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paroitre la Colomne de nuée; & la mort de Moyfe les priva de la Manne celefte. Ils ajoû tent que le puits d'eau vive, qu'ils avoient perdu, leur fut rendu à la prière d'Aaron & de Moyfe: que les mérites de Moyfe rappelérent la Colomn de nuée: mais que ces trois chofes, à favoir le puits, la Colomne, & la Manne, furent perdues pour jamais, lorsque Moyfe fut enlevé de la terre. Ce font là des contes fa

buleux, qui ne doivent leur naiflance qu'à l'a mour que les Juifs ont pour le merveilleux, & que le texte de Jofué réfute fuffifamment.

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Nous ne nous arrêterons pas à examiner quel étoit ce grain rôti, que les Ifraelites mangérent après la ceffation de la Manne. Il faut feule ment fe fouvenir, que quand on célébroit la Pâque, la moiffon des bleds n'étoit pas encore faite. Il n'y avoit même que quelques épis de froment qui fuffent mûrs, & qu'il falloit offrir à Dieu le feizième de Nifan, le lendemain *La Loi de la Pâque. Voici les propres termes de la Loi: lendemain Vous ne mangerez ni pain, ni grain rôti, ni grain du Sabat. en épi, ju qu'à ce propre jour-là que vous aurez Voi. Leapporté Poffrande à votre Dieu. Ce qui eft ajoû- XXIII. té, qu'ils mangérent du crû du païs, doit s'en 11. 14. tendre de ces premiers grains, qu'on mangeoit le mot avant la moiffon, des autres fruits de la terre de Sabat de Canaan. C'eft affez fur les chofes qui pré- endroit dans cet cedérent la prife de Jérico. Nous nous hâtons fignifie de raporter ce mémorable évenement.

La ville de Jérico, que " Jofephe appelle quelquefois Oza, Ptolomée Jerichus, étoit

39

fituée

MIUS, qui s'eft peut-être trompé, Theatrum terra fanc-
d tit. Benjamin pag. 9, col. 1.

38. CLAUD PTOLOM. Geogr. pag. 162,
39. JOSEPH de Bello Judaïco lib. IV. cap. 9. pag. 1194.
Tom. III.

D

vit.

une Fête

Deuter.

fituée dans une grande vallée vis-à-vis des camXXXIV. pagnes de la Moabitide, d'où les Ifraëlites é3. Jug. toient partis lors-qu'ils pafferent le Jourdain. 1. 16. Elle étoit feparée de ces campagnes par ce fleuve, dont elle n'étoit éloignée que de foixante ftades. 4° Une chaine de montagnes formoit comme un mur autour d'elle, au milieu d'une vallée fpacieufe de deux mille arpens de terre, & fameufe par une forêt fertile en palmes & en baume: Jofephe l'appelle un païs divin.

Jofué examinoit cette ville, lorsqu'il eût l'apparition d'un Perfonnage extraordinaire, qu'il prit d'abord pour un homme, & qu'il adora bientôt comme un Dieu. Il étoit debout devant Jofué, & il tenoit dans la main une épée nue. Jofué l'aborda avec intrepidité, & Jofué. V. lui fit cette queftion: Etes vous des nôtres, ou fi vous étes de nos ennemis? Ce Personnage répondit: Je fuis le Chef de l'Armée de l'Eternel. Jofué fe profterna en terre; il l'adora, il lui demanda fes ordres, & il en reçut cette reponfe: ôte tes fouliers, parce que le lieu où tu es, eft une terre fainte.

13.

La briéveté de cette narration en fait l'obfcurité. Nous ne compterons pas les fuffrages; nous tacherons de les pefer. Qui étoit celui qui apparut à Jofué? Deux opinions générales partagent les Interprétes fur ce fujet : dans l'u

ne

40. JUSTIN lib. XXXVI. cap. 3. pag. 417. eft namque vallis, que continuis montibus velut muro quodam adinftar caftrorum clauditur.

41. JOSEPH. de Bello Judaico. lib. IV. cap. 9. pag. 1194. 42. SALOM. JARCHI in Jof. VI. 14. pag. 15. 43. Talmud tit. Erubin fol. 63. Megilla fol. 3. Sanhedrin fol. 44.

44. Ubi fupra.

ne & dans l'autre nous trouvons des Juifs & des Chrêtiens.

Exod.

XXXIII.

I. II y a des 42 Juifs & des 43 Chrétiens, qui ont crû que ce Perfonnage, qui paroiffoit en. forme d'homme, étoit un Ange créé. 44 Salomon Jarchi, & un grand nombre de Docteurs de fa nation, difent que c'étoit celui que Dieu fit marcher à la tête des Armées des Ifraëlites, après qu'ils fe furent rendus indignes par l'idolatrie du Veau d'or, qu'il les conduifît lui-même: cet Ange que Moyfe avoit rejetté, felon ce qu'il difoit lui-même à Dieu: Si ta face ne vient avec nous, ne nous fais point monter d'ici 15. Ils croyent que cet Ange eft Michael, qui eft Daniel appellé dans les Révélations du Prophéte Da- x. 13. niel le Chef du Peuple de Dieu. 45 11s préten- XII. 1. dent même que chaque nation a un Ange qui Holée veille fur elle: & c'eft par cette fuppofition qu'ils expliquent plufieurs paffages de l'Ecriture. Cette opinion touchant les Anges commis fur les nations a été reçûe de quelques Philofophes Payens. Je renvoie le Lecteur à un 46 paffage remarquable. Elle a été fuivie auffi par quelques Docteurs de l'Eglife Chrêtienne, & je cite là-deffus deux endroits finguliers 17 d'Eufébe

