Page images
PDF
EPUB

pouvoit les offrir fans crime du moins il les avoit marquées comme un des rites les plus abominables du Paganifme. Qu'on examine l'idée qu'il donnoit aux Juifs des facrifices faits à Moloch, on fentira la force de cette preuve. Nous ne cherchons pas encore fi les adorateurs de cette Idole laiffoient entiérement confumer dans le feu les enfans qu'ils lui offroient,

s'ils fe contentoient de leur en faire fentir l'ar deur. Quand même on auroit démontré que ces innocentès victimes n'étoient pas reduites en cendre, & ne perdoient pas la vie dans ce facrifice, on ne feroit rien contre nous au contraire nous tirerions un plus grand avantage encore des paffages de nos Ecritures, où ce culte barbare eft condamné : car fi Dieu déteftoit une cérémonie de Religion, qui expofoit des enfans à quelques tourmens, il auroit détefté beaucoup. plus encore celles, qui les auroient fait périr d'une mort violente. Il nous fuffit donc que Dieu ait témoigné avoir de l'horreur pour ce culte, non feulement parce qu'il étoit confacré à une Idole; mais parce qu'il avoit un caractère de cruauté, qui ne fauroit plaire à l'Etre qui eft la charité même. Or que ce foit là l'idée, que Voi. Le Dieu donne des facrifices faits à Moloch, c'eft vitiq. ce dont on ne pourra douter, fi l'on confulte XVIII. 21. les paffages que nous nous contentons d'indi Jirem: quer, craignant de tomber dans une longueur vII, 31 exceffive fi nous les rapportions dans toute leur Voi. furg étendue.

XX. I.2q,

tout

Deuter.

Suppofé que l'immolation de victimes humai- x11. 31.9. nes fût contraire aux Loix Divines, comme XVIII. I nous croyons l'avoir prouvé; Jephthé ne pouvoit pas faire mourir fa Fille, quand même il auroit

Ee 2

[ocr errors]

auroit voué de l'offrir en holocaufte. Nous avons vû dans d'autres endroits que celui, qui fait un vœu contre la Loi de Dieu, commet un crime; mais que celui, qui remplit un pareil vœu, comment un fecond crime, bien loin d'effacer le premier. Les Payens mêmes ont reconnu la juftice de cette Maxime. * Et voici des paroles bien remarquables de Ciceron fur un fujet, qui a beaucoup de rapport à celui que nous traitons: Quelle conduite, dit-il, que celle

Agamemnon? Il avoit fait vœu de facrifier à Diane ce qui naitroit de plus beau cette année-là dans fon royaume il lui facrifia Iphigenie, la propre fille, dont la beauté furpaffoit en effet celle de toutes les perfonnes qui naquirent cette année-là: promelle qu'il auroit fallu violer plûtôt que de faire une action fi noire. Quid Agamemnon? Cum devoviffet Diana, quod in fuo regno pulcherrimum natum esset illo anno, immolavit Iphigeniam, quâ nihil erat eo quidem unno natum pulchrius. Promissum potiùs non faciendum, quàm tam tetrum facinus admittendum fuit.

Ce que nous avons dit à l'égard de la vie des enfans, que leurs pères n'avoient point de droit d'en difpofer, même pour les offrir en facrifice à Dieu, nous le difons à l'égard de la Virginité. Je fai bien que quelques 23 Auteurs Juifs ont prétendu, non feulement que Jephthé avoit voué fa Fille au célibat; mais qu'il n'avoit rien fait en cela que de conforme à une coûtume établie dans ce temps-là. C'est ce qu'a foûtenu

21. Dans le III. volume de nos Difcours IV. pag. 113. 22 CICERO de Officiis lib. III. cap 25.

23 Voiez en la lifte dans SELDEN da Jure N. G. lib. IV. cap. 11. pag. 554.

24 Voi, le Traité Imre Bina cap. 6o.

foûtenu en particulier 4 le Rabbin Azarias dans un Livre intitulé nr 8, Imre binah, c'est-àdire, les Dits ou les Propos de la prudence. Il cite dans cet Ouvrage un Jedidæus d'Alexandrie, que l'on croit avoir vêcu avant la deftruc tion du fecond Temple. Ce Jedidæus, en parlant de la vie folitaire, avoit dit que les Juifs formoient anciennement des Sociétez de femmes, qui fe fequeftroient du refte des vivans, qui renonçoient aux convoitifes du fiècle, & qui fe confacroient entiérement au fervice de Dieu. 25 Le Cardinal Baronius a non feulement adopté cette hypothèse, mais il l'a portée plus loin. Il a avancé qu'il y avoit dans le Temple de Jérufalem des appartemens deftinez pour ceux, qui vouloient fuivre ce genre de vie. Il a crû que c'étoit là que la fainte Vierge avoit été élevée, & que logeoit Anne la Prophéteffe, que quelques-uns ont dit être fille : il eft vrai qu'elle eft appellée veuve dans l'Evangile: mais Luci l'on fiançoit quelquefois les filles, qui n'étoit pas encore nubiles': elles demeuroient dans la maifon de leurs maris après qu'elles étoient fiancées elles mouroient avant que d'avoir confommé leur mariage, elles étoient honorées du nom de veuves. On a logé dans ces appartemens du Temple ces vierges & ces femmes, dont il eft dit dans le Chap. XXXVIII. de Verf. 8. l'Exode & dans le Chap. II. du premier li- Verf. 22) vre de Samuel; Qu'elles s'affembloient par troupes à la porte du Tabernacle d'affignation. On a crû

