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des paralogismes dans lesquels les autres pouvoient tomber. Aussi je ne puis croire que ce soit cela qui l'ait empêché de s'en servir; c'est plutôt qu'il a cru lui-même qu'on en pouvoit véritablement tirer cette conséquence; car on voit en effet qu'il la tire, mais par un faux raisonnement, ainsi que je vais vous faire voir. Car bien que nous supposions qu'une balle soit mue d'A vers la droite avec un degré de vitesse, et de haut en bas avec aussi un degré, ce n'est pas à dire qu'elle parvienne en B avec deux degrés de vitesse; de même si elle est mue vers la droite avec un degré de vitesse, et de haut en bas avec deux degrés, elle ne parviendra pas en G avec trois degrés de vitesse, comme il le prétend ou le suppose. Et pour le prouver, supposons les deux lignes droites AB, AC, inclinées l'une vers l'autre en sorte qu'elles fassent un angle droit, et que la vitesse d'A vers B soit à la vitesse d'A vers C comme AB est à AC, ces deux vitesses composent la vitesse qui est de B' vers C. Je dis que la vitesse de B vers C, est à la vitesse d'A vers C, ou bien à celle d'A vers B, comme la droite BC est à la droite AC, ou AB. Maintenant du point A soit menée la ligne AD perpendiculaire à BC, et par le même point soit menée la ligne FAE, parallèle à la même ligne BC; puis des points B et C soient abaissées sur FE les perpendiculaires BF, CE; puis donc Figure 43.

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que le mouvement d'A vers B est composé des deux mouvements d'F vers A et d'F vers B, le mouvement composé AB ne contribuera pas plus de vitesse au mouvement de B vers C, que lui en peuvent contribuer les deux dont il est composé, à savoir FA et FB. Mais celui de FB ne contribue rien au mouvement de B vers C, car il est déterminé vers le bas, et ne tend point du tout de B vers C. Il n'y a donc que celui de FA qui sert au mouvement de B vers C. De même on prouvera que le mouvement AC ne contribue au mouvement de D vers C que par celui de AE. Mais la vitesse que le mouvement AB tire de celui de FA, et par laquelle le mouvement AB contribue à celui de B vers C, est à la vitesse totale d'AB, comme FA ou BD est à AB. De même la vitesse que AC tire d'AE est à la vitesse totale d'AC comme AE ou DC est à AC. Par conséquent les deux vitesses qui contribuent au mouvement de B vers C, jointes ensemble, sont à la seule vitesse qui est AG, ou à celle qui est en AB, comme la toute BC est à la ligne AC ou AB. Et partant, en la figure précédente, les vitesses d'AB, AG seront entre elles comme les lignes mêmes AB, AG; c'est-à-dire comme r 2 à r 5, ou bien comme r 4 àr 10, ou enfin comme 2 à r 10, et non pas comme 2 à 3; ce qui montre que cette absurdité ne suit nullement de cette façon de parler, ainsi que le croyoit M. Descartes. Et, par là

vous voyez, mon révérend père, combien il est facile aux plus savants mêmes de tomber quelquefois en paralogisme par la trop grande confiance qu'ils ont en leur capacité.

En quatrième lieu, vous me mandez qu'il dit

que je ne devois dire pas que la terre faisoit per

dre la vitesse de la balle, parcequ'il avoit supposé le contraire, et que cela est contre l'expérience; autrement une balle tombant perpendiculairement sur la terre jamais ne rejailliroit.

Je réponds que dans ma lettre je n'ai point du tout changé ou détruit son hypothèse, mais j'ai dit que lui-même l'avoit renversée, et partant qu'il n'avoit pas dû s'en servir (car, quant à mon opinion, j'estime que le mouvement ne se peut perdre ou ôter ni pourtant diminuer). Mais afin que vous puissiez juger vous-même s'il a détruit ou non son hypothèse, servons-nous de sa figure. Il suppose qu'A' se meut vers B, et qu'il va toujours d'égale vitesse, mais néanmoins qu'il ne suit pas toujours la même détermination, c'est-à-dire que le mobile va toujours aussi vite, mais qu'il ne va pas toujours par le même chemin ou par la même ligne de direction; je lui accorde. De plus, il dit que la détermination qui fait que le mobile va d'A vers B, est composée de deux autres, dont l'une le porte en bas, à savoir d'A vers C, et l'au

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tre vers la droite ou d'A vers H; je lui accorde aussi. De là, il croit prouver que le mouvement qui a fait aller la balle d'A jusqu'à B, la doit après cela faire aller de B vers F par l'angle FBE égal à l'angle ABC sans changer ou détruire son hypothèse; et c'est ce que j'ai nié. Car quand la balle qui se meut d'A vers B sera parvenue au point B, elle doit perdre la détermination qu'elle avoit d'aller en bas, c'est-à-dire d'AH vers CB; il lui reste donc la détermination qu'elle avoit d'aller vers la droite, ou d'AC vers HB; or, selon lui, elle retient toujours le même degré de vitesse qu'elle avoit au commencement, elle ira donc dans le même temps au point G de la circonférence du cercle AFG. Il a donc dû montrer que la balle retenant toute la vitesse qu'elle avoit quand elle s'est mue d'A vers B, il étoit impossible qu'elle allât plus loin dans la détermination vers la droite que jusques en E, ce qu'il n'a pu faire sans prendre cette détermination.

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d'A vers H ou vers la droite pour un mouvement. Aussi y a-t-il de l'apparence qu'il l'a prise pour un mouvement, puisque, dans la démonstration qu'il apporte, il lui attribue la quantité; car la détermination ou le chemin que suit la balle n'a point de quantité, sinon en tant que selon ce chemin elle décrit une ligne d'une telle ou telle longueur. Or maintenant, si ces deux terminations, l'une perpendiculaire et l'autre latérale, sont des mouve

ments, il est manifeste que quand la balle est parvenue au point B, elle perd cette partie de son mouvement qui la portoit d'A vers C, et partant après avoir rencontré la terre au point B elle va moins vite qu'elle n'alloit auparavant; ce qui renverse entièrement son hypothèse. Quant à ce qu'il ajoute, qu'il est contre l'expérience que la terre fasse perdre la vitesse qui portoit la balle en bas, puisque nous voyons que les corps qui tombent perpendiculairement sur la terre rejaillissent aussi perpendiculairement, je m'étonne comme il prétend que l'expérience nous puisse apprendre, savoir, si la réflexion qui se fait vers la perpendiculaire vient de ce que le mouvement ne se perd point, ou bien de ce qu'il se restitue par la force du ressort; car ce même effet se peut faire de ces deux manières. Et je demeure d'accord que l'expérience nous apprend que la réflexion se fait à angles égaux, mais elle ne nous apprend pas par quelle cause.

En cinquième lieu, vous dites que M. Descartes demeure volontiers d'accord que la partie de la terre sur laquelle tombe la balle cède tant soit peu, et que l'endroit de la balle qui touche la terre se courbe aussi un peu en dedans, et que l'une et l'autre, savoir la balle et la terre, se restituent en leur premier état, et que néanmoins il lui semble que cet axiome, à savoir, ce qui ne cède point à la

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