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Des dix noms de

dix Sephirot

Le troifiéme livre de la philofophie occulte d'Agrippa eft une espéce d'aDicu & des bregé de la cabale, mêlée de magie, attributs.de fauffes religions, & de plusieurs fortes d'impiétés. Le chapitre dixićme parle des dix noms de Dieu, & des dix féphirot ou attributs, & de leurs puiffances.

9.

Des 50.

Le prémier nom de Dieu est l'ineffible; c'eft le nom de l'effence divine qui fignifie l'être, à l'exclufion de tout autre. Son attribut eft couronne & diadême; il influe par l'ordre des Séraphins.

Le fecond nom de Dieu eft Jod ou Tetragrammaton; fon attribut eft fageffe. Il influe par l'ordre des Chérubins. En voilà affez pour donner une idée de ces vaines fuperftitions.

Agrippa [e] diftingne trois fortes d'intelligences; 1o les fupérieures qui n'ont aucun commerce avec le monde matériel, mais qui reçoivent immédiatement de Dieu la lumiére, qu'elles communiquent aux intelligences du fecond & du troifiéme ordre; 2.° les intelligences célestes, qui font prépofées à la conduite des fphéres de l'univers & à la direction des cieux, des aftres, & des planétes; enfin les intelligences du troifiéme ordre, qui ont foin des hommes. Les différents ordres des méchants démons font expliqués dans le chapitre dix-huitiéme. Agrippa [f] enfeigne qu'il faut inviter, attirer, & gagner les bons efprits qu'on peut contraindre, & lier les méchants. L'ordre des héros a aufli fa puiffance, & leurs noms ont diverfes vertus.

b Cinquante entrées différentes, fuietes d'in. vant les principes de la Cabale, conligences. duisent à la connoissance générale des Tom. 1.

[e] Agripp. philof, occult. liv. 3. ch. 16. [f] Agripp. philof. occult. liv. 3. ch.32.633.

myftéres. Ce font les cinquante portes [g] d'intelligence. Dieu en a fait connoître quarante neuf à Moyfe; & toute cette doctrine, toute l'etendue de la fcience enfeignée par Dieu même à Moyfe, eft contenue dans les livres de Moyfe, où elle eft enveloppée dans le fens littéral ou allégori que, dans les calculs arithmétiques de la valeur des lettres, dans les figures géométriques des charactéres,, dans les confonances harmoniques des fons. C'eft dans l'explication de ces livres faints, que Salomon a puiféla fageffe, & l'étendue de fes connoífances.

10.

Vertus du

prémier

ou du nom

Le comte de la Mirandole dans fes nombre de neuf cents propofitions a inféré cel- dix, & du le-ci : Celui qui connoît la vertu du nombre nombre de dix, & la nature du pré- Sphérique, mier nombre fphérique, aura le fe- bre de cinq. cret des cinquante portes d'intelligence, du grand jubilé, de la milliéme génération, & du regne de touts les fiécles.

Le nombre de dix eft produit par le nombre de quatre, développé dans toutes les parties; car un, deux, trois & quatre ajoutés ensemble compofent dix. Le prémier nombre fphérique eft cinq. Il produit dix par fa proportion double: & fi vous prenez des deux côtés du nombre de cinq, les deux nombres fupérieur & inférieur qui en font les plus proches ou les deux plus éloignés; c'est-à-dire, fi vous accouplez les nombres fupérieur & inférieur dans une égale distance de cinq, il en résulte toujours le nombre de dix. Car il eft clair que fix & quatre; neuf & un; huit & deux; fept & trois font dix. Le nombre de cinq eft donc le prémier nombre fphérique

Z z

[g] Reuchlin, de art, caballistic.

& en le

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perdu une

multipliant par dix, cette multiplication produit les cinquantes portes d'intelligence, & les années du grand jubilé des Juifs. Le nombre de cinquante, par fa proportion double, donne le nombre de cent, lequel étant multiplié par dix, conduit à la milliéme génération; lorfque vous doublez continuellement ce dernier nombre, vous appercevez l'infini, qui eft le régne de touts les fiécles, appellé Enfoph par les Cabalistes.

Ils difent, que Jofué moins fçavant Joiné a que Moyfe a connu feulement quaForte d'intel-rante huit portes d'intelligence, & ligence que que Salomon a travaillé en vain, pour pu regagner.regagner la porte que Jofué avoit perdue. Dieu eft la prémiére porte d'intelligence; le monde archetype eft la feconde; le monde fenfible la troifieme; la matiére la quatriéme; la privation la cinquiéme; l'abime la fixieme; touts les êtres tirés du néant dans les fix jours de la création font les autres quarante-quatre portes,dont

72.

