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Imprimerie TRENKÉ et FUSNOT, Maximilianovsky pér., 15. Saint-Pétersbourg.

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SOMMAIRE.

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1. La consultation en écho. 2. Les ricochets et les cloches. 3. Les sorts virgilianes. 4. Les songes. 5. La sibylle de Panzouzt. 6. Raminagrobis et les moines. - 7. Les Dieux en exil. 8. L'astrologue et les modes de divination. 9. La consultation des trois. L'avis du théologien. - 10. L'avis du médecin. 11. La fête de la Jalousie. 12. L'attrait du fruit défendu. 13. Le salaire du médecin. 14. Le docteur en philosophie et Montaigne. 15. L'avis du fou. 16. Rabelais et Molière. 17. Rabelais et Colin d'Harleville.

I.

Le troisième livre de Pantagruel se passe presque tout entier en conversations, et en conversations dont nous ne comprendrons le but qu'au livre suivant. C'est un défaut assurément; le lecteur, qui ne sait pas où on le mène, aurait le droit de s'impatienter des dissertations qu'il rencontre à chaque pas, et de l'obstination de Panurge à résoudre un problème qui semble mal posé. Mais tout cela s'expliquera plus tard, et nous verrons que ce qui a semblé d'abord un hors d'œuvre, n'a pas été mis là sans but. Nous abrégerons toutefois les conversa

tions de Panurge, et n'en garderons que ce qu'elles ont de plus caractéristique et de plus piquant.

Panurge, une fois débarrassé de ses dettes, se présente un jour devant Pantagruel, la puce à l'oreille, les lunettes sur le bonnet, et revêtu d'une grande robe arménienne. Disons d'abord que ce costume, qui nous semble étrange, l'était moins alors qu'il ne le serait maintenant. Les courtisans portaient généralement une bague à l'une ou l'autre oreille, à la manière des Hébreux d'autrefois. L'originalité de Panurge, c'était d'y avoir fait enchasser une puce pour faire un mauvais jeu de mots. Les lunettes au bonnet n'étaient pas non plus une chose inouie; les personnages sérieux et occupés portaient souvent des appendices de ce genre quand même ils n'en avaient aucun besoin. Quant à la toge arménienne, Panurge explique qu'étant décidé à la paix à tout prix, il renonce aux armes de guerre, c'est-à-dire à tout ce qui ressemble à des chausses ou pantalons, les pantalons étant, suivant lui, l'arme de guerre par excellence.

Il songe à se marier et demande l'avis de Pantagruel.

<- Mariez-vous, lui dit Pantagruel, si vous en avez envie.

Mais si vous croyez qu'il est mieux pour moi de rester comme je suis, j'aimerais mieux ne me marier point.

Point donc ne vous mariez.

Voire mais, vous savez qu'il est écrit: Væ soli, malheur à qui vit seul. L'homme seul n'a jamais cette gaieté, cette joie qu'on voit éclater entre les gens mariés.

- Mariez-vous donc, de par Dieu.

Mais si ma femme cessait de m'aimer ? si elle me trompait? voilà un point qui me point. -Point donc ne vous mariez.

- Mais si je venais à tomber malade? il est triste alors d'être seul, sans famille et de se voir soigner à rebours. < J'en ai vu une claire expérience en papes, légats, cardinaux, évêques, prieurs et moines, qui ne sont point légitimement mariés ».

gruel.

Mariez-vous donc, de par Dieu, dit Panta

Mais si, en me voyant malade, ma femme songeait à me chercher un remplaçant, ou ce qui pis est, me volait et me forçait à courir les champs en pourpoint.

-Point donc ne vous mariez, répondit Pantagruel.

Voire mais, alors je n'aurai ni fils ni fille légitimes pour égayer ma maison dans ma vieillesse. Et si vous me voyez triste et abandonné par ma faute, au lieu de me consoler, il pourra bien arriver que vous ou d'autres de mon mal riez.

-Mariez-vous donc.

Sauf votre bon plaisir, dit Panurge, votre conseil ressemble à la chanson de Ricochet >.

II.

Nous ne connaissons pas la chanson de Ricochet; mais nous connaissons de nombreux dialogues en vers et en prose, dans lesquels le dernier mot d'une question fournit une réponse en écho. Il y a, dans les Colloques d'Erasme, un dialogue de ce genre. Il y en a dans les poésies de Racan, dans les premières co

médies de Corneille, dans la Princesse d'Elide de Molière, etc. Les plus curieuses se trouvent dans un poème sur le séjour de la Madeleine à la Ste-Baume, en Provence, poème qui n'a pas moins de douze chants, remplis d'acrostiches, d'anagrammes, de tours de force, où les termes de grammaire se marient aux termes de rhétorique et de logique, pour exprimer les remords d'un cœur touché de la grâce divine. Toute la moitié du second livre est composée de rimes en écho. En voici quelques échantillons : Qui me soulagera dans mon inquiétude ? Étude. De qui suivait les pas autrefois Madeleine? d'Hélène. Et que donne le monde aux siens le plus souvent? - Vent. Que faut-il dire auprès d'une telle infidèle ? Fi d'elle. Dis-moi doncques, Echo, serai-je ici longtemps? Ecoutez-moi, Rochers, et toi, mon Antre, entends:

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Trente

ans, etc.

Cette étrange collection de futilités péniblement accumulées est d'un Carme provençal le P. St-Louis. Rabelais donnera place à ses pareils dans l'île d'Énasin. L'ouvrage a été reproduit par La Monnoye dans un Recueil de Pièces curieuses, 2 vol. in-12. 1714.

Quant à l'idée même du colloque, Rabelais l'a prise d'un sermonaire célèbre du XVe siècle, Raulin, qui, dans son sermon de viduitate', raconte l'anecdote suivante. Le texte est en latin, mais les cloches parlent français.

Une veuve vint trouver son curé pour lui demander s'il lui conseillait de se remarier; elle alléguait qu'elle était sans aide et qu'elle avait un valet excellent et très habile dans le

1 Raulini Opus sermonum de adventu, 1519, Paris. Le texte est cité par G. Peigné (Philomneste) dans son Prédicatoriana. Dijon, 1841.

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