux. Et l'on doit diftinguer ce qui regarde l'art en général, de ce qui regarde la prudence particuliére du médecin: puifque ceux qui ont le moins de confiance en la médecine, ne peuvent difconvenir avec justice, qu'il n'y ait de grands avantages à espérer de la prudence du médecin.

Pour le fuccès des remédes, il faut que deux chofes concourent, qui font prefque également difficiles & hazardeufes. La prémiére de rencontrer précifément l'opération &, pour ainfi dire, le deffein de la nature; la feconde de trouver le véritable moïen de coopérer & d'aider à la nature. Pour peu qu'ily ait d'erreur du médecin en l'un ou l'autre de ces objets, quelle furchage de maux & de dangers en recevra le malade, dont la santé troublée & affoiblie, fi elle ne peut être fecourüe, a au moins` befoin de repos!

Il arrive donc le plus fouvent, qu'au lieu de foulager la nature, le médecin ne pouvant conjecturer affez jufte, dans

afferat Plin. lib. 21. c 31.

[e] De medicis non modò nihil fperandum, fed valde & metuendum ..... bonos & noftri amantiflimos multos novi, & facundos, multarum artium doctos, fed folius indociles medicinæ, Petrarch. lib. 5. epift. 4.

La théorie

Jaments fort inceraine.

quel genre de combat elle eft engagée, augmente les forces de fon ennemi. Le péril n'eft pas grand pour le médecin, qui eft bien païé en tout événement [f], tandis que le miférable malade donne par fa mort un fujet de chanter aux prêtres & aux moines.

Tout homme apporte en fa naiffance le levain de toutes fes maladies, & par conféquent le principe fondamental de fa deftruction. Voilà ce que le médecin devroit prémiérement connoître, pour détourner, ou au moins pour fufpendre & éloigner l'effet de la malignité de cette caufe. Orileft très rare que les médecins aïent fait une étude fuivie des tempéraments des malades, au fecours defquels ils font appellés : & il eft même fort vraisemblable que l'étude la plus fuivie du tempérament n'en donneroit au médecin qu'une connoiffance très imparfaite.

Car fi l'on examine les écrits des audes termé teurs les plus célébres, il paroit bien que les médecins ne voient pas clair dans toute cette théorie des temperaments. Parménide [g] & plufieurs autres ont été d'avis que le tempérament des femmes eft plus chaud que celui des hommes; Empedocle a enfeigné le contraire; Macrobe a foutenu [b] le pour & le contre.

[f] Clinicus ipfe autem, qui nunc phyficus quoque fertur,

Dum lotium infelix fpectans, inde omnia carpit,

Dum tentat pulfum venæ, dum ftercora verfat,

Fallitur, & fallit. Sed non difcriminis æqua

Conditio, ille miser moritur, caufamque canendi

Linigeris calvis præbet, caldifque cucullis.

Hic alius contra, fceleris mercede receptâ,

Afclepiade a avancé [i] que les Ethiopiens font vieux à trente ans, & qu'en Angleterre la vie fe prolonge jufqu'à fix-vingts ans; & il a donné pour raifon que le climat brûlant de l'Ethiopie diffout les corps des habitants. Ariftote contraire dans le fait & dans le raifonnement, dit que dans les païs chauds, les hommes vivent plus long-temps, parceque la féche. reffe du climat eft propre à entretenir la chaleur, & cette espéce d'humidité radicale qui conserve la vie.

Galien [k] avance que le tempérament eft plus chaud dans les païs chauds; l'opinion d'Ariftote [] eft que le tempérament eft plus chaud dans les païs froids.

Galien [m] établit huit tempéraments principaux, qui déclinent touts à quelque égard de celui qui eft fuppofé fi parfait, qu'il s'y rencontre un égal degré de chaleur, de froid, d'humidité, & de féchereffe, fans qu'aucune de ces qualités prédomine fur l'autre. Un tel tempérament ne fe trouve peut-être jamais, & il n'eft fuppofé que comme un modéle. Les quatre prémiers tempéraments font ceux où l'une des quatre qualités indiquées l'emporte fur les autres, en forte que chacun eft nommé, ou chaud, où froid, ou fec, ou Cccc 2

Caufatur fuperos, & fatis impu tat ipfis;

Si quis obit, lætufque implet mul

to ære crumenam.

Marcell, Paling, zodiac. lib. 5.

[g] Ariftot. de partib. animal. lib. 2, Joann. Franc. Pic. Mirandul. de exam. vanit. dodr. gent. lib. 1. c. 13.

[b] Macrob. Saturnal. lib. 7. c. 7. [i] Arift. probl. S. 14. Joann. Franc Pic, Mirandul. de exam, vanit, doftr.gent. lib. 1. c. 16..

[k] Galen, de caufis pulfuum, lib. 3.
[1] Ariftot. problem. 15. §. 14.
[m] Galen. de temperam.