Des 32.

Phomme eft la derniére.

Les Cabaliftes joignent aux cinfentiers d'in-quante portes, trente-deux fentiers telligence. d'intelligence [b]. Le prémier eft l'intelligence mystérieuse ou occulte; le fecond est l'intelligence fanctifiante; le troifiéme eft l'intelligence abfolue, ou l'application des principes; le quatrième eft l'intelligence purifiante, le cinquiéme eft l'intelligence lumineufe,

Je paffe le détail du furplus de ces fentiers d'intelligence, pour venir à un grand mystére, c'est que ces trente deux fentiers font produits par le nombre de dix, joint aux vingtdeux lettres de l'alphabet Hebreu: & fi nous ajoutons ces mêmes vingt-deux

[b] Les trente deux fentiers d'intelligence font expliqués dans le livre Jetzirah, attribué au patriarche Abraham, & qui eft le fruit des réveries de quelque Rabbin, Reuchlin, de

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14.

Noms des

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N'oublions pas qu'un des plus fublimes myftéres de la cabale confifte dans les dix attributs de Dieu, que les Cabaliftes appellent Sephirot, & qui font couronne, fageffe, intelli- dix Sephi gence, clémence, juftice, ornement, triomphe, louange, fondement, rẻgne. Les noms des foixante-douze anges, & les priéres mystérieuses de la cabale, font dans le troifiéme livre de l'art cabalifte de Reuchlin, dédié au pape Leon X. & dans les neuf cents propofitions de Jean Pic comte de la Mirandole, dont les foixantedouze derniéres roulent fur la cabale; & il finit par celle-ci: que comme la véritable Astrologie eft la science de lire dans le livre du ciel, la véritable cabale eft la fcience de lire dans le livre de la loi. Quel fujet d'étonnement que les hommes les plus de l'efprit fçavants de leur fiècle, le comte de humain la Mirandole, Reuchlin, Agrippa aïent emploïé les plus laborieufes re-myfterieule cherches, à des chiméres fi peu dignes de leur attention? le prémier a été l'admiration de l'univers, par la vafte étendue des connoiffances qu'il avoit acquifes à un âge auffi peu avan

arte caballifticâ.Joan. Alberti Fabricii cedex pseudepigraphus veteris teftamenti, t. 1, c.13. p. 381.

75.

Curiofite

Four les ch

ies vaires &

16.

ce que le fien. C'étoit un prince fouverain d'Italie, qui ne peut être foup. çonné d'avoir voulu dupper des efprits foibles, curieux, & crédules. Au contraire il défraïoit magnifiquement les fçavants, qui venoient de toutes les parties du monde difputer contre lui, fur les neuf cents propofitions qu'il foutenoit à Rome; & il a été appellé [] un prodige fans défaut. On ne peut pas cependant l'exempter à cet égard de la vanité de l'esprit humain, qui s'attache volontiers à tout ce qu'il y a de plus frivole, pourvu qu'il foit mystérieux & inconnu aux autres hommes. C'eft lui rendre un grand fervice, que de le garantir de cet écueil: & c'eft en quoi confifte l'utilité de mettre au jour des chofes, qui ne mériteroient pas par elles mêmes d'être publiées.

La fauffe doctrine de la cabale La cabale roulant principalement fur la fignifine peut être aduite. cation, la valeur numérarie, l'arrangement, & la tranfpofition des lettres. Hébraïques contenues dans la fainte écriture, elle ne peut être enfeignée qu'en Hébreu, & elle n'eft pas fufceptible de traduction. Les Cabaliftes fondent quelquefois une explication très étendue fur un feul mot de l'écriture, à l'exemple des trois mots de la vifion de Balthafar, roi de Babylone; nombré, pefé, divifé: qui fignifioient, Tes jours ont été comptés par le Seigneur, & tes crimes en ont avancé la fin. Tes impiétés ont été mifes dans la balance du Seigneur, & la juftice la emporté fur la miféricorde. Ton fceptre va t'être enlevé, & ton roïaume fera di vifé entre les Médes & les Perfes.

Les cabaliftes, fuivant cet exemple,

[i] Monftrum fine vitio.

[k] Gaffarel. abdit. divin, cabal. myfter. [Reuchlin, de art, caballistic. lib. 3.

