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question de liberté et de fraternité : il y a en tout, un juste milieu, et les arts, ainsi que les belles-lettres, exigent pour leur développement, une liberté à laquelle on ne peut porter la plus légère atteinte, sans nuire essentiellement à leurs progrès.

Au moyen de ce que la république étoit décrétée et substituée à la monarchie, il étoit bon de ne pas laisser subsister les anciennes dénominations qui pouvoient rappeler la royauté; effectivement, on avoit banni toutes les anciennes qualifications féodales, et chaque jour on faisoit dispareître avec la plus grande activité, tous les signes, tous les noms qui pouvoient avoir quelques rapports à l'ancien régime; les armoiries, les fleurs-de-lys furent enlevées de tous les édifices, de tous les lieux où elles pouvoient encore se trouver, on fur jusqu'à déclarer suspects, et à incarcérer comme tels; des citoyens qui, sans mauvaise intention, avoient oublié de faire disparoître ces marques proscrites, parce qu'elles se trouvoient quelquefois dans des endroits écartés, ou des recoins de leurs maisons qu'ils n'avoient pas ap

çus. Comme les plaques de cheminées étoient presque toutes ornées d'un écusson portant les armes de France, tous les citoyens furent obligés de les faire retourner; on supprima aussi les dénominations de villes, bourgs et villages, auxquelles on substitua le nom de commune.

Parmi des réformes ridicules en ce genre, on en fit aussi d'utiles ou de plus sérieuses : en attendant que l'on réformât les poids et mesures, que l'on mît de l'uniformité entr'elles; en attendant que l'on changeât les monnoies et particulièrement leur effigie, et que l'on substituât le systême décimal au systême duodénaire, on réforma l'ancien calendrier, et on le remplaça par un autre, dont la division des mois en décades, s'allioit d'avance avec le calcul décimal qu'on se proposoic dèslors d'établir. Voici les articles fondamentaux du décret rendu à ce sujet. « L'èrè des Français compte de la fondation de la république, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l'ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l'équinoxe vrai d'automne, en entrant dans le signe de la Balance, à

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9 heures 18 minutes 30 secondes du matin , pour l'Observatoire de Paris. L'ère vulgaire est abolie pour les usages civils. Le commencement de chaque année est fixé à minuit, commençant le jour où tombe l'équinoxe vrai d'automne, pour l'Observatoire de Paris. La première année de la république française a commencé à minuit, le 22 septembre 1792, et a fini à minuit, séparant le 21 du 22 septembre 1793. Le décret qui fixoit le commencement de la seconde année républicaine est rapporté tous les actes datés de l'an second de la république, dans le courant du 1. janvier au 22 septembre 1793 exclusivement, doivent être regardés comme appartenant à l'an 1er. de la république ».

L'ancien calendrier avoit quelque chose de ridicule en soi, d'inconvenant, et particulièrement pour des chrétiens, en ce que La dénomination des mois dérivoit des dieux du paganisme; il étoit ridicule aussi que les mois de septembre, octobre, novembre et décembre, qui, par leur qualification , par le mécanisme de leurs noms,

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sembloient devoir être les 7, 8 ,9 et 1omes mois de l'année, n'en fussent que les vième, dixième, onzième et douzième. La dénomination des jours de la semaine étoit également pour le tems passé un mélange de profane et de sacré ; elle rappeloit indistinctement et Mars et Vénus et le jour du sabat et le jour destiné à sanctifier le christ. Mais ce que l'ancien calendrier offroit sans doute de plus risible aux yeux des penseurs, et de plus affreux pour les nouveaux réformateurs, c'étoit cette légende interminable de saints, de tous les âges, de tous les tems, de tous les lieux, de tout sexe, dont les noms se trouvoient impitoyablement accolés à chaque jour de l'année. Tous ces héros chrétiens, dont les promesses étoient aussi fabuleuses et moins riantes que celles des demi-dieux de l'antiquité, ne faisoient plus depuis long-tems qu'exciter le rite de la pitié, et à l'exception de quelques-uns qui méritoient plus la qualification de grands hommes que celle de saints, les autres n'étoient guère connus que par leur dé mence, leur frénésie ou les contes risibles

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que leur avoient attribué autrefois des charlatans fanatiques, pour tromper le peuple grossier dans des tems d'ignorance et de barbarie. Aussi dans le nouveau calendrier, s'empressa-t-on de jeter de côté tous ces objets usés d'une sorte et an tique vénération; ce n'étoit pas un mal, mais on verra bientôt que la manière dont on s'y prit pour déloger les saints des églises, après les avoir expulsés du calendrier, se sentit des horreurs du tems et que l'on ne fit rien sous le régime de la terreur, qui ne portât l'empreinte de ce règne funeste.

Dans le nouveau calendrier, les mois ainsi que les jours reçurent une nouvelle dénomination, une dénomination plus analogue à ce qu'ils devoient exprimer, à la température dans laquelle ils se trouvoient classés; par exemple, le mois dans lequel on recueille les fruits, fut appelé Fructidor. Cette méthode de faire signifier par le nom du mois, la production que donne la terre pendant le cours de ce mois, ou de lui faire signifier les variations de l'atmosphère, n'étoit pas nouvelle, ella

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