Né citoyen d'un état libre, er membre du souverain, quelque faible influence que quisse agoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposenle glevoir de m'ea instruire. Herreur : toutes les fois que je médite sur les gou vernemens, de trouver toujours dans mes recherches de nouvelles raisons d'aimer celui de mon pays ! CHAPITRE PREMIER. Sujet de ce premier Livre. L'HOMME est né libre, et par-tout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus csclave qu'eux. Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore. Qu'est-ce qui peut le rendre légitime? Je crois pouvoir résoudre cette question. Si je ne considérais que la force , et l'effet qui en dérive, je dirais : Tant qu'un peuple est contraint d'obéir, et qu'il obéit, Il fait bien ; sitôt qu'il peut secouer le joug, et qu'il le secoue , il fait encore mieux: car Iecouyrant sa liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est fondě à la-reprendre, ou l'on ne l'était point à la lui ộter. Mais l'ordre social est un droit sacré qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature ; il est donc fondé sur des conventions. Il s'agit de savoir quelles sont ces conventions. Avant d'en venir là, je dois établir ce que je viens d'avancer. 1 CHAPITRE I I. Des premières Sociétés, LA JA plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle, est celle de la famille. Encore les enfanis ne restent-ils liés au père, qu’aussi long-temps qu'ils ont besoin de lui pour le conserver. Sitot que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfans exempts de l'obéiss 'nce qu'ils devaient au père, le père exempt des soins qu'il devait aux enfans , rentrent tous également dans l'indépendance. S'ils continuent de rester unis, ce n'est plus naturellement, c'est volontairement; et la famille elle-mêmo na se maintient que par convention. ។ Cette liberté commune est une consé. quence de la nature de l'homme. Sa jirea zajère loi est de veiller à sa propre conservation, ses preniers soins sont ceux qu'il se doit à lui-même; et, sitôt qu'il est en âge de raison , lui seul étant juge des moyens propres à se conserver , devient par-là son propre maître. La famille est donc, si l'on veut, le premier modèle des sociétés politiques : Te chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfans ; et tous étant nės égaux et libres, n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille, l'amour du père pour ses enfans le paye des soins qu'il leur rend; et que dans l'état le plaisir de commander supplée à cet ainour que le chef n'a pas pour ses peuples. Grotius nie que tout pouvoir humain soit établi en faveur de ceux qui sont gouyernés ; il cite l'esclavage en exemple. Sa plus constante manière de raisonner est d'établir toujours le droit par le fait (1). (1) « Les savantes recherches sur le droit »> public ne sont souvent que l'histoire des On pourrait emploser une méthode plus conséquenie, muis non pas plus favorable aux tyrans. le genre Il est donc douteux, selon Grotius, si humain appartient à vne centaine d'hommes, ou si cette centaine d'hommes appartient au genre humain ; et il paruit dans tout son livre pencher pour le premier avis. C'est aussi le seriment de Hobbes. Ainsi, voilà l'espére humaine divisée en troupeaux de bétail, dont chacun a son chef, qui le garde pour le dévorer. Comme un påtre est d'une nature supérieure à celle de son troupeau , pasteurs d'hommes qui sont leurs chefs, soni alissi d'une nature supérieure à celle de leurs peuples. Ainsi raisonnait, au rapport de Philon, l'empereur Caligula ; concluant assez bien de cette analogie , que les rois étaient des dieux, ou que les peuples étaient des bêtes. les » anciens abus; et on s'est entêté mil-a. » propos , quand on s'est douné la peine >> de les trop étudier. » ( Traité manuscrit des intérêts de la France avec ses voisins, par M. le M. d'A.) Voilà précisément ce qu'a fait Grotius. Le raisonnement de ce Caligula revient à celui de Hobbes et de Grotius. Aristote , avant eux tous , avait dit aussi que les hommes ne sont point naturellement égaux, mais que les uns naissent pour l'esclavage, et les autres pour la domination. Aristote avait raison, mais il prenait d'effet pour la cause. Tout homme ne "dans l'esclavage naît pour l'esclavage ; rien n'est plus certain : les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leur servitude , comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement. (2) S'ilya donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves ; leur lâcheté les a perpétués. Je n'ai rien dir du roi Adam, ni de l'emperevr Noé, père de trois grands monarques qui se partagèrent l'Univers , comme firent les enfans de Saturne, qu'on a cru reconnaître en eux. J'espère qu'on me saura gré de cette modération; car descendant directement de l'un de ces princes , (1) Voyez un petit Traité de Plutarque intitulé : Que les bétes usent de raison, |