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les états. C'est l'existence qu'il a gardé jusqu'à la révolution, Pour peu qu'on ait réfléchi sur l'histoire des deux derniers siècles, on comprendra combien cet arrangement, quelle que fût sa convenance, devait déplaire à la politique française. Il est manifeste, en effet, qu'un agrandissement aux dépens des Pays-Bas fut toujours une des vues principales de cette puissance, et l'on peut faire à ce sujet une réflexion dont la justesse nous semble manifeste; c'est que si la France eût suivi les voies que Henri IV et Richelieu avaient-ouvertes à sa politique, elle eût infailliblement recueilli une part considérable de cette portion de l'héritage de Charlesle Téméraire, qui n'avait point embrassé l'hérésie. En indisposant la Hollande, au contraire, en rompant cette longue alliance qui avait été si utile aux deux états, la France créa dans les conseils de la république un intérêt qui devint chaque année plus pressant; celui d'établir et de maintenir une forte barrière entre le territoire français et son propre territoire. Tel fut aussi le principe de la politique, que les H. H. P. P. opposèrent avec un succès constant aux armes de Louis XIV, et qui fonda l'existence des Pays-Bas autrichiens.

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Il nous semble que l'époque où nous sommes arrivės est celle où se manifesta d'une manière marquée entre les Belges et les Hollandais cet esprit de rivalité, que le temps n'a fait que rendre plus sensible. Déjà, comme nous l'avons vu, les derniers, gouvernant les Pays-Bas conjointement avec les Anglais, avaient montré l'intention formelle de sacrifier la prospérité industrielle et commerciale de ces contrées à leurs propres intérêts industriels et commerciaux. Ils avaient alors assez prouvé qu'ils ne regardaient plus comme sortis du même berceau ces peuples sur qui pesait encore le double joug de l'église et des rois. Il était évident qu'à leurs yeux les Pays-Bas devaient être simplement un intervalle que la France aurait à traverser pour arriver jusqu'à leurs. frontières, et dont on travaillerait constamment à perpétuer

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l'insignifiancé sous tous les autres rapports. Ce hût des étatsgénéraux fut obtenu par le célèbre traité de la Barrière, conclu en 1715 entre la Hollande et l'Empereur. « On doit regarder le traité de la Barrière, dit M. Ancillon (1), comme la garantie et le complément de tous les autres traités signés a Utrecht. L'objet de ce traité était d'assurer les Pays-Bas à la maison d'Autriche, de lui en faciliter la défense en accordant aux Hollandais le droit de mettre garnison dans an certain nombre de places, et de les défendre en cas de guerre. Les Etats-Unis y gagnaient une frontière plus sûre; FAutriche épargnait des sommes considérables; l'Allemagne acquérait un nouveau boulevard contre la France. Ces vues sont justes, mais la politique hollandaise est loin d'y être embrassée complètement. L'inspection même des articles fait voir jusqu'à quel point le traité était dirigé contre l'existence florissante des Pays-Bas autrichiens. Aussi, dès qu'il fut connu dans ces contrées, les clameurs y furent-elles générales. Les Belges, en voyant les Hollandais conserver des troupes dans leur pays, jugèrent que, la ruine entière de leur commerce était inévitable. Les états de Brabant et de: Flandre adressèrent à ce sujet de vives représentations à la cour impériale, ce qui donna lieu à ouvrir de nouvelles conférences à La Haye, dont le résultat fut une convention qui adoucit un peu les couditions humiliantes et onéreuses du traité de la barrière.

Les dispositions hostiles de la Hollande ne tardèrent pas à avoir de nouvelles occasions de se manifester. Quelques habitans des Pays-Bas avaient tenté, dès le commencement du siècle, d'établir un commerce direct du port d'Ostende avec la côte de Guinée et les Indes orientales. Les Hollandais prirent bientôt de l'ombrage du succès de ces tentatives. Ils prétendirent que le traité de Munster défendait aux PaysBas le commerce des Indes. La cour impériale répondit que

(1) Tome IV.

ces prohibitions n'avaient été manifestement stipulées que contre la navigation espagnole, et qu'elles ne regardaient nullement les provinces belgiques. Des négociations ou vertés à ce sujet devinrent très-vives quand l'empereureut, en 1722, érigé par lettres patentes la fameuse Compagnie des Indes, connue sous le nom de Compagnie d'Ostende, • pour naviguer ét négocier aux Indes orientales et occi» dentales et sur les côtes d'Afrique, tant en-deça qu'au-delà du cap de Bonne-Espérance, dans tous les ports, hâvres, lieux et rivières out des autres nations trafiquent librement. Les Hollandais appelèrent facilement l'attention de toutes les puissances maritimes sur cet établissement. On redouta partout que l'Autriche ne devînt une puissance commerçante, et on vit alors le spectacle nouveau d'une ligue de l'Europe, dont le but apparent était la garantie de certains intérêts politiques, et la fin réelle, la ruine d'une association de marchands flamands.