:

que

Voi. JOSEPH. VOISIN obfervat. in prooem. Pugionis fidei per RAIMUND. MARTIN. pag. 185.

25 BAKONIUs Apparatus ad Annal. Ecclef. pag. 17. Szc. tom. I.

37.

Efd. u.

65.

26.

[ocr errors]

que les Chanteufes, dont il eft parlé dans le Néhém. Livre de Néhémie, dans celui d'Efdras, & VII. 67. dans les Pleaumes, avoient fait vou de virginité pour fe confacrer à chanter les louanges Pleau. de Dicu dans le Temple. On a donné la LXVIII. même idée des filles, que l'Auteur du fecond 2 Macc. Livre des Maccabées appelle récluses. 26 Quelques Savans ont renchéri fur la pensée du Cardinal: comme le Cardinal avoit renchéri fur celle du Rabbin: ils ont crû que fans avoir recours à tous ces paffages, il y en a un dans l'Hiftoire de Jephthé, qui fuffit pour prouver qu'il y ayoit du temps de ce Juge des filles qui fefoient vou de ne fe marier jamais. C'eft le verfet trente-neuviéme du chapitre onziéme des Juges: Or ce fut une coûtume en Ifraël: les Interprètes, que je cite, rapportent ces paroles, non comme on le fait ordinairement à celles qui fuivent; c'étoit une coûtume en Ifrael, que d'an en an les filles d'Ifraël alloient pour lamenter la fille de Fephthé: mais à celles qui préce dent: elle n'avoit point connu d'homme: felon cette Interprétation, ces paroles, c'étoit une coûtume en Ifraël, fignifient que c'étoit une chofe établie parmi les Juifs du temps de Jephthé, que les filles fiflent le vou de célibat.

Je laiffe au difcernement du Lecteur à juger, fi les raifons, que nous venons de rapporter, fuffifent pour établir l'hypothefe, en faveur de laquelle on les allègue. Ce qui eft dit d'Anne la Prophétefle, qu'elle ne bougeoit point du Temple, prouve-t-il quelle y cût un appar

tement

26 PERKINS tom. II. lib. 2. Cas of confcience chap. 13. quæft. 3. pag 113. The custome of vowing virginiție beganne in thofe daies, but they thought it not a fate of perfection, but rathes an estate of miferie, as mai apaere in

"

[ocr errors]

tement? Ne peut-on pas entendre par là fimplement qu'elle étoit affidue aux exercices facrez comme les Apôtres, auxquels St. Luc rend ce Luc xxiv, témoignage, qu'ils étoient toûjours dans le Temple 53 · Louans & béniffans Dieu? 27 Grégoire de Nyffe dit que l'Hiftoire de l'éducation de la fainte Vierge dans le Temple eft apocryphe, & d'un Auteur incertain: Il n'ofe pourtant pas la traiter tout-à-fait d'abfurde: nous croyons devoir être moins fcrupuleux que ce Père fur cet article: ceux qui examineront les circonstances de cette Fable, aquiefceront fans peine au jugement que nous en fefons:,,Elle porte que Joachim, le père de cette fainte femme, & Anne fa mère avoient été longtemps fans enfans: qu'ils obtinrent enfin Marie par leurs prières : qu'ils la confacrerent à Dieu qu'ils la menèrent dans le Temple dès qu'elle eût atteint l'âge de trois ans, qu'elle fût élevée dans les appartemens de ce lieu facré, ,, qui étoient deftinez aux vierges : que là elle fut non feulement fouvent admife à la converfation des Anges, mais que ces Efprits bienheureux la nourriffoient avec des viandes, qu'ils apportoient eux-mêmes du Ciel : ,, qu'aiant paflé neuf ans de cette manière, elle perdit for père & fa mère: qu'elle fit alors le vœu d'une virginité perpétuelle: mais que comme la merveilleuse beauté, dont elle étoit douée, auroit pû rendre fufpect fon commerce avec les Sacrificateurs,

[ocr errors]
[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

", on

that he rent his cloaths vohen shee met him, &c.
27 GREGOR. NYSSEN. De iis qui pramature abri-
piuntur, Tom. III. pag 346. &c.

Voi. aufli TILLEMONT Ménoires Ecclefiaftiques tom. I. pag. 484, &c.'

[ocr errors]

Ee 4

« PreviousContinue »