Le moineau du voisin viendra manger le nôtre ! Non, de par tous les chats ! Entrant lors au combat, ll croque l'étranger. Vraiment, dit maître chat, Les moineaux ont un goût exquis et délicat ! Cette réflexion fit aussi croquer l'autre. Quelle morale puis-je inférer de ce fait? Sans cela, toute fable est un cuvre imparfait. J'en crois voir quelques traits ; mais leur ombre m'abuse. Prince, vous les aurez incontinent trouvés : Ce sont des jeux pour vous, et non point pour ma muse : Elle et ses seurs n'ont pas l'esprit que vous avez.
III. - Du Thésauriseur et du Singe (1). Un homme accumulait. On sait que cette erreur
Va souvent jusqu'à la fureur. Celui-ci ne songeait que ducats et pistoles. Quand ces biens sont oisifs, je tiens qu'ils sont frivoles.
Pour sûreté de son trésor, Notre avare habitait un lieu dont Amphitrite Défendait aux voleurs de toutes parts l'abord. Là, d'une volupté selon moi fort petite, Et selon lui fort grande, il entassait toujours :
Il passait les nuits et les jours A compter, calculer, supputer sans relâche. Calculant, supputant, comptant comme à la tâche; Car il trouvait toujours du mécompte à son fait. Un gros singe, plus singe, à mon sens, que son maître, Jetait quelque doublon toujours par la fenêtre,
Et rendait le compte imparfait: La chambre, bien cadenassée,
(1) Tristan l'Ermite, le Page disgracié, 2e part., ch. XLI. Paris, 1667. 0-12, Histoire d'un Singe qu'on appelloit maistre Robert.
Permettait de laisser l'argent sur le comptoir. Un beau jour dom Bertrand se mit dans la pensée D'en faire un sacrifice au liquide manoir.
Quant à moi, lorsque je compare Les plaisirs de ce singe à ceux de cet avare, Je ne sais bonnement auxquels donner le prix : Dom Bertrand gagnerait près de certains esprits; Les raisons en seraient trop longues à déduire. Un jour donc l'animal, qui ne songeait qu'à nuire, Détachait du monceau tantôt quelque doublon,
Un jacobus, un ducaton,
Et puis quelque noble à la rose (1); Éprouvait son adresse et sa force à jeter Ces morceaux de métal, qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose. S'il n'avait entendu son compteur à la fin
Mettre la clef dans la serrure, Les ducats auraient tous pris le même chemin,
Et couru la même aventure; Il les aurait fait tous voler jusqu'au dernier Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage.
* Dieu veuille préserver maint et maint financier
Qui n'en fait pas meilleur usage!
(1) Le ducaton était une monnaie d'argent valant un peu plus d'un écu. Le noble à la rose et le jacobus étaient deux monnaies d'or d'Angleterre.
Dès que les chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté Leur fait chercher fortune : elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains : Là, s'il est quelque lieu sans route et sans chemins, Un rocher, quelque mont pendant en précipices, C'est où ces dames vont promener leurs caprices. Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s'émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche, Quittèrent les bas prés, chacune de sa part: L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard. Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche. Deux belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont : D'ailleurs, l'onde rapide et le ruisseau profond Devaient faire trembler de peur ces amazones. Malgré tant de dangers, l'une de ces personnes Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant Je m'imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe Quatre qui s'avance Dans l'île de la Conférence (1). Ainsi s'avançaient pas à pas, Nez à nez, nos aventurières,
Qui, toutes deux étant fort fières, Vers le milieu du pont ne se voulurent pas L'une à l'autre céder. Elles avaient la gloire De compter dans leur race, à ce que dit l'histoire, L'une, certaine chèvre, au mérite sans pair, Dont Polyphème fit présent à Galatée;
Et l'autre, la chèvre Amalthée,(1)
Par qui fut nourri Jupiter. Faute de reculer, leur chute fut commune :
Toutes deux tombèrent dans l'eau.
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(1) C'est l'ile des Faisans, formée par la rivière Bidassoa, qui sépare i France de l'Espagne, entre Fontarabie et Andaye. C'est là que se tinrent les conférences pour la paix des Pyrénées et le mariage de Louis XIV; et an donna, par cette raison, à cette île le nom d'ile de la Conférence.
maithe nicht :(*187".
nice in lout a rivire
Cet accident n'est pas nouveau Dans le chemin de la fortune.
Qui avait demandé à M. de La Fontaine une fable qui fût nommée
le Chat et la Souris (1). Pour plaire au jeune prince à qui la Renommée
Destine un temple en mes écrits, Comment composerai-je une fable nommée
Le chat et la souris ?
Dois-je représenter dans ces vers une belle, Qui, douce en apparence, et toutefois cruelle, Va se jouant des cæurs que ses charmes ont pris
Comme le chat de la souris ? Prendrai-je pour sujet les jeux de la Fortune ? Rien ne lui convient mieux: et c'est chose commune Que de lui voir traiter ceux qu'on croit ses amis
Comme le chat fait la souris.
Introduirai-je un roi qu'entre ses favoris Elle respecte seul, roi qui fixe sa roue, Qui n'est point empêché d'un monde d'ennemis, Et qui des plus puissants, quand il lui plaît, se joue
Comme le chat de la souris (3) ?
(1) Conférez dans la satire Ménippée la Harangue de M. d'Aubray.
(2) • Dedans ce retz vous attirastes le bon homme monsieur le cardina: de Bourbon, pour en faire de luy comme le chat de la soury; c'est-à-dire après vous en estre joué, de le manger. » (Satire Ménippée, Harangue de M. d'Aubray.)
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Mais insensiblement, dans le tour que j'ai pris, Mon dessein se rencontre; et, si je ne m'abuse, Je pourrais tout gâter par de plus longs récits : Le jeune prince alors se jouerait de ma muse
Comme le chat de la souris.
V. - Le vieux Chat et la jeune Souris (1).
Une jeune souris, de pou d'expérience, Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence, Et payant de raisons le Raminagrobis.
Laissez-moi vivre: une souris. De ma taille et de ma dépense Est-elle à charge en ce logis? Affamerais-je, à votre avis, L'hôte, l'hôtesse, et tout leur monde ? D'un grain de blé je me nourris ;
Une noix me rend toute ronde. A présent, je suis maigre; attendez quelque temps : Réservez ce repas à messieurs vos enfants. Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L'autre lui dit: Tu t'es trompée ; Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours? Tu gagnerais autant de parler à des sourds. Chat, et vieux, pardonner! cela n'arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas, Meurs, et va-t'en, tout de ce pas,
Haranguer les seurs filandières : Mes enfants trouveront assez d'autres repas.
Il tint parole. Et pour ma fable, Voici le sens moral qui peut y convenir :
(4) Abstemius, 451, De Vulpe Gallinam incubantem occidere volente.
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