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La noblesse est la préférence de l'honneur à l'intérêt; la bassesse, la préférence de l'intérêt à l'honneur.

L'intérêt est la fin de l'amour-propre 1; la générosité en est le sacrifice.

La méchanceté suppose un goût à faire du mal; la malignité, une méchanceté cachée; la noirceur, une méchanceté profonde.

L'insensibilité à la vue des misères peut s'appe

On ne trouve pas seulement plusieurs sortes de courages, mais dans le même courage bien des inégalités. Brutus, qui eut la hardiesse d'at-ler dureté; s'il y entre du plaisir, c'est cruauté. taquer la fortune de César, n'eut pas la force La sincérité me paroît l'expression de la vérité; de suivre la sienne : il avoit formé le dessein de la franchise, une sincérité sans voiles 1; la candétruire la tyrannie avec les ressources de son deur, une sincérité douce; l'ingénuité, une sinseul courage, et il eut la foiblesse de l'aban- cérité innocente; l'innocence, une pureté sans donner avec toutes les forces du peuple romain, tache. faute de cette égalité de force et de sentiment qui surmonte les obstacles et la lenteur des succès.

Je voudrois pouvoir parcourir ainsi en détail toutes les qualités humaines: un travail si long ne peut maintenant m'arrêter. Je terminerai cet écrit par de courtes définitions.

Observons néanmoins encore que la petitesse est la source d'un nombre incroyable de vices: de l'inconstance, la légèreté, la vanité, l'envie, l'avarice, la bassesse, etc.; elle rétrécit notre esprit autant que la grandeur d'ame l'élargit; mais elle est malheureusement inséparable de l'humanité, et il n'y a point d'ame si forte qui en soit tout-à-fait exempte. Je suis mon dessein. La probité est un attachement à toutes les vertus civiles 1.

La droiture est une habitude des sentiers de la vertu.

L'équité peut se définir par l'amour de l'égalité ; l'intégrité paroît une équité sans tache, et la justice une équité pratique.

sa jeunesse, et celui d'Auguste quand les Romains furent entièrement asservis. F.

Je n'admets point cette définition; j'aimerois mieux, un attachement à tout ce qui est juste. Duclos a dit : Ne fais pas autrui ce que tu ne voudrois pas qu'on te fit; c'est la probité. Fais à autrui ce que tu voudrois qu'on te fit; c'est la vertu. M. de Vauvenargues a voulu dire sans doute un attachement à tous les devoirs civils. S.

2 Cette définition n'est pas exacte; l'équité est l'unicuique suum; à chacun ce qui lui appartient. M. — Vauvenargues m'entend pas ici l'égalité absolue, mais l'égalité relative. Dans une faillite où tous les créanciers doivent perdre, le juge ne peut faire rendre à chacun d'eux ce qui lui appartient. L'é- | quité est alors d'établir entre eux une égalité relative à leurs droits, c'est-à-dire de leur faire supporter à chacun une perte calculée sur la proportion de leurs droits respectifs. S.

L'imposture est le masque de la vérité; la fausseté, une imposture naturelle; la dissimulation, une imposture réfléchie; la fourberie, une imposture qui veut nuire; la duplicité, une imposture qui a deux faces.

La libéralité est une branche de la générosité; la bonté, un goût à faire du bien et à pardonner le mal; la clémence, une bonté envers nos ennemis.

La simplicité nous présente l'image de la vérité et de la liberté.

L'affectation est le dehors de la contrainte et du mensonge la fidélité n'est qu'un respect pour nos engagements; l'infidélité, une dérogeance; la perfidie, une infidélité couverte et criminelle.

La bonne foi est une fidélité sans défiance et sans artifice.

La force d'esprit est le triomphe de la réflexion; c'est un instinct supérieur aux passions, qui les calme ou qui les possède 3; on ne peut pas savoir d'un homme qui n'a pas les passions ardentes, s'il a de la force d'esprit ; il n'a jamais été dans des épreuves assez difficiles.

La modération est l'état d'une ame qui se possède; elle naît d'une espèce de médiocrité dans les desirs, et de satisfaction dans les pensées, qui dispose aux vertus civiles.

