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de chacun de ces magasins, entrepôts ou boutiques, une inscription qui annonce la nature et la quantité de marchandises et denrées de première nécessité qui pourraient y être déposées,* ainsi que le nom du propriétaire; faute de quoi ils seront réputés accapareurs. Les fabricans seront obligés, sous la même peine, de déclarer la nature et la quantité des matières premières qu'ils ont dans leurs ateliers, et d'en justifier l'emploi.

› XI. Les fournisseurs des armées, autres que les négocians et marchands cités dans l'article précédent, produiront à leurs municipalités ou sections des extraits des marchés qu'ils ont passés avec la République ; ils indiqueront les achats qu'ils ont faits en conséquence, ainsi que les magasins ou entrepôts qu'ils auraient établis.

> S'il était prouvé que lesdits entrepôts ou magasins ne sont pas nécessités par la teneur des marchés, et que les denrées ou marchandises de première nécessité qui y sont déposées ne sont pas destinées aux armées, ceux qui auraient établi ces magasins ou dépôts seraient traités comme accapareurs.

› XII. Tout citoyen qui dénoncera des accaparemens ou des contraventions quelconques à la présente loi, aura le tiers du produit des marchandises et denrées sujettes à la confiscation; un autre tiers sera distribué aux citoyens indigens de la municipalité dans l'enceinte de laquelle se trouveront les objets dénoncés, le dernier tiers appartiendra à la république.

› Celui qui dénoncera des marchandises ou denrées détruites volontairement, recevra une gratification proportionnée à la gravité de la dénonciation.

> Le produit de toutes les autres marchandises et denrées confisquées en vertu de la présente loi, sera partagé par moitié entre les citoyens indigens de la municipalité qui aura procédé auxdites confiscations, et la République.

XIII.Les jugemens rendus par les tribunaux criminels en vertu de la présente loi, ne seront pas sujets à l'appel. Un décret particulier de la convention nationale ou du corps législatif annoncera l'époque où cette loi cessera d'être en vigueur.

› XIV. Dès que la présente loi sera parvenue aux autorités constituées, elles en ordonneront la lecture dans leurs séances publiques, et la feront afficher et proclamer au son de la caisse, afin que personne ne puisse en prétexter l'ignorance. ›

Cette loi rassura la capitale, et vint effrayer les agioteurs au moment où les désastres de la Vendée, et ceux plus graves encore de la frontière du Nord, auraient si bien secondé les spéculations sur la baisse des assignats, que bientôt la Convention se serait trouvée sans finances, et le peuple sans pain. Déjà une place importante était tombée au pouvoir de la coalition étrangère, et deux autres allaient subir le même sort.

La capitulation de Condé ne fut connue à Paris que le 18 juillet. Depuis six semaines, les soldats composant la garnison étaient réduits à onze onces de pain, deux onces de cheval, une once de riz et deux tiers d'once de suif par jour. Le service était pénible, et beaucoup d'hommes tombaient malades: néanmoins la garnison, toujours patiente, attendait son sort avec résignation, lorsque le conseil de guerre de la place, convaincu qu'il ne restait de vivres que pour quatre jours, s'assembla et chercha pendant trois jours les moyens de conserver à la République une place forte et de braves soldats. En vain essaya-t-on de faire des sorties, toutes furent infructueuses; enfin, épuisé de fatigues et de faim, on capitula le 12, et la garnison évacua la place le 15 au matin; elle était composée d'environ quatre mille hommes. Les troupes sortirent avec les honneurs de la guerre jusqu'au faubourg du Coq, distant d'un quart de lieue de la . place; là elles posèrent les armes et furent passer la revue du commissaire autrichien à Perné. Les quartiers-maîtres, chirurgiens-majors, aumôniers et caporaux-fourriers, furent renvoyés de cet endroit d'où on les conduisit à nos avant-postes. La garnison divisée eut pour prison Aix-la-Chapelle et Cologne; c'est dans cette dernière ville que fut envoyé le général Chansel, commandant de Condé, et son état-major.

La nouvelle de la reddition de Mayence arriva le 28 juillet, par une lettre de Soubrany et Maribou-Montaut, commissaires

près l'armée de la Moselle. Investie depuis le 6 avril, cette place capitula le 22 juillet.

Mayence est située sur la rive gauche du Rhin; son enceinte présente la figure d'un demi-cercle dont le fleuve marque le diamètre. Elle n'était défendue de ce côté que par une muraille en briques flanquée de tours bastionnées. Sur la rive droite se trouve jeté le gros faubourg de Cassel, uni à la place par un pont de bateaux. L'île d'Ingelhein et celle de Saint-Pierre (Petersau), divisent le Rhin au-dessous de Mayence; la pointe méridionale de la dernière eût été une excellente position pour les assiégeans; de là, en effet, ils pouvaient prendre à revers les défenses de Cassel ainsi que toute la portion nord du demi-cercle de la ville, battre le pont de bateaux et détruire les moulins amarrés sur le fleuve, les seuls qui existassent pour le service de la garnison et des habitans. En amont et un peu au-dessus de Cassel, la rive droite est coupée par l'embouchure du Mein qui forme plusieurs îles.