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Le résultat des alliances et des transactions entre les couronnes dut être la chute de la compagnie. L'empereur con>sentit d'abord,ben7279 à restreindre à sept ans l'octroi de trente années qu'il lui avait accordé. Et enfin, en 1735, tout commerce des Pays-Bas autrichiens avec les Indes -orientales fut totalement aboli; et pour éluder de nouvelles :discussions relativement à celui des Indes occidentales, on convint que F'on s'en rapporterait sur ce point aux règles établies dans le traité de Munster. Ainsi furent encore sacrifiés à la Hollande les plus précieux intérêts des provinces belgiques.

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Il faut passer maintenant au règne du fils de Marie-Thérèse, car les événemens mémorables où la maison d'Autriche se trouva mêlée laissèrent les Pays-Bas dans la même situation politique. L'usage était à cette époque, comme au temps de Philippe II, de faire gouverner ces provinces par un prince ou par une princesse de la maison impériale. Ces souverains régissaient en général ces états avec équité, et

modération, parce qu'ils reconnaissaient bientôt que ce n'était qu'ainsi qu'on pouvait y régner en paix. Les lois fondamentales étaient respectées, et les institutions réagissaient fortement sur la prospérité publique. Le tableau complet de ces institutions suivra immédiatement cette esquisse.

Au reste, ce n'était plus qu'un vain titre que celui de cercle de Bourgogne. Le traité de Munster avait, à la vérité, reconnu les Pays-Bas comme membres de l'Empire; mais les démembremens successifs que subit cette souveraineté firent d'abord diminuer son contingent pour la chambre de Wezlar; puis enfin l'accomplissement des obligations d'état d'empire fut omise, parce qu'il n'en résultait aucun avantage pour les provinces. Elles ne reçurent jamais, en effet, comme cercle, aucune sorte d'assistance de l'Empire.

CHAPITRE II..

Jusqu'à la création du Royaume des Pays-Bas.

Le règne de Joseph II est une espèce d'avant-scène du grand drame de la révolution. Marie-Thérèse avait cédé, dans les dernières années de sa vie, à l'influence qui semblait pousser l'Europe vers une grande réformation politique. Elle avait commencé d'importantes améliorations; elle avait entamé les priviléges de la noblesse et du clergé de ses états; son fils monta sur le trône pour marcher sur ses traces. Ce prince était doué d'un caractère énergique; son éducation libérale et son esprit philosophique avaient été développés par ses voyages dans plusieurs contrées de l'Europe; il s'était dit que le plus grand bonheur d'un roi était de gouverner un peuple libre: il voulut connaître cette pure félicité.

Malheureusement il oublia qu'avec le despotisme on ne fonde rien, et surtout la liberté; il voulut opérer tout-àcoup une transformation qui, pour être durable, devait

être amenée par les efforts successifs du temps. Tel, fut l'objet des mémorables décrets de 1781, qui établissaient les principes d'une juste tolérance à l'égard des chrétiens grecs ou des réformés, abolissaient les droits seigneuriaux et, la corvée, etc.; les intérêts de deux classes froissées à la fois se coalisèrent contre son pouvoir. Les peuples, dont l'état social n'était pas encore assez avancé, ne comprirent point la pensée du monarque, et se crurent attaqués dans des chaînes auxquelles l'habitude les avait soumis. Le mécontentement fut général; des troubles s'élevèrent en divers lieux, et le prince expira maudit par ceux dont il avait essayé la délivrance.

Bornons-nous à ce qui se rapporte spécialement aux PaysBas dans ce règne remarquable.

La première tentative de Joseph en faveur de ces contrées eut pour objet l'Escaut, que les traités précédens avaient fermé au commerce des Flamands. Il fit donc déclarer à la Hollande, dans des conférences ouvertes à Bruxelles pour terminer quelques différends relatifs à l'exécution du traité de la Barrière, qu'il se désistait de toutes prétentions précédemment soutenues par ses ministres, pourvu que la république accordât à ses sujets belges la libre navigation de l'Escaut et le commerce direct avec les Indes. Il alla même plus loin, car il déclara qu'il regardait ces points comme décidés, et que toute opposition des états-généraux là-dessus équivaudrait à ses yeux à une déclaration de guerre. La république, peu intimidée, allégua les traités, et posta une escadre à l'entrée du fleuve. Quelques vaisseaux flamands qui tentèrent de forcer le passage, furent obligés d'amener pavillon. Ceci se passait dans l'année 1784.

La guerre paraissait inévitable; mais il n'y avait encore des deux côtés que de faibles préparatifs. L'Europe, comme au temps de la compagnie d'Ostende, s'intéressa à cette querelle toute commerciale. Comme on commençait à sentir la force de l'opinion, chaque parti voulut la fixer en sa

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