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inaltérable' et sans délicatesse, qui mène quel- | l'un et l'autre termes dans la vertu, parce que quefois à de grands vices.

sa bonté nous plaît, et que sa beauté nous sert. Mais d'une médecine qui blesse nos sens, et de toute autre chose qui nous est utile, mais désa

La tempérance n'est qu'une modération dans les plaisirs, et l'intempérance au contraire. L'humeur est une inégalité qui dispose à l'im-gréable, nous ne disons pas qu'elle est belle, patience; la complaisance est une volonté flexible; la douceur, un fonds de complaisance et de bonté ;

La brutalité, une disposition à la colère et à la grossièreté ; l'irrésolution, une timidité à entreprendre; l'incertitude, une irrésolution à croire; la perplexité, une irrésolution inquiète; La prudence, une prévoyance raisonnable; l'imprudence, tout au contraire".

L'activité naît d'une force inquiète; la paresse, d'une impuissance paisible.

La mollesse est une paresse voluptueuse. L'austérité est une haine des plaisirs, et la sévérité, des vices.

La solidité est une consistance et une égalité d'esprit la légèreté, un défaut d'assiette et d'uniformité de passions ou d'idées.

La constance est une fermeté raisonnable dans nos sentiments; l'opiniâtreté, une fermeté déraisonnable; la pudeur, un sentiment de la difformité du vice et du mépris qui le suit 3.

La sagesse est la connoissance et l'affection du vrai bien ; l'humilité, un sentiment de notre bassesse devant Dieu; la charité, un zèle de religion pour le prochain; la grâce, une impul

sion surnaturelle vers le bien.

XLVI.

Du bon et du beau.

Le terme de bon emporte quelque degré naturel de perfection; celui de beau, quelque degré d'éclat ou d'agrément. Nous trouvons

elle n'est que bonne; de même à l'égard des choses qui sont belles sans être utiles.

M. Crouzas dit que le beau naît de la variété réductible à l'unité, c'est-à-dire d'un composé qui ne fait pourtant qu'un seul tout et qu'on peut saisir d'une vue ; c'est là, selon lui, ce qui excite l'idée du beau dans l'esprit.

RÉFLEXIONS

SUR DIVERS SUJETS.

I.

Sur le Pyrrhonisme ".

Qui doute a une idée de la certitude, et par conséquent reconnoît quelque marque de la vérité. Mais parceque les premiers principes ne peuvent se démontrer, on s'en défie; on ne fait pas attention que la démonstration n'est qu'un raisonnement fondé sur l'évidence. Or, les premiers principes ont l'évidence par eux-mêmes, et sans raisonnement; de sorte qu'ils portent la marque de la certitude la plus invincible. Les pyrrhoniens obstinés affectent de douter que l'évidence soit signe de vérité; mais on leur demande: Quel autre signe en desirez-vous done? Quel autre croyez-vous qu'on puisse avoir? Vous en formez-vous quelque idée?

On leur dit aussi : Qui doute pense, et qui pense est et tout ce qui est vrai de sa pensée ■ Inaltérable n'est pas le mot propre; ce seroit plutôt insa- l'est aussi de la chose qu'elle représente, si cette

tiable. M.

Tout au contraire, etc. Il faudroit tout le contraire. M.

* La pudeur est un sentiment de la difformité du vice et du mépris qui le suit. La pudeur est plutôt la crainte de la

honte, à quoi que ce soit qu'on l'attache: on peut éprouver la

honte sans qu'il s'y mêle aucune idée de vice ou de mépris. Un homme qui demande, et qu'on refuse, éprouve de la honte, et une certaine pudeur empêche l'homme bien né de demander; il n'y a pourtant là ancune idée de vice ou de mépris. Une femme dont les vêtements se dérangent par hasard éprouve de la honte, et sa pudeur est blessée, sans que l'idéc de rice on de mépris se présente à la pensée. S.

chose a l'être ou le reçoit jamais. Voilà donc déjà des principes irréfutables: or, s'il y a quelque principe de cette nature, rien n'empêche

Jean-Pierre de Crouzas, mort en 1748, est l'auteur d'un Traité sur le beau, en deux volumes, et beaucoup trop long. F. 2 Pyrrhon, philosophe grec, vivoit vers l'an 500 de l'ère chrétienne; il chercha toute sa vie la vérité, et ne voulut jamais convenir de l'avoir trouvée. C'est de lui que prirent leur nom les pyrrhoniens ou sceptiques, et la secte du pyrrhonisme. F.

