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tyran l'influence qu'il s'est arrógée, je 'ne veux pas, dit-il, qu'il puisse en avoir plus qu'un autre. Fréron déploie plus de vigueur encore, il s'écrie: « Le moment de ressusciter la liberté est celui de rétáblir la liberté des opinions; quel est celui de nous qui peut parler librement, lorsqu'il craint, en ouvrant la bouche, d'être assassiné, je demande qu'on retire aux comités de gouvernement le droit de faire arrêter les membres de la convention ».

Il y avoit beaucoup de courage à faire une pareille proposition; mais c'étoit éloigner les comités de gouvernement : c'étoit les rendre indécis entre Robespierre et la convention, puisque des deux parts ils trouvoient leur anéantissement, ce n'étoit pás le moment de les frapper; aussi Billaud de Varennes, frémissant de la proposition de Fréron, chercha-t-il à la réfuter. Cependant, malgré les efforts de Couthon, pour faire maintenir le décret qui ordonnoit l'envoi du discours de Robespierre à toutes les communes, ce décret fut rapporté ; mais que l'on remarque bien que jusqu'à ce moment, il n'y a que

des anciens partisans de la Montagne, et des anciens Jacobins, qui se mettent en avant le reste de la Gironde, qu'on désignoit sous, le nom de Marais (1), ne bouge pas. Mutilée par les meneurs des Jacobins et de la Montagne, elle se tait dans l'orage, et laisse gronder la foudre qui semble dans ce moment s'éloigner d'elle, et ne menacer que ceux par qui elle fut autrefois écrasée. Ce n'est pas, comme nous l'avons mille fois observé , que dans la Montagne, que dans la société même des Jacobins, il n'y eût d'excellens patriotes, des amis sincères de la liberté, des ennemis de l'anarchie; et certes, beaucoup d'entre eux n'ont jamais participé aux massacres commandés, exécutés en masse, mais les meneurs de la Montagne et de la société-mère avoient guillotiné, embastille la Gironde et les premiers fondateurs de la république, et çe ressentiment que conservoit le Marais, joint à l'oubli dans

(1) C'est ainsi qu'on a appelé long tems is partie de la convention qui siégeoit au milicu de la salle.

lequel!

lequel le laissoit Robespierre, ne lui permettoit pas de paroître encore dans une lutte, où il sembloit d'abord n'être pas menacé.

Étourdi du premier revers qu'il éprouve à la convention, Robespierre court aux Jacobins, il se met en guerre ouverte avec la représentation nationale; dans cette société composée de ses créatures, puisqu'il en a précédemment fait chasser tous ceux qui lui portoient ombrage, ou qu'il vouloit faire proscrire, il fait lecture du discours dont l'impression a été rejetée à l'assemblée. On accueille ce même discours avec transports, on le couvre d'applaudissemens universels, et l'impression que lui en ont outrageusement refusée ses colJègues, cette société la lui accorde avec empressement. Robespierre triomphe dans ce repaire, il attaque avec vigueur. les membres des comités de sûreté générale et de salut public, il se déchaîne contre leurs opérations, qu'il taxe de contre-ré-volutionnaires, et il promet que le lendemain il proposera les seules mesures qui peuvent sauver la république.

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Le paralytique Cóuthon, qui s'étoit fait transporter dans cet antre, pour étayer de ses poumons son patron Maximilien, propose de chasser sur-ie-champ de la société-mère, les autres membres des comités de salut public et de sûreté générale qui sont encore de cette société. Dumas, l'un des présidens du tribunal révolutionnaire, étend plus loin la proscription, il fait la motion de chasser de la convention tous les hommes impurs et sous cette désignation, il entend tous les députés ennemis des boucheries révolutionnaires, tous ceux qui ne sont pas ou ne sont plus dans ce moment unis avec Robespierre, pour coopérer à son élévation. Toutes ces propositions sont accueillies, couronnées du succès le plus prompt ; et quiconque veut élever la voix contre ce qu'elles ont d'horrible, est aussitôt conspué, chassé ́de la société-mère, et désigné comme un conspirateur.

Pendant que cette scène se passoit aux Jacobins, plusieurs membres du comité de salut public réunis en séance, cherchoient à savoir ce qui se passoit dans l'ame de

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leur collègue Saint-Just, qui depuis quel que tems leur avoit parlé d'un rapport qu'il devoit faire le 9 thermidor, à la convention, et qui ne leur avoit pas dissimulé, que plusieurs d'entre eux y étoient inculpés et dénoncés. Ces membres, craignant quelque coup imprévu, lui remontroient, qu'avant de jeter le trouble dans la convention, à qui il étoit juste de dénoncer les, choses qui pouvoient compromettre le, salut de la patrie, il étoit prudent d'examiner les faits en commun afin de ne pas ccasionner une explosion, qui peutêtre n'étoit pas nécessaire. Saint-Just prétendit qu'il ne pouvoit leur communiquer. son discours, parce qu'il l'avoit envoyé à un ami, pour qu'il l'examinât ; en ce cas, lui dirent ses collègues, faites-nous part de la conclusion; Saint-Just refusa. Sur, ces entrefaites, Collot-d'Herbois, qui venoit d'être expulsé des Jacobins, entra au comité de salut public, et considéra froidement Saint Just, qui lui demanda ce qui se passoit à la société. Ce qui s'y passe lui répliqua Collot, quoi! tu nous demande ce qui se passe aux Jacobins ?

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