Cornette

peinte d'une

cherchent des fens très étendus dans 17. un feul mot, & même dans une let- de Judas tre, ou le trait d'une lettre. Les Rab- Macabée, bins difent [k] que Judas, fils de manière Matthathias, vainquit Antiochus mystérieuse. par la vertu des quatre lettres, qu'un ange lui montra, & qu'il fit peindre dans fa cornette; & qu'il eut le furnom de Macabée, tiré du fon de ces quatre lettres.

Un des rois [1] de Syrie qui ont porté le nom d'Antiochus, étant prêt de combattre contre les Galates, & fe trouvant en grand danger, par la valeur & le nombre de fes ennemis, Alexandre lui apparut en fonge, & lui montra une figure composée de cinq lignes, qui formoient plu fieurs triangles. Antiochus fit porter ce figne devant les foldats, & remporta une victoire compléte.

Un Efféen nommé [m] Manahem rencontrant Hérode dans fon enfance, avec une petite troupe de camarades de fon âge, le falua en lui difant, Bon jour roi des Juifs, & lui prédit qu'il régneroit en Judée. Deux Juifs aïant [n] prédit un régne long & glorieux à Zita, fouverain des Arabes, s'il détruifoit les images, & ce prince étant mort dans l'année de la prédiction, après avoir entrepris de les détruire, fon fils vouloit punir les impofteurs du dernier fupplice. Ils s'enfuirent en Ifaurie, où aïant trouvé un jeune homme, né de parents obfcurs, & dépourvu de touts les biens de la fortune; ils lui pronogftiquérent l'empire, & lui firent promettre que s'il y parvenoit, it leur accorderoit une demande, qu'ils lui feroient alors. Ce jeune homme devint empereur, & fut Léon l'lfau

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18.

Impiété &

cabale.

rique, qui chaffa Théodofe III. & ces Juifs s'étant préfentés à lui, lorfqu'il fut élevé fur le thrône d'Orient, l'empereur pour s'acquitter de fa promeffe ordonna de brifer les images, & perfécuta les Catholiques.

Quoique la cabale affecte de divanité de la tiger toutes fe vuës vers Dieu, & les efprits purs, on ne peut la juftifier de beaucoup de témérité, de fuperftition, & même d'impiété. De quelle autorité attribuë-t-elle certaines vertus aux noms des anges? elle abufe de leurs noms, & de leur invocation. Pourquoi reftreindre les attributs de Dieu au nombre de dix regardé comme mystérieux? quelle raifon a-t-elle de faire entrer dans le nombre des dix Séphirot certains attributs plutôt que les autres, & de mettre au nombre de ces Séphirot des dénominations, qui n'expriment pas des attributs?

C'est une impiété des plus abfurdes de prétendre, que la fageffe divine, pour inftruire Moyfe, Jofué, & Salomon, s'eft fervie de quaranteneuf ou de quarante huit portes d'in telligence, qu'il a plû aux cabaliftes d'établir, & dont ils ont fixé le nombre complet à cinquante.

La tranfpofition des lettres du texte Hébreu de la fainte écriture conduit à des interprétations fort dépravées. Une explication arbitraire d'un mot, d'une lettre, du trait d'une lettre, eft une fource inépuifable d'erreurs. Si Dien a voulu envelopper fous les mots & les lettres de la loi quel que fens mystérieux, n'eft-ce pas une témérité de prétendre le découvrir?

Comment les bêtes & les chofes inanimées peuvent-elles entendre les Homs Hébreux pour leur obeir, puifque les hommes eux-mêmes, qui n'ont pas appris l'Hébreu, ne peuvent les [o] S. Hieronym. in prologo galeate.

comprendre? On ne peut juftifier la vertu attachée aux paroles, par l'exemple des exorcifmes; car dans les exorcifmes les paroles qui chaffent les démons, ne le font pas par aucune vertu, mais par le mérite de la prière, & par l'ordre du toutpuiffant. Si Adam commandoit aux animaux qu'il a nommés, c'est un effet du don qu'il avoit reçu de Dieu, & non pas de la vertu des noms. Les miracles de Moyfe, & de Jofué, & la fageffe de Salomon ont eu la même caufe, qui n'eft autre que la volonté toute puiffante de Dieu. C'eft une impiété d'en attribuer la caufe à la vertu de certaines paroles, ou de certains characteres.

Saint Jérôme [•],dailleurs n'attefte-t-il pas, que les charactéres Hébreux ne font plus les mêmes, qu'ils étoient anciennement, & avant la captivité de Babylone: & qu'Efdras donna aux Juifs les nouveaux charactéres, dont ils fe font fervis depuis, au lieu qu'anciennement les Juifs & les Samaritains avoient les mêmes lettres? J'en ai dit affez pour donner une jufte idée, de cette prétenduë fcience occulte, qui ne mérite d'être regardée, que comme un affemblage de rêveries Rabbiniques.

