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moindre force ne peut être emporté par quelque force que ce soit, n'a aucune apparence de vérité.

Réponse. J'avois pourtant montré que si cette moindre force ne fait tant soit céder le corps

peu

contre lequel elle heurte ou qu'elle rencontre, le double de cette même force ne sera pas suffisant, à cause que deux fois rien ce n'est rien; et ainsi multipliez cette force tant qu'il vous plaira, ce ne sera toujours rien : ce qui sans doute est une démonstration dont il ne nous a point fait voir le vice. Mais il se contente de dire que cela répugne à l'expérience, parceque, si vous mettez dans une balance cent livres, ces cent livres seront mues et emportées par deux cents livres que vous mettrez de l'autre côté, et ne le seront point par une livre; comme si j'avois dit que la moindre force suffit pour mouvoir de sa place non seulement la partie qu'elle heurte et qu'elle touche, mais aussi tout le corps qui est attaché à cette partie. Quand il demeure d'accord que la partie de la terre que rencontre la balle cède quelque peu à son effort, entend-il que toute la terre change de place? Je ne le crois pas. Pourquoi donc ne sera ce pas assez, pour la preuve de ma proposition, de dire que de même que la terre est pressée et enfoncée en partie par l'effort d'une balle qu'on a jetée contre, de même aussi le fléau d'une balance est un peu tiré et déprimé ou abaissé en partie par le poids d'une balle qui y est sus

pendue. Et de même que la force dont une balle est poussée contre la terre, étant multipliée, suffit pour mouvoir toute la terre; de même aussi la force du poids d'une livre ou d'une balle, ou si vous voulez même d'une plume, étant multipliée, suffit pour enlever le poids de cent livres.

En sixième lieu, quant à ce que vous dites qu'il soutient que le bond ou le rejaillissement d'une balle est toujours plus empêché de ce que la balle et la terre cèdent l'une à l'autre, qu'il n'est aidé par leur ressort; et que de là, l'on peut démontrer que la réflexion d'une balle, et des autres semblables corps qui ne sont pas tout-à-fait durs, ne se fait jamais précisément à angles égaux: je réponds que cela est vrai à l'égard d'une balle et des autres semblables corps; parceque, non seulement leur vitesse est continuellement diminuée par la pesanteur, mais aussi parceque les corps sur lesquels ils tombent ne récompensent jamais parfaitement la perte de cette vitesse; c'est pourquoi quand je me suis servi de l'exemple d'une balle pour le rapporter à la réflexion que fait la lumière, je supposois que son mouvement ne se diminuoit point en allant, et que celui qu'elle perdoit à la rencontre du corps qui lui faisoit résistance lui étoit entièrement restitué. Mais quant à la lumière dont le mouvement n'est point empêché ou diverti par la pesanteur ni par la légèreté, et dont la

ni

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matière est très mobile, et partant dont tout le mouvement peut très aisément être restitué par le corps qui lui fait résistance, il est évident que. l'égalité des angles d'incidence et de réflexion peut aisément être expliquée par ce ressort des corps.

En septième lieu, il dit que c'est vainement et inutilement que j'apporte pour raison de l'égalité des angles de réflexion cette mollesse de la terre, vu principalement que de là il s'ensuivroit que, si la terre et la balle étoient si dures qu'elles ne pussent en aucune façon se plier ou courber en dedans, il ne se feroit aucune réflexion; ce qui est, dit-il, incroyable et contre le bon sens. Je réponds premièrement, que je n'attribue point la réflexion à la mollesse de la terre, non plus qu'à celle du verre ou de l'acier; mais que l'expérience m'a appris que plus les corps qui se rencontrent sont durs, et plus forte est la réflexion, pourvu que leur dureté ne soit pas actuellement infinie (ce qui est impossible); car si leur dureté n'est pas actuellement infinie, elle cèdera à quelque force, et partant aussi à la moindre comme j'ai montré ci-devant; or les choses dures, plus dures elles sont, et plus fortement elles se restituent et font ressort, c'est pourquoi la réflexion en est d'autant plus grande ou plus forte. Que si quelqu'un vouloit supposer que la dureté fût actuellement infinie (ce que je tiens impossible), tant de la part du

corps qui en rencontre un autre que de la part de celui qui est rencontré, jamais personne ne pourra connoître par expérience s'il se feroit réflexion ou non. Car, par exemple, que le corps qui descend par la ligne AB' soit infiniment dur, et que celui sur lequel il descend, et qu'il rencontre au point B le soit aussi, quelle raison peut-il y avoir pourquoi il ne s'arrête pas en B, ou pourquoi (posé qu'il se puisse rompre) une partie ne se mouvra pas par la ligne BC, et l'autre par la ligne BD? Que s'il tombe obliquement sur CD par la ligne EB, qui empêche (posé qu'il se rompe) qu'une partie, et peut-être la plus grande, ne s'en aille par BC, et que la moindre aille par BD? car, de ce que nous voyons que cela se fait autrement, cela peut venir de ce qu'il n'y a point de corps qui soient infiniment durs.

En huitième lieu, quant à ce que vous dites qu'il n'approuve pas la distinction que j'ai apportée entre la réfraction des corps qui parcourent les deux milieux, comme quand une balle va et passe de l'air dans l'eau, et celle de ceux qui ne les parcourent point, à cause dit-il,' qu'aux uns et aux autres la réfraction se fait vers le même endroit quand les corps sont de même genre; je réponds que je ne conçois pas bien quels sont les corps qu'il range sous un même ou sous un difFigure 45.

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férent genre. Pour moi, je conçois deux différentes sortes de propagation du mouvement, quoique dans un même genre de corps. Car, par exemple,

une balle peut rompre. le dur qu'elle par

corps

court, et se faire passage au travers, et alors je dis que le chemin de la balle se rompt dans le corps dur en s'éloignant de la perpendiculaire; ou bien la même balle peut être repoussée par la dureté du corps où elle passe, en sorte néanmoins que le mouvement se répand et se continue successivement dans toute l'épaisseur de ce corps (ainsi que le mouvement se répand dans toute la cloche quand elle est frappée par un marteau, ou bien comme la lumière se répand quand elle passe dans un corps plus dur que celui d'où elle venoit); et alors j'ai dit que la réfraction se fait vers la perpendiculaire. Or M. Descartes n'a point réfuté cette distinction, et partant je ne dois point la changer s'il ne m'apporte quelque raison ou expérience au contraire : car pour les suppositions qu'il avance touchant les parois des pores par où la lumière où la lumière passe, et touchant le plus ou moins de vitesse dans un corps dur que dans un mou, ou dans un dense que dans un rare (car je ne sais pas hien encore lequel des deux je dois dire, jusqu'à ce qu'il nous ait donné ses définitions du corps dur et du corps mou, comme aussi celles du dense et du rare, ce qu'il n'a point encore fait dans les écrits qu'il nous a donnés), elles

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