La place, sur la rive gauche, consistait en quatorze bastions; le premier front, au nord, s'étend sur un bas-fond et se compose de cinq bastions, d'un large fossé rempli par le ruisseau de Zalbach, et d'un retranchement extérieur également entouré d'un fossé. Le second front, à l'ouest, depuis la porte de Munster jusqu'à celle de Gand, se compose de quatre bastions revêtus en maçonnerie; là, les fossés sont secs parce que le terrain s'élève; le bastion d'Alexandre est le plus haut de tous, il domine les environs. Le troisième front, au sud, depuis la porte de Gand au Rhin, se compose d'une citadelle et de cinq bastions; savoir: trois à l'est de la citadelle et deux à l'ouest. A cent cinquante toises de cette première enceinte, on en trouve une seconde devant le deuxième et le troisième fronts; elle compte trois mille pas de développement, et comprend six ouvrages de différentes grandeurs; le Hauptstein, situé sur la croupe du Hardenberg, et qui commande toute la campagne; le fort Joseph, placé sur le Linsenberg; la double tenaille; les quatre forts Philippe, Élisabeth, Italien (Welsche) et Charles; celui-ci et le Hauptstein, ap

puyant les extrémités saillantes de la ligne, sont des ouvrages considérables, surtout le dernier; capable de contenir onze cents hommes, il peut, en effet, être livré à lui-même, et possède une communication souterraine avec la porte de Munster. Les autres forts, comme celui-ci, étaient casematés et contre-minés. En dehors de la double enceinte étaient les villages de Weissenau et de Zalbach, le premier au sud, le second à l'ouest, occupés l'un et l'autre et fortifiés par les Français. Ces postes avancés permettaient de gêner l'ouverture et l'approche des travaux de siége.

Les Français n'avaient rien négligé pour assurer la défense si importante de l'île Saint-Pierre. Pour se ménager un débouché offensif sur la rive droite du fleuve, ils avaient fortifié Cassel qu'ils avaient trouvé entièrement nu, et élevé des retranchemens dans l'île du Vieux-Mein et dans celles de Mars et de Bley.

Les représentans du peuple Merlin (de Thionville) et Rewbell s'étant enfermés dans la place, y exerçaient les pouvoirs civils, militaires et politiques les plus étendus. Un conseil de guerre qu'ils présidaient, et composé de tous les chefs de corps, décidait les principales mesures de défense. Doyré les dirigeait sur la rive gauche; Meunier, membre de l'académie des sciences, connu par les travaux du port de Cherbourg, les dirigeait sur la rive gauche; Aubert-Dubayet commandait les troupes : entre autres officiers distingués qu'il avait sous ses ordres, était Kléber, dont la réputation ne commença qu'en 1794, à la bataille de Fleurus.

La garnison était forte de trente-deux mille hommes. L'armement de la place était incomplet; il eût fallu trois cents pièces sur les remparts, et il n'y en avait que deux cents, tant en fer qu'en bronze, de sorte que le tiers du nécessaire manquait. On était approvisionné de grains, mais il était à craindre qu'on ne pût les convertir en farines si l'ennemi, par des brûlots ou d'autres moyens incendiaires, venait à détruire les seuls moulins établis sur le fleuve. Trois mille chevaux enfermés dans la place

avaient du fourrage pour deux mois, et afin d'en diminuer la consommation, on fit tuer et saler tous les bestiaux destinés à l'approvisionnement. Les caisses étant vides, on autorisa l'ordonnateur à des emprunts, et mème à faire frapper une monnaie obsidionale.

Soixante mille Prussiens, environ, assiégeaient Mayence. A la tête de dix mille hommes, hessois et saxons, le général Schonfeld menaçait Cassel. Les Français informés que ce corps tenait une position trop étendue, tentèrent une sortie le 10 avril à minuit. La première colonne, forte de quatre mille hommes, et commandée par le général Meunier, marcha sur Hochein, bourg au sud de Cassel, et forma une fausse attaque contre l'aile gauche des ennemis, afin d'empêcher tous les secours de se porter sur l'aile droite, et d'agir ensuite de côté, selon les circonstances. Cette colonne chassa d'abord le détachement prussien du village de Kostheim, et s'empara du bétail qui s'y trouvait ; le feu des batteries de Hocheim la contraignirent à la retraite. Les deux autres colonnes marchèrent au nord jusqu'au-delà de la redoute de Mosbach; celle de droite, aux ordres du général Schaal, ayant à son avant-garde les chasseurs de Paris, suivait la chaussée de Wisbaden; celle de gauche, conduite par Dubayet, prit, le long du fleuve, la route de Biberich, situé sur le Rhin un peu en avant de Mosbach; son avant-garde formée par le 56° régiment, délogea le poste prussien du moulin de l'Électeur, et s'avança ensuite sous la protection des batteries de l'île SaintPierre; le 1er régiment de grenadiers, soutenu à droite par quelques bataillons, remontait la Salzbach, et se portait sur Mosbach. Le reste de la colonne filait un peu en arrière pour gagner Erbenheim, lorsqu'un coup de feu, tiré à l'improviste, tua un homme dans le rang, et occasionna un désordre général. Une fusillade très-vive dirigée contre ce détachement partit aussitôt de toute la colonne à laquelle il appartenait, et lui blessa beaucoup de monde. Les efforts du général Dubayet et du colonel Kléber ne purent ramener l'ordre, et l'on fut forcé à la retraite. Pendant que ceci se passait, Schaal avait gravi les hauteurs, et

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