qu'il y en ait plusieurs. Tous ceux qui porteront le même caractère auront infailliblement la même vérité : il n'en seroit pas autrement quand notre vie ne seroit qu'un songe; tous les fantômes que notre imagination pourroit nous figurer dans le sommeil, ou n'auroient pas l'être, ou l'auroient tel qu'il nous paroît. S'il existe hors de notre imagination une société d'hommes foibles, telle que nos idées nous la représentent, tout ce qui est vrai de cette société imaginaire, le sera de la société réelle, et il y aura dans cette société des qualités nuisibles, d'autres estimables ou utiles, etc. ; et par conséquent des vices et des vertus. Oui, nous disent les pyrrhoniens: mais peut-être que cette société n'est pas; je réponds : Pourquoi ne seroit-elle pas, puisque nous sommes? Je suppose qu'il y eût là-dessus quelque incertitude bien fondée, toujours serions-nous obligés d'agir comme s'il n'y en avoit pas. Que sera-ce si cette incertitude est sensiblement supposée? Nous ne nous donnons pas à nous-mêmes nos sensations; donc il y a quelque chose hors de nous qui nous les donne si elles sont fidèles ou trompeuses; si les objets qu'elles nous peignent sont des illusions ou des vérités, des réalités ou des apparences, je n'entreprendrai point de les démontrer. L'esprit de l'homme qui ne connoît qu'imparfaitement, ne sauroit prouver parfaitement; mais l'imperfection de ses connoissances n'est pas plus manifeste que leur réalité ; et s'il leur manque quelque chose pour la conviction du côté du raisonnement, l'instinct le supplée avec usure. Ce que la réflexion trop foible n'ose décider, le sentiment nous force de le croire. S'il est quelque pyrrhonien réel et parfait parmi les hommes, c'est dans l'ordre des intelligences un monstre qu'il faut plaindre. Le Pyrrhonisme parfait est le délire de la raison, et la production la plus ridicule de l'esprit humain '.

:

II.

Sur la nature et la coutume.

Les hommes s'entretiennent volontiers de la force de la coutume, des effets de la nature ou

'S'Gravesande, dans son Traité des Syllogismes, réduit, à très peu de chose près, aux mêmes termes, ses arguments contre les pyrrhoniens. B.

de l'opinion: peu en parlent exactement. Les dispositions fondamentales et originelles de chaque être forment ce qu'on appelle sa nature. Une longue habitude peut modifier ces dispositions primitives; et telle est quelquefois sa force qu'elle leur en substitue de nouvelles plus constantes, quoique absolument opposées : de sorte qu'elle agit ensuite comme cause première, et fait le fondement d'un nouvel être; d'où est venue cette conclusion très littérale, qu'elle étoit une seconde nature; et cette autre pensée plus hardie de Pascal : que ce que nous prenons pour la nature n'est souvent qu'une première coutume; deux maximes très véritables. Toutefois, avant qu'il y eût une première coutume, notre ame existoit, et avoit ses inclinations qui fondoient sa nature; et ceux qui réduisent tout à l'opinion et à l'habitude, ne comprennent pas ce qu'ils disent : toute coutume suppose antérieurement une nature, toute erreur une vérité. Il est vrai qu'il est difficile de distinguer les principes de cette première nature de ceux de l'éducation; ces principes sont en si grand nombre et si compliqués, que l'esprit se perd à les suivre, et il n'est pas moins malaisé de démêler ce que l'éducation a épuré ou gâté dans le naturel. On peut remarquer seulement que ce qui nous reste de notre première nature est plus véhément et plus fort que ce qu'on acquiert par étude, par coutume ét par réflexion: parceque l'effet de l'art est d'affoiblir, lors même qu'il polit et qu'il corrige; de sorte que nos qualités acquises sont en même temps plus parfaites et plus défectueuses que nos qualités naturelles; et cette foiblesse de l'art ne procède pas seulement de la résistance trop forte que fait la nature, mais aussi de la propre imperfection de ses principes, ou insuffisants, ou mêlés d'erreur. Sur quoi cependant je remarque, qu'à l'égard des lettres, l'art est supérieur au génie de beaucoup d'artistes qui, ne pouvant atteindre la hauteur des règles et les mettre toutes en œuvre, ni rester dans leur caractère qu'ils trouvent trop bas, ni arriver au beau naturel, demeurent dans un milieu insupportable, qui est l'enflure et l'affectation, et ne suivent ni l'art ni la nature. La longue habitude leur rend propre ce caractère forcé; et à mesure qu'ils s'éloignent davantage de leur naturel, ils croient

