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à corps : C'est un bon lévrier. Je consens aussi |éventrent, sans compter ceux qui, tombant que vous disiez d'un homme qui court le san- sur vos toits, enfoncent les planchers, vont du glier, qui le met aux abois, qui l'atteint et qui grenier à la cave, en enlèvent les voûtes, et font le perce: Voilà un brave homme. Mais si vous sauter en l'air, avec vos maisons, vos femmes voyez deux chiens qui s'aboient, qui s'affron- qui sont en couche, l'enfant et la nourrice : et tent, qui se mordent et se déchirent, vous di- c'est là encore où gît la gloire; elle aime le retes: Voilà de sots animaux ; et vous prenez un mue-ménage, et elle est personne d'un grand baton pour les séparer. Que si l'on vous disoit fracas. Vous avez d'ailleurs des armes défensique tous les chats d'un grand pays se sont as- ves, et dans les bonnes règles vous devez en semblés par milliers dans une plaine, et qu'a- guerre être habillés de fer, ce qui est sans menprès avoir miaulé tout leur soûl ils se sont tir une jolie parure, et qui me fait souvenir de jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont ces quatre puces célèbres que montroit autrejoué ensemble de la dent et de la griffe; que fois un charlatan, subtil ouvrier, dans une fiole de cette mêlée il est demeuré de part et d'autre où il avoit trouvé le secret de les faire vivre : il neuf à dix mille chats sur la place, qui ont in- leur avoit mis à chacune une salade en tête, fecté l'air à dix lieues de là par leur puanteur; ne leur avoit passé un corps de cuirasse, mis des diriez-vous pas: Voilà le plus abominable sabbat brassards, des genouillères, la lance sur la cuisdont on ait jamais ouï parler? Et si les loups en se; rien ne leur manquoit, et en cet équipage elles faisoient de même, quels hurlements! quelle alloient par sauts et par bonds dans leur bouteille. boucherie! Et si les uns ou les autres vous di-Feignez un homme de la taille du mont Athos: soient qu'ils aiment la gloire, concluriez-vous pourquoi non? une ame seroit-elle embarrassée de ce discours qu'ils la mettent à se trouver à d'animer un tel corps? elle en seroit plus au ce beau rendez-vous, à détruire ainsi et à anéan-large: si cet homme avoit la vue assez subtile tir leur propre espèce? ou, après l'avoir conclu, ne ririez-vous pas de tout votre cœur de l'ingé nuité de ces pauvres bêtes? Vous avez déja, en animaux raisonnables, et pour vous distinguer de ceux qui ne se servent que de leurs dents et de leurs ongles, imaginé les lances, les piques, les dards, les sabres et les cimeterres, et à mon gré fort judicieusement; car avec vos seules mains que pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous arracher les cheveux, vous égratigner au visage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tête? au lieu que vous voilà munis d'instruments commodes, qui vous servent à vous faire réciproquement de larges plaies d'où peut couler votre sang jusqu'à la dernière goutte, sans que vous puissiez craindre d'en échapper. Mais comme vous devenez d'année à autre plus raisonnables, vous avez bien enchéri sur cette vieille manière de vous exterminer vous avez de petits globes qui vous tuent tout d'un coup, s'ils peuvent seulement vous atteindre à la tête ou à la poitrine; vous en avez d'autres plus pesants, et plus massifs, qui vous coupent en deux parts ou qui vous

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pour vous découvrir quelque part sur la terre avec vos armes offensives et défensives, que croyez-vous qu'il penseroit de petits marmousets ainsi équipés, et de ce que vous appelez guerre, cavalerie, infanterie, un mémorable siége, une fameuse journée? N'entendrai-je donc plus bourdonner d'autre chose parmi vous? le monde ne se divise-t-il plus qu'en régiments et en compagnies? tout est-il devenu bataillon ou escadron? Il a pris une ville, il en a pris une seconde, puis une troisième; il a gagné une bataille, deux batailles; il chasse l'ennemi, il vainc sur mer, il vainc sur terre: est-ce de quelqu'un de vous autres, est-ce d'un géant, d'un Athos, que vous parlez? Vous avez sur-tout un homme pâle et livide, qui n'a pas sur soi dix onces de chair, et que l'on croiroit jeter à terre du moindre souffle. Il fait néanmoins plus de bruit que quatre autres, et met tout en combustion; il vient de pêcher en eau trouble une île tout entière3; ailleurs, à la vérité, il est battu et poursuivi; mais il se sauve par les marais, et ne veut écouter ni paix ni trève. Il a montré de bonne heure ce qu'il savoit faire, il a mordu le sein de sa

