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qu'il avoit tenté avec ses collègues réunis des comités de gouvernement, tous les assassinats commis de concert avec eux, il les avoit soutenus avec un front d'airain; il étoit étayé ; mais, livré à ses propres forces, elles l'abandonnèrent. La peur le dominoit à un tel point, que fa veille d'exécuter l'assassinat de la représentation nationale, il avoit le dessein de s'évader, avant que de s'être souillé de ce dernier for fait.

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Par une première lettre, datée de Londres, on voit que telle étoit son envie. Cette première lettre est à peu près insignifiante, mais, par une seconde, à lui adressée quelques jours après la fête de l'Être suprême, on voit clairement qu'il se ménageoit la ressource d'une prompte évasion. Par cette lettre, on le prie d'être tranquille sur les objets que son adresse a su faire parvenir depuis le commencement de ses craintes. « A présent, « A présent, vous allez employer, lui dit-on, toute la vigilance qu'exige la nécessité de fuir un théâtre où vous devez bientôt paroître et disparoître pour la dernière fois ; il est inutile de vous

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fappeler toutes les raisons qui vous exposent; car ce dernier pas, qui vient de vous mettre sur le sopha de la présidence, vous rapproche de l'échafaud, où vous verriez cette canaille qui vous encense, vous cracher au visage, comme elle a fait à ceux que vous avez jugés. Égalité, dit d'Orléans, vous en fournit l'exemple; ainsi, puisque vous êtes parvenu à vous former ici un trésor suffisant pour exister long tems, ainsi que les personnes pour qui j'en ai reçu de vous, je vais vous at tendre avec grande impatience, pour rire avec vous du rôle que vous avez joué dans le trouble d'une nation aussi crédule qu'a vide de nouveautés... Prenez votre parti d'après nos arrangemens »

Travaillé par l'espoir de regner, tiraille par la crainte d'échouer et la peur du sup plice, ne sachant quel parti prendre, on voit que le lâche n'étoit pas homme à brû ler ses vaisseaux pour se mettre dans la nécessité de vaincre. C'est au milieu de cette incertitude et de cette fluctuation qui devoient le perdre, que le 8 thermidor artiva. Mais avant que d'en venir aux détails

précieux

précieux de cette journée, il est bon de dire un mot des comités de gouvernement et de la convention.

Dans cette circonstance, la position des comités de gouvernement étoit très-gênante pour eux; sans doute ils n'étoient pas instruits à fond de toute la noirceur, de toute l'étendue du projet de Robespierre, mais la scission que ce dernier n'avoit pas craint de faire ouvertement avec eux, les gênoit étrangement, à cause de son immense popularité, et ils ne doutoient pas qu'il n'eût des projets de s'élever à leurs dépens, de s'élever seul sur leurs ruines et celles de la représentation nationale. Comment faire pour perdre Robespierre sans se perdre aussi ? cela étoit impossible. Les comités ne pouvoient l'anéantir, sans rejeter sur lui toutes les horreurs auxquelles il étoir trop notoire qu'ils avoient eux-mêmes grandement participé, et, du moment que les comités, se servant de la convention pour perdre le tyran, rendoient à la convention son énergie, il étoit clair que la convention ne se dessaisiroit plus de Cette énergie recouvrée, et qu'elle s'en

serviroit aussi contre les comités qui, conjointement avec Robespierre, l'avoient mutilée, avilie, septembrisée. C'étoit là toute la frayeur des comités de gouvernement, ils ne pouvoient pas perdre Robespierre, Robespierre ne pouvoit pas être frappé, sans que l'assemblée convention. nelle ne sortit de sa stupeur avec la rapi-dité de l'éclair, et elle ne pouvoit sortir de cette stupeur, sans ravir aux comités l'autorité énorme qu'ils ne vouloient pås perdre et qu'ils ne pouvoient perdfe sans être aussitôt anéantis. Si Robespierte eût pu frapper toute la convention, et les -coinités frapper ensuite Robespierre, il n'est pas douteux que ces autorités, composées de brigands sans pudeur, n'eussent laissé commettre le crime à l'incorruptible, 'pour en recueillir ensuite le fruit; mais, 'cela ne pouvoit être, car Robespierre, en 'égorgeant, au Panthéon, la représentation nationale n'eût pas manqué d'inglober dans le massacre, les membres des comités qui n'étoient pas de son bord. La position de ces comités étoit donc terrible: d'un côté, Robespierre s'élevant, les anéan

tissoit; de l'autre, Robespierre étant anéan ti, la convention reprenoit sa puissance et écrasoit les comités assassins; de cette lutte devoit naître nécessairement leur destruction, et c'est ce qui arriva. Cependant, en attendant cet instant décisif qu'ils s'efforçoient de reculer, ils se tenoient sur la défensive. Billaud de Varennes et Collotd'Herbois, tous deux membres du comité de salut public, n'avoient pour eux que la puissance comitoriale, dont ils se gardoient bien d'abandonner les rênes un seul instant. Leur collègue Barrère, astucieux et fourbe, comme à son ordinaire, Alottoit indécis entre les deux écueils, et attendoit le succès, pour se déclarer et se ranger du côté du parti victorieux.

Quant à la convention, elle ignoroit. l'immensité de l'abîme où un seul coup al. loit la plonger, elle ignoroit que des carrières étoient creusées pour engloutir les cadavres de ses membres; elle ignoroit que la fête prochaine du héros Viala étoit le jour marqué pour éclairer ses funérailles ; mais les horreurs passées, des propos indiscrets, certains faits et plusieurs circons

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