LIVRE DOUZIÈME. I. Les Compagnons d'Ulysse (1). A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE. Prince, l'unique objet du soin des immortels, Il ne va pas, il court, il semble avoir des ailes. Dans la carrière de la gloire. Quelque dieu le retient : c'est notre souverain, Lui qu'un mois a rendu maître et vainqueur du Rhin (3). Peut-être elle serait aujourd'hui téméraire (♥). (1) Plutarque, Que les bêtes usent de la raison en forme de devis, dialogue entre Ulysse, Circé, Cryllus, traduct. d'Amyot, t. XVI, p. 363; ou t. IV des Œuvres morales. Machiavelli, Asino d'oro, t. V, p. 361. Giovan Battista Gello, la Circe. Cet ouvrage a été traduit en français par le seigneur Du Parc, Champenois. A Lyon, 1550, in-8°."} (2) Louis de Bourbon, Dauphin, fils de Louis XIV, et père du duc de Bourgogne, auquel cette fable est dédiée. (3) Il s'agit ici de la campagne de 1688. (WALCK.) (*) Allusion à l'expédition d'Allemagne, en 1690, expédition commandée par de Dauphin Louis de Bourbon. L'armée française, après avoir passé le Rhin, eut ordre de se reployer, sans avoir rencontré l'ennemi. 52. 6) le "exemplum, ut talpa" serait une citation de cet auteur. Je m'en tais: aussi bien les Ris et les Amours S'abandonnèrent à des charmes Qui métamorphosaient en bêtes les humains. Les compagnons d'Ulysse, après dix ans d'alarmes, Erraient au gré du vent, de leur sort incertains. Ils abordèrent un rivage Où la fille du dieu du jour, Circé, tenait alors sa cour. Elle leur fit prendre un breuvage Délicieux, mais plein d'un funeste poison. Quelques moments après, leur corps et leur visago Il sut se défier de la liqueur traîtresse. La mine d'un héros et le doux entretien, Prit un autre poison peu différent du sien. Ulysse était trop fin pour ne pas profiter D'une pareille conjoncture: Il obtint qu'on rendrait à ses Grecs leur figure. Mais la voudront-ils bien, dit la nymphe, accepter? Ulysse y court, et dit : L'empoisonneuse coupe Moi renoncer aux dons que je viens d'acquérir ! Ulysse du lion court à l'ours : Eh! mon frère, Ah! vraiment nous y voici, Reprit l'ours à sa manière: Comme me voilà fait! comme doit être un ours. Je me rapporte aux yeux d'une ourse, mes amours. Je ne veux point changer d'état. Le prince grec au loup va proposer l'affaire ; Qu'une jeune et belle bergère onte aux échos les appétits gloutons Qui t'ont fait manger ses moutons. (1) L's est supprimé pour la rime. Au lieu de loup, homme de bien.— En est-il? dit le loup pour moi, je n'en vois guère. Toi qui parles, qu'es-tu ? N'auriez-vous pas, sans moi, Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous; Il vaut mieux être un loup qu'un homme: Prince, j'aurais voulu vous choisir un sujet Les compagnons d'Ulysse enfin se sont offerts: Votre censure et votre haine (2). (1) VAR. C'étaient, dans beaucoup d'éditions modernes ; mais le singulier est conforme à l'usage du temps de La Fontaine. Il est aussi conforme à la ogique, puisque c'était est formé par élision de ce ou cela était. (2) VAR. Dans le Mercure galant, après ce vers, la fable se termine par les suivants, que l'auteur a retranchés dans son édition de 1694 : Vous raisonnez sur tout; les Ris et les Amours Je leur veux proposer bientôt une matiere Sont faits pour occuper votre âme tout entière. Un chat, contemporain d'un fort jeune moineau, Entre mis, il ne faut jamais qu'on s'abandonne Comme ils se connaissaient tous deux dès leur bas âge, Quand un moineau du voisinage S'en vint les visiter, et se fit compagnon Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle, |