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favenr. Des écrivains entrèrent dans la lice. Linguet publia pour l'empereur des Considérations sur l'ouverture de l'Escaut, auxquelles le jeune Mirabeau répondit, excité par le ministere de France. On alléguait pour les Pays-Bas, le droit naturel, qui voulait qu'un peuple pût jouir de la navigation entière d'un fleuve, quand une grande partie de son cours avait lieu sur son territoire. On mettait en avant," 'du côté de la république, les grands travaux qui avaient fait des embouchures une véritable propriété de l'industrie hollandaise. On disait que la sûreté même des Provinces- Unies exigeaït la fermeture de l'Escaut; on prétendait ( ce qui mérite sans doute d'être remarqué ) que les avantages commerciaux qui résultaient pour la Hollande de ces restrictions opposées au commerce de la Belgique, avaient spécialement déterminé les états-généraux dans tous les temps à ne point faire valoir leurs prétentions sur les Pays-Bas, comme ayant été anciennement unis à leurs provinces. La médiation de la France termina cette discussion. Par le traité de Fontainebleau, en 1785, Ie traité de Munster fut confirmé, et l'Escaut interdit de nouveau aux Belges. Une somme d'argent délivra la république de toutes les autres prétentions impériales (1). La Belgique fut donc encore sacrifiée par cette transaction.

Les habitans des Pays-Bas avaient vu avec enthousiasme l'empereur s'occuper de leur rendre cette précieuse navigation de l'Escaut, que les Hollandais leur disputaient avec tant d'opiniâtreté. Le dénouement de cette importante affaire les mécontenta, mais bientôt d'autres essais non moins irréfléchis de Joseph excitèrent des troubles, sur lesquels il est nécessaire de donner quelques détails, dans notre pays, surtout où l'on n'a prêté qu'une faible attention à des événemens dont la gravité devait naturellement être effacée par tout ce qu'il y a de mémorable dans l'histoire nationale à cette époque.

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(1) Soulavie, Mémoires du règne de Louis XVI, tome V.

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L'empereur voulut donc, en 1786, opérer l'organisation nouvelle qu'il méditait. Les Pays-Bas furent divisés en neuf cercles, ayant tous un capitaine ou intendant pour chef. Puis, au commencement de l'année suivante, le gouvernement général communiqua aux états des provinces, aux tribunaux supérieurs, aux corps des villes, deux diplômes constitutifs, l'un relatif à l'administration, l'autre à un nouvel ordre judiciaire. Une foule de dispositions de ces deux décrets violaient ouvertement les capitulations et priviléges des provinces, et ils étaient opérés sans le concours des états; c'en était assez sans doute pour exciter en Belgiqué de vives alarmes, mais les termes impératifs dans lesquels on les avait conçus suffisaient seuls pour les faire répudier. Tel était le début de l'un d'eux : «Joseph, par la grâce de Dieu, etc., ayant résolu de donner au gouvernement général de nos provinces bélgiques, une forme nouvelle pour la direction et l'expédition la plus prompte et la plus régulière des affaires de son ressort, nous statuons » et ordonnons les articles suivans:

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I. Nous supprimons les trois conseillers collatéraux et la » secrétairerie d'état, etc. »

Des réclamations assaillirent de toutes parts le réförmateur. La requête des états de Flandre est remarquable, et peut donner une idée de la situation de l'esprit public dans ces provinces, à l'époque dont il s'agit. Après avoir demandé la permission de réclamer au pied du trône l'exécution du traité solennellement juré au jour de l'inauguration de l'empereur, comme comte de Flandre, les députés exposaient avec force toutes les violations à ce pacte fondamental, qu'entraînait l'exécution des diplômes impériaux. Ils terminaient ainsi :

• A ces causes, nous venons avec les plus vives et les plus respectueuses instances nous prosterner au pied du trône, et vous supplier, Sire, de nous maintenir dans la conser

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vation de tous les avantages qui nous sont assurés par le serment inaugural de Votre Majesté.

» De révoquer, en conséquence, les édits portant atteinte à notre constitution et à nos droits.

» De rétablir en Flandre, un conseil d'appellation, où les fidèles sujets de cette province puissent obtenir droit et justice par des juges instruits dans leurs, lois et coutumes.

D'assurer la conservation, des. abbayes, chapitres et communautés ecclésiastiques et, religieuses; de pourvoir d'abbés réguliers les maisons sans chef, ainsi qu'il a toujours été fait, et de ne pas eu établir de commandataires....

» De ne plus supprimer de maisons religieuses, et de confier aux états l'administration de celles qui ont subi ce sort en Flandre

»De conserver aux magistrats des villes et châtellenies respectives l'administration de la police et des deniers publics.

» D'ordonner que tous commissaires départis seront soumis à la constitution du pays et à l'état, sans pouvoir empiéter en aucune manière sur les droits et priviléges appartenant aux magistrats.