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2.

inconfidé

mes.

Comment croirons-nous les médecins d'accord avec la nature; s'ils ne peuvent s'accorder entr'eux, s'ils n'ont ni principes, ni conféquences, qui ne foient des fujets de difputes & de contradictions?

L'art de touts le plus important a Confiance feul ce privilége [c] d'attirer la conrée des hom-fiance à quiconque en prend le titre. Il fuffit de fe dire médecin pour avoir droit & jurifdiction fur la vie des hommes; car, quoique la fageffe du gouvernement prenne des mefures pour arrêter les fuites dangereufes d'une confiance fi inconfidérée, le particulier n'en eft guéres moins difpofé à fe livrer au prémier charlatan, qui fe vante d'avoir quelque reméde. La foi bleffe & l'impatience de guérir, font les caufes de cette excelfive crédulité.

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il y a plus de danger aux remédes [d], qu'aux maux mêmes. Pétrarque [e] dit que non-feulement il n'y a rien à efpérer,mais qu'il y a beaucoup à crain dre des médecins. J'ai plufieurs amis parmi eux, ajoute-t-il, ils font remplis de probité & de fçavoir. Ils n'ignorent rien,excepté l'art de guérir les hommes. Cette opinion de Pétrarque eft outrée; le Pyrrhonifme raisonnable fur la médecine peut tout au plus aller, jusqu'à dire que s'il y beaucoup à espérer des médecins, il y a encore plus à craindre d'eux. Et l'on doit diftinguer ce qui regarde l'art en général, de ce qui regarde la prudence particulière du médecin: puifque ceux qui ont le moins de confiance en la médecine, ne peuvent difconvenir avec justice, qu'il n'y ait de grands avantages à espérer de la prudence du médecin.

Pour le fuccès des remédes, il faut que deux chofes concourent, qui font prefque également difficiles & hazardeufes.La prémiére de rencontrer précilément l'opération &, pour ainfi dire, le deffein de la nature; la feconde de trouver le véritable moien de coopérer & d'aider à la nature. Pour peu qu'ily ait d'erreur du médecin en l'un ou l'autre de ces objets, quelle furchage de maux & de dangers en recevra le malade, dont la fanté troublée & affoiblie, fi elle ne peut être fecourüe, a au moins befoin de repos!

Il arrive donc le plus fouvent, qu'au lieu de foulager la nature, le médecin ne pouvant conjecturer assez juste, dans

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La théorie

alae.

quel genre de combat elle eft engagée, augmente les forces de fon ennemi. Le péril n'eft pas grand pour le médecin, qui eft bien païé en tout événement [f], tandis que le miférable malade donne par fa mort un fujet de chanter aux prêtres & aux moines.

Tout homme apporte en fa naiffance le levain de toutes fes maladies, & par conféquent le principe fondamental de fa deftruction. Voilà ce que le médecin devroit prémiérement connoître, pour détourner, ou au moins pour fufpendre & éloigner l'effet de la malignité de cette caufe. Oril eft très rare que les médecins aïent fait une étude fuivie des tempéraments des malades, au fecours defquels ils font appellés : & il eft même fort vraisemblable que l'étude la plus fuivie du tempérament n'en donneroit au médecin qu'une connoiffance très imparfaite.

Car fi l'on examine les écrits des aues tempé- teurs les plus célébres, il parôit bien aments que les médecins ne voient pas clair ort incer- dans toute cette théorie des temperaments. Parmenide [g] & plufieurs autres ont été d'avis que le tempérament des femmes eft plus chaud que celui des hommes; Empedocle a enfeigné le contraire; Macrobe a foutenu [b] le pour & le contre.

[f] Clinicus ipfe autem, qui nunc phyficus quoque fertur,

Dum lotium infelix fpectans, inde omnia carpit,

Dum tentat pulfum venæ, dum ftercora verfat,

Fallitur, & fallit. Sed non difcriminis æqua

Conditio, ille mifer moritur, caufamque canendi

Linigeris calvis præbet, caldifque cucullis.

Hic alius contra, fceleris mercede receptâ,

Afclepiade a avancé [i] que les Ethiopiens font vieux à trente ans, & qu'en Angleterre la vie fe prolonge jufqu'à fix-vingts ans; & il a donné pour raifon que le climat brûlant de l'Ethiopie diffout les corps des habitants. Ariftote contraire dans le fait & dans le raifonnement, dit que dans les païs chauds, les hommes vivent plus long-temps, parceque la féche reffe du climat eft propre à entretenir la chaleur, & cette espèce d'humidité radicale qui conferve la vie.

Galien [k] avance que le tempérament eft plus chaud dans les païs chauds; l'opinion d'Ariftote [] eft que le tempérament eft plus chaud dans les païs froids.