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nourrice: elle en est morte, la pauvre femme; je m'entends, il suffit. En un mot, il étoit né sujet, il ne l'est plus; au contraire, il est le maître, et ceux qu'il a domptés et mis sous le joug vont à la charrue et labourent de bon courage: ils semblent même appréhender, les bonnes gens, de pouvoir se délier un jour et devenir libres, car ils ont étendu la courroie et allongé le fouet de celui qui les fait marcher; ils n'oublient rien pour accroître leur servitude: ils lui font passer l'eau pour se faire d'autres vassaux et s'acquérir de nouveaux domaines : il s'agit, il est vrai, de prendre son père et sa mère par les épaules, et de les jeter hors de leur maison; et ils l'aident dans une si honnête entreprise.

3

Les gens de delà l'eau et ceux d'en deçà se cotisent et mettent chacun du leur pour se le rendre à eux tous de jour en jour plus redoutable les Pictes et les Saxons imposent silence aux Bataves, et ceux-ci aux Pictes et aux Saxons; tous se peuvent vanter d'être ses humbles esclaves, et autant qu'ils le souhaitent. Mais qu'entends-je de certains personnages 3 qui ont des couronnes, je ne dis pas des comtes ou des marquis, dont la terre fourmille, mais des princes et des souverains? ils viennent trouver cet homme dès qu'il a sifflé, ils se découvrent dès son antichambre, et ils ne parlent que quand on les interroge. Sont-ce là ces mêmes princes si pointilleux, si formalistes sur leurs rangs et sur leurs préséances, et qui consument, pour les régler, les mois entiers dans une diète? Que fera ce nouvel Arconte pour payer une si aveugle soumission, et pour répondre à une si haute idée qu'on a de lui? S'il se livre une bataille, il doit la gagner, et en personne : si l'ennemi fait un siége, il doit le lui faire lever, et avec honte, à moins que tout l'Océan ne soit entre lui et l'ennemi il ne sauroit moins faire en faveur de ses courtisans. César 4 lui-même ne doit-il pas venir en grossir le nombre? il en attend du moins

Le prince d'Orange, devenu plus puissant par la couronne d'Angleterre, s'étoit rendu maître absolu en Hollande, et y faisoit ce qu'il lui plaisoit.

2 Les Anglois.

3 Le prince d'Orange, à son premier retour de l'Angleterre, en 1690, vint à La Haye, où les princes ligués se rendirent, et où le duc de Bavière fut long-temps à attendre dans l'antichambre.

4 L'empereur.

d'importants services: car ou l'Arconte échouera avec ses alliés, ce qui est plus difficile qu'impossible à concevoir; ou, s'il réussit et que rien ne lui résiste, le voilà tout porté, avec ses alliés jaloux de la religion et de la puissance de Cesar, pour fondre sur lui, pour lui enlever l'aigle, et le réduire, lui ou son héritier, à la fasce d'argent et aux pays héréditaires. Enfin c'en est fait, ils se sont tous livrés à lui volontairement, à celui peut-être de qui ils devoient se défier davantage. Esope ne leur diroit-il pas : « La

gent volatile d'une certaine contrée prend l'a<larme et s'effraie du voisinage du lion, dont « le seul rugissement lui fait peur; elle se réfugie auprès de la bête, qui lui fait parler d'accommodement et la prend sous sa protec‹tion, qui se termine enfin à les croquer tous « l'un après l'autre? »

CHAPITRE XIII.

De la mode.

Une chose folle et qui découvre bien notre petitesse, c'est l'assujettissement aux modes quand on l'étend à ce qui concerne le goût, le vivre, la santé et la conscience. La viande noire est hors de mode, et par cette raison insipide; ce seroit pécher contre la mode que de guérir de la fièvre par la saignée : de même l'on ne mouroit plus depuis long-temps par Théotime; ses tendres exhortations ne sauvoient plus que le peuple, et Théotime a vu son successeur.

à

La curiosité n'est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique, pour ce qu'on a, et ce que les autres n'ont point. Ce n'est pas un attachement à ce qui est parfait, mais à ce qui est couru, ce qui est à la mode. Ce n'est pas un amusement, mais une passion, et souvent si violente, qu'elle ne cède à l'amour et à l'ambition que par la petitesse de son objet. Ce n'est pas une passion qu'on a généralement pour les choses rares et qui ont cours, mais qu'on a seulement pour une certaine chose qui est rare et pourtant à la mode.