19.

Vertu at

La vaine opinion de la vertu des lettres, & des nombres, n'a pas été tibué aux renfermée parmi des Rabbins, elle lettres des s'eft répandue parmi les philofophes, & les Chrétiens même.

Les Pythagoriciens affuroient que chaque lettre a fon nombre certain, qui défigne l'avenir, qu'ainfi on peut deviner ce qui doit arriver aux hom◄ mes, en calculant les nombres contenus aux lettres de leurs noms pro pres; que celui dont les lettres produifent par l'addition une plus groffe fomme, doit être fupérieur au conibat, au jeu en procès. Qu'il étoit

noms.

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20.

Duplefis

=re de la bê

enoin de Paul v.

21.

mastie ou

clair, fuivant ces régles, que Patro. cle feroit tué par Hector, & Hector par Achille, parce que le nom de Patrocle ne montoit qu'à 861. celui d'Hector à 1225.mais celui d'Achille jufqu'à 1501 On a attribué aux méditations de Pythagore, cette ridicule découverte, que le nombre impair de voïelles dans le nom propre, défigne [p]la perte de la vue, ou la fracture d'une jambe, ou quelque autre fâcheux accident.

La fupputation du célébre Du PlefMornaitrou-f .fis-Mornai, qui trouva dans le nom le nom du pape Paul V. le nombre de 666. de l'apo- qui eft [9] celui de la bête de l'Aypfe dans pocalypfe, a été regardée par les Prétendus Réformés comme une découverte d'un grand poids. Cette prédiction par les noms a été appellée [r] Onomantie. Suivant les principes de De l'ono-cette onomantie [s], les lettres font télition foumifes à certaines planétes, ou conarles noms ftellations, & leur valeur numéraire leur donne à chacune en particulier une vertu fignificative. Les Onomanciens rapportent l'origine de leur fcience à Enoch; ils difent que par elle, Jofeph a prédit les fept années de famine d'Egypte, & que Pythagore eft l'auteur de la rouë de fortune, fur laquelle les lettres féparées en douze parties répondent aux douze mai fons du Zodiaque.

La méthode n'eft pas uniforme. On

[p] Agripp. de vanit. fcientiar, c. 15. [9] Ne quis poffit emere, aut vendere, nifi qui habet characterem, aut nomen beftiæ, aut numerum nominis ejus. Hic fapientia eft. Qui habet intellectum computet numerum beftiæ. Numerus enim hominis eft: & numerus ejus fexcenti fexaginta fex. Apocal. c. 13. v. 17. [r] L'étymologie de cette dénomination vien du mot Grec oropa qui fignifie nom. Ces art ridicule eft mal nommé par quelques ignorants qui fe vantent de le pratiquer la nomancie.

18.

calcule ordinairement enfemble les noms du pére, de la mere, de celui qui confulte, du mois, du jour, du lieu, du figne, de la planéte, & on fe fert de la langue latine. On divise la fomme totale par trente, & on prend pour fondement de la prédiction, le nombre qui eft au quotient de la division.

Du temps d'Enoc, l'arithmétique qui eft en ufage parmi nous, n'étoit pas connuë; il eft vraisemblable qu'on ne fe fervoit pas encore de lettres; au moins eft-il certain qu'Enoc n'a eu aucune connoiffance de l'alphabet latin. Ce qui nous refte d'écrits des Pythagoriciens, ne parle en aucu

ne maniére de la rouë de fortune. Pourquoi la lettre A tient-elle fa vertu du foleil [1], & eft-elle rapportée au bélier? Quelle caufe fait valoir l'A 13. le bélier 94. & le foleil 55 ? pourquoi le B vaut-il 9. le C 27? qui eft-ce qui rend A, E, H, I des lettres heureu fes, pendant que B, C, D, F font infortunées pourquoi la divifion de la fomme totale fe fait-elle par 30. plutôt que par tout autre nombre? Agrippa [4] affigne aux lettres une valeur toute différente.

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[s] Raguferus, de divinar. lib.2.epift. 4[r] Ragufeius, lib. 2. epift.4.

1. 3. 3. 4. 5. 6. 7. 8. [u] a, b, c, d, e, f, g, h,

10. 20. 30, 40, 50, 60, 70, 80. i, k, l, m, n, o, p, q, r, go. 100, 200, 300, 400. 500. 600. t, u, X, Y, Z, 1. 700. 800. goo.

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V, Hi, Hu. Agripy philof.occult. lie

2. ch. 20.

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