Galien [m] établit huit tempéraments principaux, qui déclinent touts à quelque égard de celui qui eft suppofé fi parfait, qu'il s'y rencontre un égal degré de chaleur, de froid, d'humidité, & de féchereffe, fans qu'aucune de ces qualités prédomine fur l'autre. Un tel tempérament ne fe trouve peut-être jamais, & il n'eft fuppofé que comme un modéle. Les quatre prémiers tempéraments font ceux où l'une des quatre qualités indiquées l'emporte fur les autres, en forte que chacun eft nommé, ou chaud, ou froid, ou fec, ou Cccc 2

Caufatur fuperos, & fatis impu tat ipfis;

Si quis obit, lætufque implet mul

to ære crumenam.

Marcell, Paling, zodiac. lib. 5.

[g] Ariftot. de partib. animal. lib. z. Joann. Franc, Pic. Mirandul. de exam. vanit. dodr. gent. lib. 1. c. 13.

[b] Macrob. Saturnal. lib. 7. c. 7. [i] Arift. probl. §. 14. Joann. Franc、 Pic, Mirandul. de exam, vanit, doctr.gent. lib. 1. c. 16.

[k] Galen, de caufis pulfuum, lib. 3.
[1] Ariftot. problem. 15. §. 14.
[m] Galen. de temperam.

bumeurs en

qualités.

Trois fortes

turels, vi

Макх.

humide. Les quatre autres tempéraments résultent de la combinaison des quatre qualités primitives, qui produit un tempérament chaud, & fec, ou chaud & humide, ou froid & fec, ou froid & humide.

Galien reconnoît avec Hippocrate Divifion des trois principes du corps animé, les quatre efpé- parties folides, les humeurs, & les ef ces, & leurs prits: il divife les humeurs en quatre efpéces, le fang, la pituite, la bile, & la mélancholie. Il confidére le fang comme une humeur rouge, chaude, & humide; la pituite, comme une humeur blanche, froide, & humide; la bile comme une humeur jaune, chaude, & féche; la mélancholie, comme une humeur noire, froide, & féche. Il fait trois claffes des efprits, d'efprits na-naturels, vitaux, & animaux. Les prétaux & ani miers, felon lui, ne font autre chofe qu'une vapeur fubtile, qui s'élève du fang, & qui tire fon origine du foie. C'eft en eux que réfide la faculté naturelle, qui préfide à la nourriture, à l'accroiffement, & à la génération. Galien plaçoit cette faculté dans le foie. Les prémiers efprits après s'être portés dans le cœur, s'y fubtilifent en fe mêlant avec l'air que nous refpirons par les poulmons, & deviennent la matiére des feconds, c'eft à dire des efprits vitaux qui portent dans tout le corps par le canal des artéres la vie, la chaleur, & le mouvement. Galien mettoit le principe de la vie dans le cœur. Les efprits qui ont paffé par le cœur, acquiérent encore une plus grande délicateffe, en fe filtrant dans les fibres extrémément déliées du cerveau, où ils font convertis en efprits animaux, pour être les miniftres de la fenfation.

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Tout ce fyftéme eft fondé fur de

belles idées; il préfente à l'efprit un tableau de l'oeconomie animale, fuivant la méthode des Philofophes; mais la médecine a un autre objet que la phyfique. Celle-ci ne tend qu'à ren, dre raifon des phénoménes d'une maniére qui foit vraisemblable, & qui fatisfaffe l'efprit; celle-là a pour but d'opérer folidement, & de procurer aux hommes le plus réel de touts les biens naturels qui eft la fanté. Il paroît même affez difficile de foutenir ces divifions & tout cet arrangement de Galien, & de féparer, par exemple, l'accroiffement, la chaleur, & le mouvement, en les attribuant à des facultés différentes, & dans un ordre qui ne paroît pas naturel, puifqu'au contraire le mouvement doit précéder la chaleur, & que l'un & l'autre font les caufes de l'accroiffement.

Quintus [n] qui avoit été le plus grand médecin de fon temps, & qui fut le maître de Galien, difoit en raillant, que le chaud, le froid, le fec, & l'humide font des qualités dont la connoiffance appartient plûtôt aux baigneurs, qu'aux médecins; & qu'il faut laiffer l'examen de l'urine aux pein

tres & aux teinturiers.

Plufieurs anatomiftes ont traité de chimére tout ce que Galien a avancé des efprits naturels, vitaux, & animaux: on n'en a jamais trouvé aucune trace, & un grand nombre de philofophes n'y a pas plus de foi qu'aux lutins.

Les uns eftiment que le cours du fang vient, non de l'activité des ef- Différentes prits animaux, mais de l'impulfion r'origine de opinions fer de fyftole & de diaftole, ou de con- la circu traction & de dilatation du cœur; fang d'autres prétendent que le fang tire fon mouvement de l'effort que font

[n] Galen, de fanitate tuendâ, lib. 3. cap. 13.

tior du

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