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HISTOIRE

ANCIENNE

DES GRECS

AVANT-PROPOS.

§. I. Caractère & plan de l'hiftoire renfermée dans ce Volume.

L

'HISTOIRE dont ilme reste à parler dans cet Ouvrage, qui eft celle des Succeffeurs d'Alexaudre, renferme l'efpace de deux cens quatre-vingts treize années, depuis la mort d'Alexandre & le commencement du règne de Ptolemée fils de Lagus en Egypte, jufqu'à la mort de Cléopatre, où l'Egypte devint fous l'Empereur Augufte une province de l'Empire Romain. Tome VII.

A

Cette

Cette hiftoire va préfenter à nos yeux tous les crimes qu'une ambition effrénée entraine ordinairement après elle jaloufie, mauvaise foi, trahison, ingratitude, abus criant du fouverain pouvoir, cruauté, impieté; en un mot, l'oubli de tous les fentimens naturels de probité & d'honneur, & le violement de toutes les loix tant humaines que divines. Ce ne feront plus que difcordes funeftes, que batailles fanglantes, que révolutions affreufes. Des hommes autrefois amis, élevés enfemble, d'une même nation, compagnons des mêmes périls, inftrumens des mêmes exploits & des mêmes conquêtes, confpireront à mettre en piéces l'Empire qu'ils avoient tous concouru à former aux dépens de leur fang. On verra les Capitaines d'Alexandre immoler à leur ambition la famille de ce Prince, fon frere, fa mere, fes femmes, fes enfans, fes fœurs; & n'épargner point eux-mêmes ceux à qui ils devoient ou à qui ils avoient donné la vie. Ce ne font plus ces beaux fiécles de la Grèce, féconds en grands hommes & en grands exemples. Si l'on en trouve encore quelques traces & quelques reftes, ce font comme des éclairs qui

paffent rapidement, & qui ne fe font remarquer que par la profonde nuit qui les précéde & les fuit.

Je fens parfaitement, & je ne puis. le diffimuler, combien un Ecrivain est à plaindre, de n'avoir plus à montrer la nature humaine que par des endroits qui la deshonorent, & qui ne peuvent manquer de caufer un fonds de dégout & une fecrette afflic. tion à ceux qu'on en rend les-fpectateurs. L'histoire pert ce qu'elle a de plus intéreffant, & de plus capable de plaire & d'inftruire, quand elle est réduite à ne le faire que par l'horreur du crime, & par les malheurs qui le fuivent ordinariment, & qui en font la jufte punition. Il eft difficile de retenir long-tems l'attention du Lecteur fur des objets qui n'excitent que fon indignation, & ce feroit lui faire injure que de paroitre vouloir le porter à éviter des paffions pouffées aux derniers excès, dont il ne fe croit point capable.

Quel moien de répandre de l'agrément dans une narration qui n'of fre qu'une uniformité de vices & de forfaits, & qui met dans la néceffité de déveloper avec foin & en détail

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les actions & les caracteres d'hommes qui ne font nés que pour le malheur du genre humain, & dont la poltérité devroit ignorer jufqu'au nom? Plufieurs même pourront penfer qu'il eft dangereux de familiarifer l'efprit du commun des hommes avec le fpectacle affidu de crimes trop heureux, & de s'arréter à décrire les injuftes fuccès de ces illuftres criminels dont la longue profpérité, accompagnée fouvent des privileges & des récompenfes de la vertu, femble aux perfonnes foibles accufer la Providence.

Cette histoire, déja fort defagréa ble par l'endroit que je viens de marle devient encore davantage par quer, l'obfcurité & la confufion qui y règne, à laquelle il eft difficile, pour ne pas dire impoffible, de remédier. Dix ou douze Capitaines d'Alexandre fe font mutuellement la guerre après fa mort pour partager entr'eux fon empire, pour s'affurer chacun quelque démembrement plus ou moins grand de ce vafte corps. Tantót amis feints, tantôt ennemis déclarés, ils forment différens partis, différentes ligues,qui ne durent qu'autant que l'intérêt de

&

cha

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chaque particulier le fouffre. La Ma cédoine changea de maitre cinq ou fix foi en affez peu de temps. Comment mettre de l'ordre & de la clarté dans une fi grande multitude & une fi prodigieufe diverfité d'événemens qui fe croifent les uns les autres, & dont le fil fe rompt à chaque inftant?

D'ailleurs, je n'ai plus d'Auteurs anciens qui puiffent me conduire dans ces ténèbres & dans ce cahos. Diodore, après m'avoir guidé quelque tems, m'abandonnera, & aucun autre ne prend fa place. On ne trouve nul

le part rien de fuivi. On ne peut donner ni les liaisons des événemens, ni les circonstantes exactes des faits ef. fentiels, ni les motifs des réfolutions, ni le caractère propre des principaux acteurs. Je me trouve heureux & me confole quand Polybe ou Plutarque viennent à mon fecours. Dans ce que je dirai des Succeffeurs d'Alexandre, qui eft peut-être la partie de l'hiftoire ancienne la plus compliquée, & la plus mélée d'obfcurités & d'embarras, Ufférius, Prideaux, & M. Vaillant, feront mes guides ordinaires; & fouvent je ne ferai que copier Prideaux. Je ne me promets pas, avec cela, de A 3

pou

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