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le sang de ce qu'il lui plaît d'appeler ses sujets, que Robespierre ne ménageoit celui des républicains; mais il est bien difficile de croire que ce Robespierre, et ceux qui partageoient son immense puissance, ne travailloient que pour le prétendant; on n'avoit donc aussi envoyé le roi à l'échafaud, que pour faire passer son sceptre aux mains du prétendant, cela n'est guère vrai semblable. Robespierre, que, dans les tems, on avoit accusé de participer à la faction d'Orléans, avoit donc viré de bord bien promptement. Nous pensons que, si Robespierre avoit des vues ambitieuses , que travailloit, ce n'étoit que pour son propre compte, et sur-tout dans les derniers tems de sa monstrueuse domination. Il n'entre pas dans la nature, de commettre autant de crimes qu'il en a commis, uniquement pour en faire le profit d'un autre. Robespierre, si peu politique qu'il ait pu être, n'étoit pas assez dénué de bon sens et d'expérience, pour ignorer que le prétendant, pour lequel il auroit travaillé, une fois sur le trône, n'auroit pas manqué de se défaire d'un homme auquel il auroit eu tant

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d'obligations. Le premier principe des tyrans, et celui dont l'exécution importe le plus à leur tranquillité, est, quand ils, sont parvenus à la puissance, de briser les instrumens dont il se sont servis pour cimenter leur élévation. Robespierre avoit lui-même été fidèle à ce principe, dans le cours de ses longues proscriptions, naturellement il devoit redouter pour un sort qu'il avoit fait subir aux autres.

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Si nous prétendions que Robespierre, lors de sa puissance, travailloit uniquement pour le maintien des droits du peuple et de la liberté, on auroit raison de nous combattre, et on nous combattroit victorieusement, en nous disant: la preuve qu'il ne cherchoit pas à consolider l'égalité et les droits du peuple, c'est qu'il a fait périr tous les amis premiers de la révolution. Mais loin de prétendre que ce tyran à vues étroites, ait jamais voulu consolider la république, nous soutenons au contraire, et beaucoup pensent comme nous, qu'il n'a voulu fonder que sa propre puissance, et que dès lors il avoit pour

ennemis directs tous les premiers soldats

de la liberté, qu'il étoit intéressé à faire périr, parce que ces hommes énergiques vouloient un pacte-social bier co-ordonné, et non une monstrueuse tyrannie. Voilà sans doute une des causes pour lesquelles tous les premiers défenseurs des droits du peuple ont été massacrés par le héros des anarchistes et par les comités de gouvernement qui, ayant bu dans la coupe du pouvoir, ne se soucioient pas d'abandonner les rênes du gouvernement, après les avoir insolemment arrachées des mains de la représentation nationale, qui ne pouvoit recou vrer ses droits sans placer ces brigands sur l'échafaud.

Les riches et les nobles ont été mis à mort par Robespierre, pour n'avoir pas émigré, ou pour avoir, dans le principe, pris part à la révolution. Mais d'abord il étoit intéressant pour la tranquillité personnelle des décemvirs, de ne pas laisser subsister un grand seigneur, un homme décoré d'un grand titre, autour duquel les mécontens pouvoient se rallier; ces monstres faisoient tant de victimes, qu'il falloit que la bombe éclatât, et dans un moment

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de désespoir, ceux-mêmes qui avoient le plus déclamé contre les nobles, dans le commencement de la révolution, devenus royalistes par excès de malheur, pouvoient se jeter d'un moment à l'autre dans les bras d'un homme titré, qui les auroit conduits contre un tyran abhorré, contre' des comités de gouvernement chargés de l'exécration universelle.

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Quant aux riches, ce n'étoit pas parce qu'ils n'avoient pas émigré que Robespierre et ses comités les frappoient sans doute : c'est parce qu'il falloit de l'or, et qu'on ne pouvoit en prendre qu'à ceux qui en avoient; il falloit de l'or et des richesses pour entretenir des armées innombrables; il falloit d'autant plus le voler, cet or, que les comités, pour avoir le peuple pour eux, déchargeoient des contributions, et que le trésor national ne pouvoit s'emplir qu'en confisquant les propriétés de ceux dont on tranchoit les têtes. Il falloit des propriétés immenses à ces tyrans, pour les distribuer à leurs satellites; il falloit prendre les grosses propriétés, parce que les gros propriétaires sont dangereux, par les moyens Nn

pécuniaires qu'ils ont entre les mains; il falloit morceler, diviser ces grosses propriétés, parce qu'une grosse fortune qui alimente le commerce chez un peuple policé, nombreux, et qui a besoin d'industrie, doit au contraire, dans un gouvernement absolument despotique et peu populeux, être répartie à l'infini, afin d'anéantir les manufactures, les arts, et d'attacher tellement chaque citoyen à la glèbe, qu'il soit, au lieu de s'occuper de politique, forcé de se courber sans cesse sur son champ, pour en tirer les moyens de subsister.

Robespierre et ses comités laissèrent long-tems triompher les royalistes et les fanatiques dans la Vendée : ils pouvoient la détruire, et ne le firent pas ; ils avoient donc l'intention de seconder les partisans du prétendant ; cela peut être, encore une fois; il est possible que le plan que l'on impute à Robespierre ait existé, mais encore une fois aussi, il étoit intéressant pour lui, pour ses affidés, que la Vendée engloutît une partie de la génération, la France étoit trop peuplée ; en retranchant un quart de ses habitans, et notamment

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