élever la nature : don incomparable, qui n'ap- | au repos et à jouir d'eux-mêmes. Ils ignorent partient qu'à ceux que la nature même inspire que la jouissance est le fruit et la récompense avec le plus de force. Mais telle est l'erreur qui du travail; qu'elle est elle-même une action; les flatte; et malheureusement rien n'est plus qu'on ne sauroit jouir qu'autant que l'on agit, ordinaire que de voir les hommes se former par et que notre ame enfin ne se possède véritableétude et par coutume un instinct particulier, et ment que lorsqu'elle s'exerce tout entière. s'éloigner ainsi, autant qu'ils peuvent, des lois Ces faux philosophes s'empressent à détourner générales et originelles de leur être : comme si la l'homme de sa fin, et à justifier l'oisiveté; mais nature n'avoit pas mis entre eux assez de diffé- la nature vient à notre secours dans ce danger. rences, sans y en ajouter par l'opinion. De là L'oisiveté nous lasse plus promptement que le vient que leurs jugements se rencontrent si ra- travail, et nous rend à l'action, détrompés du rement. Les uns disent : Cela est dans la nature néant de ses promesses; c'est ce qui n'est pas ou hors de la nature, et les autres tout au con- échappé aux modérateurs de systèmes, qui se traire. Il y en a qui rejettent, en fait de style, piquent de balancer les opinions des philosoles transitions soudaines des Orientaux, et les phes et de prendre un juste milieu. Ceux-ci sublimes hardiesses de Bossuet'; l'enthousiasme nous permettent d'agir, sous condition néanmème de la poésie ne les émeut pas ; ni sa force moins de régler notre activité et de déterminer et son harmonie, qui charment avec tant de selon leurs vues la mesure et le choix de nos puissance ceux qui ont de l'oreille et du goût. occupations; en quoi ils sont peut-être plus inIls regardent ces dons de la nature, si peu ordi- conséquents que les premiers, car ils veulent naires, comme des inventions forcées et des nous faire trouver notre bonheur dans la sujéjeux d'imagination, tandis que d'autres admi- tion de notre esprit ; effet purement surnaturel, rent l'emphase comme le caractère et le modèle et qui n'appartient qu'à la religion, non à la d'un beau naturel. Parmi ces variétés inexpli- raison. Mais il est des erreurs que la prudence cables de la nature ou de l'opinion, je crois ne veut pas qu'on approfondisse. que la coutume dominante peut servir de guide à ceux qui se mêlent d'écrire; parcequ'elle vient de la nature dominante des esprits, ou qu'elle la plie à ses règles, et forme le goût et les mœurs : de sorte qu'il est dangereux de s'en écarter, lors même qu'elle nous paroît manifestement vicieuse. Il n'appartient qu'aux hommes extraordinaires de ramener les autres au vrai, et de les assujettir à leur génie particulier; mais ceux qui conclueroient de là que tout est opinion, et qu'il n'y a ni nature ni coutume plus parfaite l'une que l'autre par son propre fonds, seroient les plus inconséquents de tous les hommes.

III.

Nulle jouissance sans action.

IV.

De la certitude des principes.

Nous nous étonnons de la bizarrerie de certaines modes, et de la barbarie des duels ; nous triomphons encore sur le ridicule de quelques coutumes, et nous en faisons voir la force. Nous nous épuisons sur ces choses comme sur des abus uniques, et nous sommes environnés de préjugés sur lesquels nous nous reposons avec une entière assurance. Ceux qui portent plus loin leurs vues remarquent cet aveuglement ; et entrant là-dessus en défiance des plus grands principes, concluent que tout est opinion; mais

1 Le P. Charles Le Gobien, dans sa Préface de l'Histoire de l'Édit de l'empereur de la Chine, donne cette morale aux ré-brachmanes, qu'il appelle bramènes. Ils poussent si loin, dit-il, flexion les agitations et les misères de la vie teté, qu'il faut devenir pierre ou statue pour en acquérir la per

Ceux qui considèrent sans beaucoup de

humaine, en accusent notre activité trop empressée, et ne cessent de rappeler les hommes

l'apathie ou l'indifférence, à laquelle ils rapportent toute la sain

fection. Non seulement ils enseignent que le sage ne doit avoir aucune passion, mais qu'il ne lui est pas permis d'avoir même un desir; de sorte qu'il doit continuellement s'appliquer à ne vouloir rien, à ne sentir rien, à bannir si loin de son esprit toute Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Condom. puis de idée de vertu et de sainteté, qu'il n'y ait rien en lui de contraire Meaux, mourut en 1704. B.