Le fleuriste a un jardin dans un faubourg; il y court au lever du soleil, et il en revient à son

* Armes de la maison d'Autriche.

coucher. Vous le voyez planté, et qui a pris racine au milieu de ses tulipes et devant la solitaire il ouvre de grands yeux, il frotte ses mains, il se baisse, il la voit de plus près, il ne l'a jamais vue si belle, il a le cœur épanoui de joie il la quitte pour l'orientale; de là il va à la veuve ; il passe au drap-d'or, de celle-ci à l'agate; d'où il revient enfin à la solitaire, où il se fixe, où il se lasse, où il s'assied, où il oublie de diner: aussi est-elle nuancée, bordée, huilée, à pièces emportées; elle a un beau vase ou un beau calice : il la contemple, il l'admire. Dieu et la nature sont en tout cela ce qu'il n'admire point; il ne va pas plus loin que l'ognon de sa tulipe, qu'il ne livreroit pas pour mille écus, et qu'il donnera pour rien quand les tulipes seront négligées, et que les œillets auront prévalu. Cet homme raisonnable, qui a une ame, qui a un culte et une religion, revient chez soi, fatigué, affamé, mais fort content de sa journée : il a vu des tulipes.

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moins que jamais : pensez-vous qu'il cherche à s'instruire par les médailles, et qu'il les regarde comme des preuves parlantes de certains faits, et des monuments fixes et indubitables de l'ancienne histoire? rien moins : vous croyez peutêtre que toute la peine qu'il se donne pour recouvrer une tête vient du plaisir qu'il se fait de ne voir pas une suite d'empereurs interrompue? c'est encore moins: Diognète sait d'une médaille le fruste, le flou1, et la fleur de coin; il a une tablette dont toutes les places sont garnies, à l'exception d'une seule : ce vide lui blesse la vue, et c'est précisément, et à la lettre, pour le remplir, qu'il emploie son bien et sa vie.

Vous voulez, ajoute Démocède, voir mes estampes? et bientôt il les étale et vous les montre. Vous en rencontrez une qui n'est ni noire, ni nette, ni dessinée, et d'ailleurs moins propre à être gardée dans un cabinet qu'à tapisser, un jour de fète, le Petit-Pont ou la rue Neuve : il convient qu'elle est mal gravée, plus mal dessinée; mais il assure qu'elle est d'un Italien qui a travaillé peu, qu'elle n'a presque pas été tirée, que c'est la seule qui soit en France de ce dessin, qu'il l'a achetée très cher, et qu'il ne la changeroit pas pour ce qu'il a de meilleur. J'ai, continue-t-il, une sensible affliction, et qui m'obligera à renoncer aux estampes pour le reste de mes jours: j'ai tout Calot, hormis une seule qui n'est pas, à la vérité, de ses bons ouvrages, au contraire c'est un des moindres, mais qui m'achèveroit Calot; je travaille depuis vingt ans à recouvrer cette estampe, et je désespère enfin

Parlez à cet autre de la richesse des moissons, d'une ample récolte, d'une bonne vendange; il est curieux de fruits, vous n'articulez pas, vous ne vous faites pas entendre: parlezlui de figues et de melons, dites que les poiriers rompent de fruit cette année, que les pêchers ont donné avec abondance; c'est pour lui un idiome inconnu, il s'attache aux seuls pruniers, il ne vous répond pas. Ne l'entretenez pas même de vos pruniers, il n'a de l'amour que pour une certaine espèce; toute autre que vous lui nommez le fait sourire et se moquer. Il vous mène à l'arbre, cueille artistement cette prune ex-d'y réussir : cela est bien rude! quise, il l'ouvre, vous en donne une moitié, et prend l'autre : quelle chair! dit-il; goûtez-vous cela? cela est-il divin? voilà ce que vous ne trouverez pas ailleurs ; et là-dessus ses narines s'enflent, il cache avec peine sa joie et sa vanité par quelques dehors de modestie. O l'homme divin en effet! homme qu'on ne peut jamais assez louer et admirer! homme dont il sera parlé dans plusieurs siècles! que je voie sa taille et son visage pendant qu'il vit; que j'observe les traits et la contenance d'un homme qui seul entre les mortels possède une telle prune !

