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Avilissement de la religion.

sont, 10. l'avilissement de la religion; 20. la dégradation du trône; 3o. la destruction de la magistrature; 40. la désorganisation du royaume; 5o. la dilapidation des finances; 60. l'insubordination des armées; 70. la spoliation des propriétés; 80. l'autorisation des excès de la licence. Pour terminer cette galerie, je hasarderai quelques observations sur la constitution de 1791, ce chefd'oeuvre de l'assemblée constituante, et le complément de ses travaux; enfin, je terminerai cette première époque de notre révolution par quelques réflexions sur l'émigration qui eut lieu pendant la durée de

cette assemblée.

1.

Avilissement de la Religion.

LES factieux auroient bien désiré pouvoir saper d'un seul coup les fondemens de la religion catholique; mais ils sentirent que pour abattre un colosse de puissance et de considération, tel que le clergé de France alors, il falloit y préparer la nation par des secousses successives, et en amener la chute pår des gradations dont les progrès ne seroient aperçus qu'au moment où le peuple désabusé n'y seroit plus un obstacle. Un député de la noblesse, qui a terni son antique origine et souillé son nom en se traînant dans la fange de l'irréligion et de

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la démocratie, le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre, disoit, à cette époque, à la comtesse Le Groing, sa parente, qui gémissoit sur les atteintes données à la religion par l'assemblée constituante, et de qui je le tiens : « On travaille, il est vrai, » à la détruire; mais ses racines sont pro» fondément entrées dans le coeur des Français; il faudra deux ans pour en éteindre le flambeau ; mais dans trois ans la France » ne sera plus ni catholique ni chrétienne. » Ce démagogue, d'abord feuillant et zélé constitutionnel, s'étoit rallié aux jacobins sans en avoir l'acharnement et la scélératesse ; mais il vouloit jouer un rôle. Il avoit de l'esprit, de l'éloquence, de la figure et de l'amabilité; mais point de moralité ni de religion. Il a été massacré dans une émeute populaire, à Paris : sa démagogie n'a pu le sauver de la fureur d'une populace qui brise tôt ou tard les idoles qu'elle a encensées. Mirabeau écrivoit dans son journal, que bientôt en France les temples et les églises ne seroient plus que comme les ruines des monumens du paganisme, qui rappellent encore le souvenir de l'idolâtrie et de la superstition: tel étoit dès lors le langage de ceux qui avoient juré la perte de la catholicité. Auroit-on pu croire, à cette époque, c'est-à-dire en novembre 1789, que des êtres de cette espèce étoient doués

du don de prophétie? Mais alors même la cognée étoit déjà au tronc de l'arbre; les satires, les diatribes, les pamphlets des mécréans et des philosophes, et plus encore la vie peu régulière des ecclésiastiques et des religieux, avoient affoibli les idées de respect et de vénération attachées, pour ainsi dire, à tout ce qui paroissoit sous l'uniforme de la religion. Les ordres religieux, déchus la plupart de la sainteté de leur primitive institution, avoient malheureusement habitué le peuple à ne plus considérer leurs membres que comme des fainéans et des sujets inutiles.

L'empereur Joseph II avoit donné un pernicieux exemple en brisant tous les liens monastiques, en s'emparant des biens des monastères détruits, et en forçant les cénobites de l'un et l'autre sexe à quitter leurs maisons pour rentrer et vivre au milieu de la perversité du siècle. De pareilles pierres détachées du sanctuaire par un empereur romain, devenoient entre les mains des factieux des armes offensives pour attaquer et ébranler tout l'édifice. Les jésuites, qui par état étoient voués à l'enseignement public des bons principes, de la saine morale et de la vraie religion, n'étoient plus; tant qu'ils subsistèrent ils donnèrent aux fonctions du saint ministère un éclat et une considération qui rejaillis

soient sur les autres ordres; leur zèle, leurs talens, leur réputation et leurs succès étoient pour ceux-ci un sujet d'émulation. Leur chute, causée par la haine active de personnes trop puissantes, a été le signal de la décadence des autres ordres religieux qui, moins considérés et moins utiles, pouvoient disparoître du sein de l'Eglise sans faire une trop forte sensation. C'est aussi Suspension des par les religieux que les factieux de l'assem- vœux religieux. blée constituante commencèrent leurs attaques contre la religion. L'avocat Treilhard, croupier de Mirabeau, monta à la tribune pour y lancer contre tous les ordres monastiques les anathèmes de l'intolérante philosophie ; et il parvint à faire suspendre l'émission des voeux religieux : c'étoit le premier pas convenu pour parvenir à les faire abolir. Ces voeux, dans cette motion forcenée, furent présentés comme une institution barbare qui contredisoit le vœu de la nature, qui peuploit l'Etat d'une foule de fainéans, en tarissant les sources de la population. Une chose qui parut alors étonnante, c'est qu'un chartreux, nommé don Gerle, partagea l'opinion de Treilhard. J'ai connu ce solitaire lorsqu'il étoit prieur à Laval-Dieu, près de Mortagne, au Perche; il gouvernoit sa maison avec sagesse; on le regardoit comme un pieux enfant de Saint-Bruno; il passa de-là à la chartreuse

Spoliation du clergé.

de Moulins, en Bourbonnais. Ce don Gerle a donné depuis dans des écarts d'opinions très irréligieuses, qui ont dû faire croire qu'il étoit, ou un fourbe hypocrite, ou un cerveau aliéné.

Cette première tentative en amena bientôt une autre. Pour miner le clergé il falloit lui ôter son appui politique, le frustrer de ses biens patrimoniaux et de ses vastes possessions. Mirabeau avoit travaillé pour cet objet une motion pleine de chaleur, accompagnée de tous les dehors qui pouvoient la rendre victorieuse; mais dans sa bouche habituée au blasphème, elle ne pouvoit faire la sensation désirée. Comme le succès de cette motion devenoit un objet décisif dans le plan des conjurés, elle fut concertée avec Camus, Thouret, Lechapelier, Barnave et Rabaud de St.-Etienne; M. Necker, consulté, promit de la faire appuyer par tous ses partisans : il voyoit dans la masse des biens du clergé une grande ressource pour accélérer l'extinction de la dette de l'Etat. Les initiés dans les mystères du plan de subversion, et la horde secondaire des factieux, furent armés pour seconder cet assaut; la populace des tribunes fut soudoyée pour y concourir par ses applaudissemens et ses clameurs. L'évêque d'Autun, Taleyrand - Périgord, fut désigné et choisi pour faire cette levée de boucliers :

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