à la parfaite quiétude de l'ame. F.

ils montrent à leur tour par là les limites de leur esprit. L'être et la vérité n'étant, de leur aveu, qu'une même chose sous deux expressions, il faut tout réduire au néant ou admettre des vérités indépendantes de nos conjectures et de nos frivoles discours. Or, s'il y a des vérités réelles, comme il me paroît hors de doute, il s'ensuit qu'il y a des principes qui ne peuvent être arbitraires; la difficulté, je l'avoue, est à les connoître. Mais pourquoi la même raison qui nous fait discerner le faux, ne pourroit-elle nous conduire jusqu'au vrai? L'ombre est-elle plus sensible que le corps, l'apparence que la réalité? Que connoissons-nous d'obscur par sa nature, sinon l'erreur? Que connoissons-nous d'évident, sinon la vérité? N'est-ce pas l'évidence de la vérité qui nous fait discerner le faux, comme le jour marque les ombres? Et qu'est ce en un mot que la connoissance d'une erreur, sinon la découverte d'une vérité? Toute privation suppose nécessairement une réalité; ainsi la certitude est démontrée par le doute, la science par l'ignorance, et la vérité par l'erreur.

V.

Du défaut de la plupart des choses.

Le défaut de la plupart des choses dans la poésie, la peinture, l'éloquence, le raisonnement, etc., c'est de n'être pas à leur place. De là le mauvais enthousiasme ou l'emphase dans le discours, les dissonances dans la musique', la confusion dans les tableaux, la fausse politesse dans le monde, ou la froide plaisanterie. Qu'on examine la morale même, la profusion n'est-elle pas aussi le plus souvent une générosité hors de sa place; la vanité, une hauteur hors de sa place 3; l'avarice, une prévoyance hors de sa place? la témérité, une valeur hors de sa place, etc.? La plupart des choses ne sont fortes ou foibles, vicieuses ou vertueuses, dans la nature ou hors de la nature, que par cet endroit on ne laisseroit rien à la plupart des

Il faut, je crois, de les connoître. S.

2 Les dissonances dans la musique ne sont pas un défaut, et font souvent beauté. Il faudroit ici discordances.

3 Ce n'est pas, je crois, une hauteur, mais un orgueil hors de sa place. La hauteur n'est jamais bien placée; au lieu qu'on dit un orgueil bien placé un juste ou noble orgueil. S.

hommes, si l'on retranchoit de leur vie tout ce qui n'est pas à sa place, et ce n'est pas en tous défaut de jugement, mais impuissance d'assortir les choses. VI.

De l'ame.

Il sert peu d'avoir de l'esprit lorsqu'on n'a point d'ame. C'est l'ame qui forme l'esprit et qui lui donne l'essor; c'est elle qui domine dans les sociétés, qui fait les orateurs, les négociateurs, les ministres, les grands hommes, les conquérants. Voyez comme on vit dans le monde. Qui prime chez les jeunes gens, chez les femmes, chez les vieillards, chez les hommes de tous les états, dans les cabales et dans les partis? Qui nous gouverne nous-mêmes, est-ce l'esprit ou le cœur? Faute de faire cette réflexion, nous nous étonnons de l'élévation de quelques hommes, ou de l'obscurité de quelques autres, et nous attribuons à la fatalité ce dont nous trouverions plus aisément la cause dans leur caractère; mais nous ne pensons qu'à l'esprit, et point aux qualités de l'ame. Cependant c'est d'elle avant tout que dépend notre destinée: on nous vante en vain les lumières d'une belle imagination; je ne puis ni estimer, ni aimer, ni haïr, ni craindre ceux qui n'ont que de l'esprit. VII.

Des romans.

Le faux en lui-même nous blesse et n'a pas

de quoi nous toucher. Que croyez-vous qu'on cherche si avidement dans les fictions? L'image d'une vérité vivante et passionnée.

Nous voulons de la vraisemblance dans les

fables mêmes, et toute fiction qui ne peint pas la nature est insipide.

Il est vrai que l'esprit de la plupart des hommes a si peu d'assiette, qu'il se laisse entraîner au merveilleux, surpris par l'apparence du grand. Mais le faux, que le grand leur cache dans le merveilleux, les dégoûte au moment qu'il se laisse sentir; on ne relit point un roman '.

Je crois que dirige vaudroit mieux. Former est vague et impropre. S.

2 Cette assertion est trop générale. Beaucoup de gens ont relu Télémaque, clarisse, Grandisson, et les poëmes d'Homère

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