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tenait autre chose que des remerciements de ma part, de la pension dont sa majesté me gratifiait avec la permission du roi mon maître, de celle qu'il accordait à ma niéce après ma mort, et de la croix et de la clef de chambellan.

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Le roi de Prusse avait daigné mettre au bas de ce petit feuillet, autant qu'il m'en souvient, «Je signe « de grand cœur le marché que j'avais envie de faire il y a plus de quinze ans. » Ce papier, absolument inutile à sa majesté, à moi, au public, sera certainement rendu dès qu'il sera retrouvé parmi mes autres papiers. Je ne peux ni ne veux en faire le moindre usage. Pour lever tout soupçon, je me déclare criminel de lèsemajesté envers le roi de France mon maître, et le roi de Prusse, si je ne rends le papier à l'instant qu'il sera entre mes mains.

Ma nièce, qui est auprès de moi dans ma maladie, s'engage, sous le même serment, à le rendre si elle le retrouve. En attendant que je puisse avoir communication de mes papiers à Paris, j'annule entièrement ledit écrit; je déclare ne prétendre rien de sa majesté le roi de Prusse, et je n'attends rien dans l'état cruel où je suis que la compassion que doit sa grandeur d'ame à un homme mourant, qui avait tout sacrifié et qui a tout perdu pour s'attacher à lui, qui l'a servi avec zéle, qui lui a été utile, qui n'a jamais manqué à sa personne, et qui comptait sur la bonté de son cœur.

Je suis obligé de dicter, ne pouvant écrire. Je signe avec le plus profond respect, la plus pure innocence, et la douleur la plus vive. VOLTAIRE.

LES J'AI VU,

ATTRIBUÉS FAUSSEMENT A M. DE VOLTAIRE,

ET QUI LE FIRENT METTRE A LA BASTILLE, SOUS LA RÉGENCE,
EN 1716.

Tristes et lugubres objets,

J'ai vu la Bastille et Vincennes,

Le Châtelet, Bicêtre, et mille prisons pleines
De braves citoyens, de fidèles sujets:

J'ai vu la liberté ravie,

De la droite raison la règle poursuivie:
J'ai vu le peuple gémissant

Sous un rigoureux esclavage:

J'ai vu le soldat rugissant

Crever de faim, de soif, de dépit, et de rage:
J'ai vu les sages contredits,

Leurs remontrances inutiles :

J ai vu des magistrats vexer toutes les villes
Par des impôts criants et d'injustes édits:
J'ai vu sous l'habit d'une femme'

Un démon nous donner la loi;

Elle sacrifia son Dieu, sa foi, son ame,
Pour séduire l'esprit d'un trop crédule roi :
J'ai vu dans ce temps redoutable

Le barbare ennemi de tout le genre humain
Exercer dans Paris, les armes à la main,
Une police épouvantable:

Madame de Maintenon.-' M. d'Argenson,

J'ai vu les traitants impunis:

J'ai vu les gens d'honneur persécutés, bannis:
J'ai vu même l'erreur en tous lieux triomphante,
La vérité trahie, et la foi chancelante :

J'ai vu le lieu saint avili:
J'ai vu Port-Royal démoli:

J'ai vu l'action la plus noire
Qui puisse jamais arriver;

L'eau de tout l'Océan ne pourrait la laver,
Et nos derniers neveux auront peine à la croire :
J'ai vu dans ce séjour, par la grace habité,
Des sacrileges, des profanes,

Remuer, tourmenter les mânes

Des corps marqués au sceau de l'immortalité.
Ce n'est pas tout encor; j'ai vu la prélature
Se vendre, ou devenir le prix de l'imposture :
J'ai vu les dignités en proie aux ignorants :
J'ai vu des gens de rien tenir les premiers rangs :
J'ai vu de saints prélats devenir la victime

Du feu divin qui les anime.

O temps! ô mœurs! j'ai vu dans ce siècle mandit Ce cardinal, l'ornement de la France,

Plus grand encor, plus saint qu'on ne le dit, Ressentir les effets d'une horrible vengeance: J'ai vu l'hypocrite honoré:

J'ai vu, c'est DIRE TOUT, LE JÉSUITE ADORÉ:
J'ai vu ces maux sous le règne funeste
D'un prince que jadis la colère céleste
Accorda, par vengeance, à nos desirs ardents:
J'ai vu ces maux, et je n'ai pas vingt ans.

FIN DES PIECES JUSTIFICATIVES
PUBLIÉES PAR LES ÉDITEURs de kehl.

SUPPLÉMENT

AUX

PIECES JUSTIFICATIVES.

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