DES ÉDITEURS DE L'ÉDITION DE KEHL. Nous avons joint ici quelques lettres qui peuvent servir à faire mieux connaître M. de Voltaire et ses ennemis. Un hommage rendu par un prince du sang à un jeune homme que son état éloignait de lui, et que la gloire n'en rapprochait pas encore, nous a paru mériter d'être conservé. La note qui a été remise par le célèbre Le Kain doit intéresser les gens de lettres; le grand acteur y peint naivement l'enthousiasme de Voltaire pour l'art dramatique, et pour le talent du théâtre ; et on y voit en même temps comment, malgré cet enthousiasme et l'intérêt d'avoir des acteurs dignes de ses ouvrages, il cherchait à détourner ce jeune homme d'un état trop avili par le préjugé, et joignait noblement à ses conseils les moyens d'en embrasser un autre. Ce trait est un de ceux qui prouvent le mieux que la bonté était le sentiment dominant de l'ame de Voltaire. C'est ainsi qu'avec plus de désintéressement encore, il engagea, en 1765, mademoiselle Clairon à quitter le théâtre, quoique le talent de cette sublime actrice fût alors dans toute sa force, et devînt de jour en jour plus nécessaire au poète, dont le génie dramatique commençait à s'affaiblir par l'âge et les travaux. Ses conseils à MM. d'Alembert et Diderot, persécutés pour l'Encyclopédie, et plusieurs traits de ce genre, prouveraient encore que l'amour de la justice l'emportait dans son esprit sur toute autre considération. CHOIX DE PIÈCES JUSTIFICATIVES. VERS DE S. A. S. LE PRINCE DE CONTI, A M. DE VOLTAIRE. Pluton, ayant fait choix d'une jeune pucelle, Une marque de son amour, Il fait assembler à sa cour Tous ceux dont le bon goût et la délicatesse 1718. Il choisit ceux dont le génie Chacun à réussir travailla de son mieux. Pour remporter le prix. et Corneille et Racine Uning leur veine divine: Chaque auteur en vain disputa, De tant d'auteurs la cohorte nombreuse De remporter l'honneur de l'applaudissement. Toute la troupe se fatigue, Racine avec Corneille, au sein de l'Élysée, Rappelaient l'histoire passée Du temps où de la France ils étaient l'ornement. Que depuis leur décès le délicat parterre Ce malheur leur causait une tristesse extrême. Ils connaissaient que dans Paris l'on aime D'un spectacle nouveau les doux amusements; Qu'abandonnés par Melpomene, Les auteurs n'avaient plus ces nobles sentiments Pour réparer les maux du théâtre obscurci, Ce démon fut par eux choisi. Sous le nom d'Arouet cet esprit fut conduit. Ou que Corneille avait la sienne corrigée '. LETTRE DE L'ABBÉ DESFONTAINES A M. DE VOLTAIRE. Ce 31 mai 1724. Je n'oublierai jamais, monsieur, les obligations infinies que je vous ai. Votre bon cœur est encore bien au-dessus de votre esprit, et vous êtes l'ami le plus essentiel qui ait jamais été. Le zèle avec lequel vous m'avez servi me fait en quelque sorte plus d'honneur que la malice et la noirceur de mes ennemis ne m'a causé d'affront par l'indigne traitement qu'ils m'ont Ces vers font autant d'honneur au prince de Conti qu'en a fait à Lamotte son approbation d'OEdipe. Ils annoncèrent tous deux à la France un digue successeur de Corneille et de Racine, et jamais prophétie ne fut mieux accomplie. |