» De conserver à la jurisdiction ordinaire la tutelle des

mineurs.....

De conserver la députation des états et leurs assemblées dans la capitale de la province sur le pied antérieur, en leur conservant aussi l'administration des deniers publics..

» Nous supplions enfin, en cas que quelque innovation fût jugée nécessaire, de ne pas l'introduire sans le concours des états, qui, s'il en arrivait autrement, ne pourraient s'abs-tenir, le pacte inaugural à la main, de réclamer et de protester contre toutes les infractions qui en résulteraient.

L'agitation fit de rapides progrès quand on eut reconnu que la ferme volonté de l'empereur était de n'avoir point égard à ces représentations. Des corps de volontaires, se formèrent dans plusieurs provinces, et quelques états refur sant les subsides au gouvernement semblaient ainsi disposés.

à se mettre en hostilité ouverte. Les gouverneurs généraux (c'étaient alors le duc de Saxe-Teschen et l'archiduchesse Marie-Christine, mere de Joseph) se virent bientôt forcés, par l'effervescence générale, à déclarer aux états leur intention de rétablir provisoirement les anciennes institutions, par une lettre datée du 28 mai 1787, et qui commençait en ces termes : « Très-révérends, révérends pères en Dieu, » nobles chers et bien-aimés. Ayant reçu et examiné les représentations que vous nous avez adressées le 15 de ce » mois, nous les avons portées à la connaissance de l'em, » pereur,..... en proposant à Sa Majesté les moyens les plus » conformes au vou de la nation, bien certains que vous » reposant sur nos soins et nos sentimens, comme sur će » que nous avons déclaré et vous déclarons encore par la » présente, vous attendrez avec autant de confiance que de » tranquillité la résolution que l'éloignement actuel de Sa Majesté doit nécessairement retarder. »

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Il n'en fut pas comme les sérénissimes gouverneurs l'ar vaient espéré. Le lendemain, une vaste insurrection éclata à Bruxelles. Une multitude innombrable armée, et portant le lion belgique sur la poitrine, entoure le palais des princes et repousse les gardes. Déjà un membre de l'assemblée des états a prononcé le mot de république; le gouvernement croit alors devoir adhérer au vœu public si violemment exprimé, et il déclare solennellement que toutes innovations sont et demeurent supprimées, et que les anciennes institutions sont partout rétablies. Le calme renaît alors, et l'empereur, obligé de soumettre ses impérieuses volontés à l'énergie de ce peuple, consent à tout après avoir obtenu de vaines excuses,

On peut présumer qu'en des temps plus reculés, les troubles eussent été terminés après ce triomphe du vœu populaire, car ce qui caractérise surtout le peuple dont nous esquissons l'histoire, c'est une sorte de retenue jusque dans les actes les plus violens; mais l'esprit qui allait ébranler

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tous les trônes de l'Europe avait déjà fait de rapides progrès dans ce pays limitrophe de la France. Là aussi on ne rêvait qu'indépendance, et l'on s'indignait d'avoir pour souverain un monarque étranger. Le triomphe que la liberté venait d'obtenir n'avait fait qu'enflammer davantage les têtes exaltées par la pensée d'un entier affranchissement. Il ne fallait donc qu'une étincelle pour produire un nouvel incendie.

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Joseph avait cédé, mais en conservant l'espoir que ses volontés recevraient plus tard leur accomplissement. Il y travaillait done sourdement avec cette opiniâtreté qui le caractérisait. C'était surtout pár l'instruction de la génération nouvelle qu'il espérait en venir à ses fins, de sortë qu'il créait en divers lieux des instituts, oft des maîtres nouveaux enseignaient à la jeunesse de nouvelles doctrines. Il s'établit entre ces écoles et celles de l'antique et célèbre université de Louvain une rivalité qui tourna tout à l'avantage des dernières, parce qu'il suffisait que les autres fussent de création impériale pour qu'elles fussent vues avec déplaisir. L'empereur, qui n'aimait pas cette université depuis les derniers troubles of elle avait eu une influence marquée, chercha dès-lors à la rabaisser en attaquant ses prérogatives; la jeunesse prit fait et cause; une nouvelle agitation se manifesta. Des subsides demandés par l'empereur furent refuses par les états du. Hainaut et du Brabant. Sa colère ne connut plus alors de bornes. Il cassa les états et le conseil souverain, abolit la joyeuse entrée, et révoqua même l'amnistie qu'il avait précédemment accordée. Plusieurs personnes furent arrêtées. slausy

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On croit qu'alors fut formellement arrêté le projet de soustraire les provinces belgiques à la domination autrichienne, par tous les hommes de ce' pays auxquels on pouvait donner à cette époque la dénomination de patriotes.

La situation politique de ces provinces changea alors totalement. Les premiers troubles avaient été dirigés en

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