Tel autre fait la satire de ces gens qui s'engagent par inquiétude ou par curiosité dans de longs voyages; qui ne font ni mémoires, ni relations; qui ne portent point de tablettes; qui vont pour voir, et qui ne voient pas, ou qui oublient ce qu'ils ont vu; qui desirent seulement de connoître de nouvelles tours ou de nouveaux elochers, et de passer des rivières qu'on n'appelle ni la Seine, ni la Loire ; qui sortent de leur patrie pour y retourner, qui aiment à être absents, qui veulent un jour être revenus de loin : et ce satirique parle juste, et se fait écouter.

Mais quand il ajoute que les livres en appren

Un troisième que vous allez voir vous parle des curieux ses confrères, et sur-tout de Diognète. Je l'admire, dit-il, et je le comprends te frust, le feloux.

On lit, dans les éditions publiées du vivant de La Bruyère,

nent plus que les voyages, et qu'il m'a fait comprendre par ses discours qu'il a une bibliothèque, je souhaite de la voir; je vais trouver cet homme, qui me reçoit dans une maison où dès l'escalier je tombe en foiblesse d'une odeur de maroquin noir dont ses livres sont tout couverts. Il a beau me crier aux oreilles, pour me ranimer, qu'ils sont dorés sur tranche, ornés de filets d'or, et de la bonne édition, me nommer les meilleurs l'un après l'autre, dire que sa galerie est remplie, à quelques endroits près qui sont peints de manière qu'on les prend pour de vrais livres arrangés sur des tablettes, et que l'oeil s'y trompe; ajouter qu'il ne lit jamais, qu'il ne met pas le pied dans cette galerie, qu'il y viendra pour me faire plaisir; je le remercie de sa complaisance, et ne veux non plus que lui visiter sa tannerie, qu'il appelle bibliothèque.

Quelques uns, par une intempérance de savoir, et par ne pouvoir se résoudre à renoncer à aucune sorte de connoissance, les embrassent toutes et n'en possèdent aucune. Ils aiment mieux savoir beaucoup qué de savoir bien, et être foibles et superficiels dans diverses sciences que d'être sûrs et profonds dans une seule : ils trouvent en toutes rencontres celui qui est leur maître et qui les redresse; ils sont les dupes de leur vaine curiosité, et ne peuvent au plus, par de longs et pénibles efforts, que se tirer d'une ignorance crasse.

D'autres ont la clef des sciences, où ils n'entrent jamais; ils passent leur vie à déchiffrer les langues orientales et les langues du Nord, celles des deux pôles, et celle qui se parle dans la lune. Les idiomes les plus inutiles avec les caractères les plus bizarres et les plus magiques sont précisément ce qui réveille leur passion et qui excite leur travail. Ils plaignent ceux qui se bornent ingénument à savoir leur langue, ou tout au plus la grecque et la latine. Ces gens lisent toutes les histoires, et ignorent l'histoire; ils parcourent tous les livres, et ne profitent d'aucun: c'est en eux une stérilité de faits et de principes qui ne peut être plus grande, mais à la vérité la meilleure récolte et la richesse la plus abondante de mots et de paroles qui puisse s'imaginer; ils plient sous le faix; leur mémoire en est accablée, pendant que leur esprit demeure vide.

Un bourgeois aime les bâtiments; il se fait bâtir un hôtel si beau, si riche, et si orné, qu'il est inhabitable : le maître, honteux de s'y loger, ne pouvant peut-être se résoudre à le louer à un prince ou à un homme d'affaires, se retire au galetas, où il achève sa vie, pendant que l'enfilade et les planchers de rapport sont en proie aux Anglois et aux Allemands qui voyagent, et qui viennent là du Palais-Royal, du palais L... G...', et du Luxembourg. On heurte sans fin à cette belle porte: tous demandent à voir la maison, et personne à voir monsieur.

On en sait d'autres qui ont des filles devant leurs yeux, à qui ils ne peuvent pas donner une dot; que dis-je ? elles ne sont pas vêtues, à peine nourries; qui se refusent un tour de lit et du linge blanc, qui sont pauvres et la source de leur misère n'est pas fort loin, c'est un gardemeuble chargé et embarrassé de bustes rares, déja poudreux et couverts d'ordures, dont la vente les mettroit au large, mais qu'ils ne peuvent se résoudre à mettre en vente.

Diphile commence par un oiseau et finit par mille: sa maison n'est pas égayée, mais empestée : la cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière: ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme; les vents d'automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu; on ne s'entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement; c'est une affaire laborieuse et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures; il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flageolet, et de faire couver des canaries. Il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parcequ'il chante, ne cesse de chan

1 Lesdiguières.

ter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil ; | passent : s'il est par hasard homme de mérite, lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il n'est pas anéanti, et il subsiste encore par il perche, il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il quelque endroit; également estimable, il est seulement moins estimé.

couve.