Plufieurs Chrêtiens, fans adopter ces idées, ont crû que celui, dont il eft parlé dans le paffage dont nous cherchons l'explication, étoit une fimple Créature. 48 Henri de Valois ra

45. Idem ibid.

por

46. JAMBLICHUS de myfteriis Egyptiorum fect. 5. cap. 25. pag. 140.

47. EUSEB, Demonftrat. lib. IV. cap. 8. pag. 157. cap. to. pag. 161.

48. HENRIC. VALESTUS in lib. I. cap. 2. hifter. Ecclef. pag. 6. col. 2.

Da

X.

XII. 5+

porte la glofe d'un vieux Scholiafte fur un pas fage d'Eufebe. Ce Pére avoit affirmé que l'Ange dont nous parlons étoit le Fils de Dieu; le Scholiafte fait cette objection: L'Eglife eft d'un fentiment oppofe. Elle croit que celui qui parloit à Moyfe étoit Dieu lui-même, & que celui qui parloit à Fofué étoit un Efprit prépofé fur la Nation Juive, à favoir l'Archange Michael. 49 Plufieurs Interprétes modernes ont la même pensée. C'est en particulier celle de so Mr. le Clerc.

Mais un grand nombre d'autres Interprétes foutiennent que ce fut Dieu lui-même qui apparut à Jofué. Mafius & s2 Mr. Alix après lui croyent que c'eft l'opinion conftante de l'Eglife Judaïque. Peut-être trouvera t on plus d'érudition que de Logique dans les autoritez, qu'ils alléguent pour juftifier l'idée qu'ils donnent de la Foi des Juifs fur cette matiére. Mais voici fur quoi les Chrêtiens ont appuyé le fentiment que ces deux Docteurs croyent avoir vû dans les Ecrits des Juifs.

Voi. le I. Ce titre de Chef des Armées de l'Eternel conPleaume vient parfaitement à Dieu lui-même, qui nous eft représenté en divers endroits fous cette i

LXXX.

mage.

2. L'Ange, qui parle à Jofué tient le langage de celui qui parloit à Moyfe dans le buiffon, & paroit être le même. Nous avons prouvé ailleurs que celui qui parloit à Moyfe s'attribuoit les proprietez Divines.

Apocal. 3. Quand on examine ce qu'un Ange dit à XXII. 9. St. Jean qui vouloit fe profterner devant lui,

&

49. Voi. SUAREZ de Angelis lib. 6. c. 19. num. 22, CORNEL. A LAPIDE in Jofuam V. 14. pag. 26.

50. CLERICUs in Jofuam V. 14. pag. z.

& l'adorer, on ne peut s'empêcher de voir, que le but du St. Efprit en racontant cette réponse étoit de prévenir le Culte religieux, que les hommes pouvoient être tentez de rendre aux Anges. Il femble qu'une même raison auroit porté le St. Efprit à ne pas dire fans restriction dans l'Hiftoire de Jofué, que ce St. Homme se profterna devant l'Ange, & qu'il Padora, si cet Ange avoit été une fimple Créature.

4. L'hommage, que cet Ange demande à Jofué, eft un des plus profonds & des plus affectez au Dieu Souverain: Dechauffe les fouliers de tes pieds, car le lieu où tu es eft une terre fain

te.

tre que

5. On ajoûte à ces réflexions, que ces paroles, je fuis le Chef de l'Armée de l'Eternel, & je * Jofué fuis venu maintenant, marquent que Dieu alloit XXIV. 11. affifter fon peuple d'une façon toute extraordi- Peut-ênaire, & que les murs de Jérico alloient crou- ce qui eft ler par un miracle: or il paroit par l'Hiftoire dit dans de la prife de cette place, que ce fut Dieu qui cet endirigea Jofué dans tout ce qu'il fit pour la con- ne marquête de Jérico.

droit-là

que pas

ayent

Nous ne nous engagerons pas plus avant que les dans cette controverfe, au fujet de laquelle on Ifraëlites ne doit faire un crime à perfonne de fe ranger trouvé à un parti plûtôt qu'à un autre. Nous nous de touhâtons de raconter la prise de Jérico.

tes ces

nations

Un grand concours de nations s'y étoit ren- dans Jédu, probablement pour la défendre contre les rico, attaques des Ifraëlites: du moins * Jofué fem- mais ble infinuer, que tous les peuples voifins de qu'ils

les comcette hattirent

après a prife de

51. MASIUS in Jof. V. 14. pag. 1540,
52. Mr. ALIX pag. 234. fur la Foi de l'Eglife Judaï- cette

place.

gue.

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