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viduelle, si nous nous trouvons les témoins d'une action juste, ou si nous pensons à une action individuelle qui soit juste.

Aux idées individuelles, et aux idées générales qui sont dans l'intelligence, correspondent dans le langage, les noms individuels, ou noms propres ; et les noms généraux, ou noms

commins.

Le nom propre ne se donne, ne s'applique qu'à un seul individu déterminé. Le nom de Louis XII ne s'applique qu'à un seul roi de France, à celui qui fut surnommé le Père du peuple.

Le nom général s'applique à tous les individus dans lesquels nous retrouvons une même qualité, ou que nous considérons sous un même point de vue. Le nom de roi de France s'applique à tous les chefs de la nation française indistinctement, quand on les considère sous cet unique point de vue, qu'ils ont été chefs de la nation française.

Et l'on voit que les idées générales doivent être plus ou moins générales, comme les noms généraux doivent être plus ou moins généraux. L'idée d'homme est plus générale que celle de roi; l'idée de roi est plus générale que celle de

roi de France; et il en est de même des noms de ces idées comparés entre eux.

Or, on a donné aux idées générales et aux noms généraux le nom de classes.

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· L'idée, le nom, la classe histoire, ont plus de généralité que l'idée, le nom, la classe histoire de la philosophie. Histoire de la philosophie a plus de généralité que l'idée, le nom, la classe histoire de la philosophie ancienne.

que

De même, la classe corps est plus générale la classe végétal; celle de végétal plus générale que celle d'arbre; celle d'arbre plus générale que celle de chêne.

Enfin, pour terminer cette nomenclature, chaque classe prend le nom d'espèce, quand on la compare à une classe plus générale, et le nom de genre, quand on la compare à une classe moins générale. La classe arbre est espèce, par rapport à la classe végétal; genre, par rapport à la classe chéne.

L'idée générale est donc une idée qui nous fait connaître une qualité, un point de vue qu'on retrouve dans plusieurs objets. Elle nous fait connaître une qualité commune, un point de vue commun à plusieurs objets. Elle est une idée de ressemblance; voilà pourquoi les noms généraux, signes d'idées générales, ont été dé

finis, termes de ressemblance, termini similitudinis.

Aucune question n'a divisé davantage les philosophes, que la question des idées géné– rales, qui, en divers temps, ont été appelées simplement idées, ou formes, ou essences, ou natures universelles, ou universaux; elle les a divisés chez les Grecs, dans le moyen âge, et elle les divise encore.

Il n'est pas facile d'exposer clairement la philosophie des Grecs, sur les idées générales. Voici, autant du moins que j'ai pu les saisir, les opinions de trois de leurs philosophes les plus célèbres (1).

Platon observe que toujours l'homme, dans ses ouvrages, imite, ou cherche à imiter un modèle. Il n'importe que ce modèle existe réellement, ou qu'il soit un produit de l'imagination. Le Jupiter Olympien a son modèle dans l'imagination de Phydias. Apelles, en peignant Alexandre, a son modèle dans la personne d'Alexandre. L'historien raconte, d'après .des modèles qui existent, ou qui ont existé. Homère décrit la ceinture de Vénus, d'après un modèle de sa création.

(1) Voyez la 59. et la 65°. lettre de Sénèque à Lucilius.

La nature, dit Platon, ne procède pas autrement. Les pierres et toutes leurs espèces; les plantes et toutes leurs espèces; les animaux et toutes leurs espèces; l'homme, son corps, son âme; le soleil, les astres, tous les êtres, en un mot, portent l'empreinte d'autant de modèles que nous voyons de variétés dans l'univers.

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Or, Platon donne à ces modèles le nom d'idées. Les idées existent avant les choses créées; elles sont éternelles, incorruptibles, impérissables. Renfermées dans le sein même de la Divinité, elles ne participent à aucune des imperfections des êtres créés. L'humanité, qui est le modèle d'après lequel sont formés tous les hommes, subsiste éternellement. Les hommes souffrent et meurent; l'humanité demeure inaltérable; l'idée est toujours la même.

Aristote rejette ces idées éternelles ; il place l'humanité dans les hommes, l'animalité dans les animaux. Suivant ce philosophe, les êtres sont composés de matière et de forme. La matière est la même dans tous; la forme seule varie; non qu'il existe dans la nature autant de formes que d'individus, mais seulement autant que d'espèces.

Les minéraux, les arbres, les animaux,

sont faits, tous et chacun, d'une même matière, mais ils n'ont, ni tous une même forme, ni chacun une forme particulière. Ils n'ont pas tous une même forme, car les êtres que nous appelons arbres ont une forme différente de ceux que nous appelons animaux. Ils n'ont pas chacun individuellement une forme particulière, car tous les individus appelés hommes ont une même forme, l'humanité; tous les individus appelés lions ont la même forme, lion, tous les individus appelés éléphans ont la même forme, éléphant, etc.

Ainsi les formes sont inhérentes aux choses; elles sont partie intégrante des choses, et elles constituent les différentes espèces que nous voyons dans le monde. Aristote donne à ces formes le nom d'eidos, c'est-à-dire, d'images.

Zénon ne fut guère plus content des eidos d'Aristote que des idées de Platon. L'humanité, disait-il, est un point de vue sous lequel nous considérons tous les individus appelés hommes; l'animalité, un point de vue sous lequel nous considérons tous les individus appelés animaux. Un point de vue de notre esprit n'existe pas de toute éternité; il n'existe pas non plus dans les êtres qui sont hors de nous.

Les formes d'Aristote prévalurent. Tous les

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