Qui pourroit épuiser tous les différents genres de curieux? Devineriez-vous à entendre parler celui-ci de son léopard, de sa plume, de sa musique, les vanter comme ce qu'il y a sur la terre de plus singulier et de plus merveilleux, qu'il veut vendre ses coquilles? Pourquoi non, s'il les achète au poids de l'or?

La vertu a cela d'heureux qu'elle se suffit à elle-même, et qu'elle sait se passer d'admirateurs, de partisans et de protecteurs : le manque d'appui et d'approbation non seulement ne lui nuit pas, mais il la conserve, l'épure, et la rend parfaite : qu'elle soit à la mode, qu'elle n'y soit plus, elle demeure vertu.

Si vous dites aux hommes, et sur-tout aux grands, qu'un tel a de la vertu, ils vous disent : Qu'il la garde; qu'il a bien de l'esprit, de celui

Cet autre aime les insectes; il en fait tous les jours de nouvelles emplettes : c'est sur-tout le premier homme de l'Europe pour les papillons; il en a de toutes les tailles et de toutes les cou-sur-tout qui plaît et qui amuse, ils vous réponleurs. Quel temps prenez-vous pour lui rendre visite? il est plongé dans une amère douleur; il a l'humeur noire, chagrine, et dont toute sa famille souffre, aussi a-t-il fait une perte irréparable approchez, regardez ce qu'il vous montre sur son doigt, qui n'a plus de vie, et qui vient d'expirer; c'est une chenille, et quelle chenille!

dent: Tant mieux pour lui; qu'il a l'esprit fort cultivé, qu'il sait beaucoup, ils vous demandent quelle heure il est, ou quel temps il fait : mais si vous leur apprenez qu'il y a un Tigillin qui souffle ou qui jette en sable un verre d'eau-devie', et, chose merveilleuse! qui y revient à plusieurs fois en un repas, alors ils disent : Où est-il? amenez-le-moi demain, ce soir; me l'amènerez-vous? On le leur amène; et cet homme propre à parer les avenues d'une foire, et à être montré en chambre pour de l'argent, ils l'admettent dans leur familiarité.

Le duel est le triomphe de la mode, et l'endroit où elle a exercé sa tyrannie avec plus d'éclat. Cet usage n'a pas laissé au poltron la liberté de vivre; il l'a mené se faire tuer par un plus brave que soi, et l'a confondu avec un homme Il n'y a rien qui mette plus subitement un de cœur ; il a attaché de l'honneur et de la gloire homme à la mode, et qui le soulève davantage, à une action folle et extravagante; il a été ap- que le grand jeu : cela va de pair avec la craprouvé par la présence des rois; il y a eu quel-pule. Je voudrois bien voir un homme poli, quefois une espèce de religion à le pratiquer: il a décidé de l'innocence des hommes, des accusations fausses ou véritables sur des crimes capitaux; il s'étoit enfin si profondément enraciné dans l'opinion des peuples, et s'étoit si fort saisi de leur cœur et de leur esprit, qu'un des plus beaux endroits de la vie d'un très grand roi a été de les guérir de cette folie.

Tel a été à la mode, ou pour le commandement des armées et la négociation, ou pour l'éloquence de la chaire, ou pour les vers, qui n'y est plus. Y a-t-il des hommes qui dégénèrent de ce qu'ils furent autrefois? Est-ce leur mérite qui est usé, ou le goût que l'on avoit pour eux?

enjoué, spirituel, fût-il un CATULLE ou son disciple, faire quelque comparaison avec celui qui vient de perdre huit cents pistoles en une séance.

Une personne à la mode ressemble à une fleur bleue qui croît de soi-même dans les sillons, où elle étouffe les épis, diminue la moisson, et tient la place de quelque chose de meilleur; qui n'a de prix et de beauté que ce qu'elle emprunte d'un caprice léger qui naît et qui tombe presque dans le même instant: aujourd'hui elle est courue, les femmes s'en parent; demain elle est négligée, et rendue au peuple.

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Une personne de mérite, au contraire, est

Souffler ou jeter en sable un verre de vin, d'eau-de-vie,

Un homme à la mode dure peu, car les modes anciennes expressions proverbiales qui signifioient l'avaler d'un

Noms de coquillages. (La Bruyère.)

trait.

2 Ces barbeaux qui croissent parmi les seigles furent. un été, à la mode dans Paris. Les dames en mettoient pour bouquet.

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